Les virus respiratoires ont alimenté une nouvelle hausse des décès en 2023, révèlent des données de l’Institut de la statistique du Québec (ISQ). Les aînés représentent la majeure partie de la surmortalité observée, mais une vague de décès qui pourrait être liée à la crise des opioïdes touche aussi les moins de 50 ans.

Un mélange de virus qui pèse lourd

Au total, environ 77 300 personnes ont perdu la vie l’an dernier dans la province. C’est 4000 de plus que ne l’avaient prévu les démographes de l’ISQ. Le Québec termine ainsi 2023 avec une surmortalité de 5,5 %. Cela représente 865 décès de moins qu’en 2022, année où le Québec avait recensé une surmortalité propulsée par la vague Omicron de 8,8 %. Encore cette année, la cause première de la surmortalité semble claire. « On a d’abord observé une hausse des décès associée à la COVID-19 cet automne et après, la présence des autres virus respiratoires semble aussi avoir eu un effet en fin d’année. On ne peut pas encore le mesurer avec précision, mais ce mélange épidémiologique, c’est la principale cause qu’on voit présentement », illustre le démographe de l’ISQ Frédéric Fleury-Payeur.

Des jeunes plus à risque

Si la majorité des décès surviennent encore chez les 70 ans et plus – on en recense près de 60 000 dans ce groupe d’âge en 2023 –, l’augmentation statistique la plus importante de la surmortalité s’observe plutôt du côté des Québécois de moins de 50 ans. En effet, le Québec a enregistré dans cette tranche d’âge 659 décès de plus qu’anticipé, soit une surmortalité de 24,4 %. Selon M. Payeur, ce phénomène pourrait être lié à la hausse rapide de la population dans cette tranche d’âge, mais aussi à la crise des opioïdes. « Cette crise est moins aiguë au Québec [qu’au Canada et aux États-Unis], mais elle est plus accentuée qu’avant la pandémie. Il y a donc une surmortalité réelle qu’on pourrait associer à l’augmentation des surdoses, en grande partie liée aux opioïdes », avance-t-il, rappelant néanmoins que le taux de mortalité chez les jeunes Québécois « demeure parmi les moins élevés au monde ».

Les régions davantage affectées

La surmortalité a davantage touché les régions hors du Grand Montréal en 2023. Près de 34 000 Québécois qui ont perdu la vie cette année se trouvaient en région, alors que moins de 20 000 d’entre eux habitaient Montréal ou Laval et 24 000 dans Lanaudière, les Laurentides ou la Montérégie. Durant la pandémie, surtout pendant la première vague, c’était plutôt l’inverse : la région métropolitaine avait été fortement affectée par les décès.

PHOTO PATRICE LAROCHE, ARCHIVES LE SOLEIL

Le démographe de l’ISQ Frédéric Fleury-Payeur

On le voit aussi en Corée du Sud : les régions moins touchées pendant la pandémie finissent par l’être davantage un jour ou l’autre. C’est un peu ce qui se passe ici.

Frédéric Fleury-Payeur, démographe de l’ISQ

« Peut-être que l’immunité collective est moins forte, puisque les régions n’ont pas été frappées aussi fortement durant la COVID », soutient le démographe. Selon lui, une certaine forme d’« effet de moisson », soit la baisse de décès qui suit souvent un excédent de mortalité, a aussi probablement toujours un impact à Montréal.

Hommes et femmes, même portrait

C’est presque une égalité statistique : pendant qu’environ 38 525 hommes se sont éteints en 2023 au Québec, 38 780 femmes ont perdu la vie. Bref, la surmortalité a été pratiquement identique pour les deux sexes, soit d’approximativement 5,4 % à 5,5 %. L’an dernier, la surmortalité avait pourtant été plus élevée chez les hommes, dont l’espérance de vie est en général plus faible que celle des femmes. Alors, pourquoi compte-t-on une si faible différence cette année ? « Probablement que les hommes et les femmes ont été exposés aux mêmes phénomènes épidémiologiques. Ça démontre l’importance que ça a, surtout que l’évolution de la mortalité a été très similaire tout au long de l’année, d’un sexe à l’autre », répond M. Payeur.

L’Europe à un niveau similaire

Très peu de pays disposent de données aussi récentes que le Québec pour ce qui est de la surmortalité. Les données préliminaires de certains États européens comme la France, la Belgique ou l’Espagne semblent toutefois indiquer que le Vieux Continent « se situe grosso modo dans la même situation que le Québec », avance Frédéric Fleury-Payeur. Il ajoute que comme au Québec, la surmortalité s’est accélérée en fin d’année en Europe, au point où, dans l’ensemble des 27 pays ou nations participant au consortium EuroMoMo, elle était estimée à 9,9 % au cours des trois dernières semaines de l’année. La mortalité y est au-dessus de l’intervalle de fluctuation normale depuis la mi-octobre. Selon les données de la World Mortality Dataset, la Finlande a même atteint une surmortalité de 35 % lors de la semaine se terminant le 11 novembre.