Une enquête a été ouverte après que la famille d’un patient décédé à l’hôpital Anna-Laberge, à Châteauguay, eut dû attendre quatre jours pour obtenir son bulletin de décès et s’occuper des rites funéraires.

Stéphane Roch et Véronique Hébert étaient loin de se douter du cauchemar qu’ils allaient vivre lorsqu’ils ont reçu l’appel leur annonçant le décès du père de cette dernière, Gaétan Hébert, le 22 janvier dernier.

Hospitalisé depuis quelque temps à l’hôpital Anna-Laberge, à Châteauguay, sur la Rive-Sud de Montréal, l’homme est mort subitement en milieu d’après-midi, lundi dernier, en compagnie d’une préposée qui était affectée à son chevet en raison de son état.

« Ma conjointe a discuté avec les infirmiers, les papiers étaient censés se faire immédiatement, sinon le lendemain matin », se souvient Stéphane Roch, qui a alors contacté un salon funéraire de la région afin de prendre des arrangements en vue des funérailles.

PHOTO FOURNIE PAR LA FAMILLE

Véronique Hébert et son père, Gaétan Hébert

Quelle ne fut pas leur surprise lorsque, le jeudi suivant, ce même salon les a recontactés pour leur apprendre qu’ils n’avaient toujours pas été en mesure de récupérer le corps de Gaétan Hébert.

« On me dit : “Ça fait deux jours qu’on essaie d’avoir les papiers, mais ils ne sont pas prêts”, s’exclame M. Roch. C’est vraiment incroyable. On avait des choses à discuter avec la famille à Gaétan à savoir si on l’exposait, on voulait prendre les dispositions ensemble. »

Un registre informatisé

Durant la pandémie, Québec a élargi l’utilisation du Système d’information des évènements démographiques (SIED), un registre informatisé dans lequel sont versés tous les bulletins de décès maintenant remplis de manière électronique.

« Une entreprise funéraire ne peut exposer, embaumer ou même prendre en charge une dépouille si ce fameux bulletin n’est pas attribué à l’entreprise funéraire dans le système informatique », confirme la directrice générale de la Corporation des thanatologues du Québec, Annie Saint-Pierre, qui représente quelque 500 professionnels du domaine funéraire.

Récupérer un corps sans un mandat de la famille et le bulletin de décès du défunt est même illégal en vertu de la Loi sur les activités funéraires, ajoute-t-elle.

Ce système informatique ayant « facilité et accéléré les démarches de libération des dépouilles », un délai de quatre jours pour transmettre un bulletin de décès est « inacceptable », juge Annie Saint-Pierre.

Je ne la comprends pas, c’est la première fois que j’entends ça depuis un an et demi, une affaire comme ça, parce que [le SIED] a justement permis d’éviter que des médecins partent en vacances sans avoir signé le bulletin de décès, ce qui était fréquent auparavant.

Annie Saint-Pierre, directrice générale de la Corporation des thanatologues du Québec

Malgré deux appels au service des plaintes du CISSS de la Montérégie-Ouest, dont relève Anna-Laberge, le bulletin de décès de Gaétan Hébert n’a finalement été transmis à sa famille que vendredi.

Et ce, après l’intervention du bureau de la députée de Châteauguay, Marie-Belle Gendron, précise Stéphane Roch.

Trop tard pour être exposé ?

Vendredi, le CISSS de la Montérégie-Ouest a confirmé qu’il y avait bel et bien eu « un délai entre le décès et la signature du bulletin de décès », sans préciser à quoi cela était dû.

« Il s’agit d’un évènement inhabituel et le CISSS de la Montérégie-Ouest est préoccupé par la situation. Une enquête interne est en cours afin de déterminer ce qui a occasionné le tout », explique sa direction des communications et des affaires publiques.

« Nous tenons à offrir nos plus sincères excuses à la famille et sachez que des mesures seront prises afin d’éviter que ce genre de situation se reproduise », ajoute-t-on.

Mais Stéphane Roch craint qu’il ne soit maintenant trop tard pour exposer son beau-père. C’est du moins ce que lui aurait indiqué le salon funéraire.

On dit souvent que le système de santé est en train de s’effondrer. Eh bien, il est déjà effondré, selon moi.

Stéphane Roch

La directrice générale de la Corporation des thanatologues, Annie Saint-Pierre, est moins catégorique que le salon funéraire. « Il y a bien des choses qui sont possibles aujourd’hui, ça dépend d’une foule de facteurs », explique-t-elle.

Quoi qu’il en soit, la famille de Gaétan Hébert n’aurait jamais dû vivre une telle situation, selon elle. « Ce n’est dans l’intérêt de personne de ne pas signer le bulletin de décès. Ça engorge les morgues et ça a des répercussions pour les familles. »

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    Nombre de constats de décès au Québec, par année, en moyenne, depuis dix ans
    source : ministère de la Santé et des Services sociaux