Deux mois après l’arrivée du conciliateur, la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ) et Québec sont « encore très loin » d’une entente. Le principal défi à la conclusion d’un accord réside dans la question de la flexibilité.

« Le déplacement obligatoire fait en sorte que nous n’avons toujours pas d’entente collective », a déclaré la présidente de la FIQ Julie Bouchard, en conférence de presse jeudi matin. Le syndicat s’oppose à l’idée d’obliger les infirmières à changer d’établissement ou d’unité de soins pour pallier le manque de personnel.

La FIQ a déjà exprimé par le passé son désaccord avec les demandes de Québec d’inclure une plus grande « flexibilité » dans les conventions collectives des travailleurs de la santé. Selon le syndicat, il s’agit d’une manière déguisée de déplacer les infirmières entre les unités de soins et les établissements de santé, selon les besoins des employeurs.

Selon Mme Bouchard, « il faut que cette demande quitte la table de négociation » pour arriver à une entente.

Le syndicat, qui représente quelque 85 000 infirmières, infirmières auxiliaires, inhalothérapeutes et perfusionnistes cliniques, a fait appel à un conciliateur le 19 décembre dernier dans l’espoir de dénouer l’impasse dans les négociations.

« Le conciliateur est d’une aide précieuse depuis son arrivée. Il y a certaines choses qui sont ficelées, mais c’est encore long », dit Mme Bouchard. Aucune nouvelle journée de grève n’est prévue pour le moment.

Sur une base volontaire, dit Québec

« Le gouvernement doit s’assurer qu’il y a suffisamment d’infirmières, en tout temps et aux bons endroits, pour offrir des soins adéquats à la population. Dans le cadre de cette négociation, on ne veut pas obliger les infirmières à se déplacer, on propose plutôt un incitatif financier à celles qui souhaiteraient aller prêter main-forte à leurs collègues », a déclaré la présidente du Conseil du trésor, Sonia LeBel.

Elle assure que ses déplacements se feront sur une base volontaire. « Une chose est certaine : jamais on ne fera de compromis sur la sécurité des patients et sur la formation requise. C’est primordial. La protection du public, c’est non-négociable », a-t-elle ajouté.

« À la FIQ, on dit du déplacement obligatoire, le gouvernement lui parle de flexibilité volontaire. Alors, qui dit vrai ? », a pour sa part déclaré Julie Bouchard avant d’ajouter que le déplacement volontaire existe déjà dans les conventions collectives. « C’est écrit que les professionnelles en santé peuvent toujours se porter volontaires pour un déplacement. »

200 démissions en neuf mois

Une telle mesure de « flexibilité » a été instaurée en mars dans la Mauricie et le Centre-du-Québec (MCQ). Les infirmières du CIUSSS MCQ sont appelées à aller prêter main-forte dans les secteurs où les besoins sont les plus criants au moins une fin de semaine sur trois.

En l’espace de neuf mois, pas moins de 200 infirmières travaillant dans la région seraient ainsi parties à la retraite de façon hâtive ou auraient démissionné en raison de la nouvelle mesure.

Tracey Beaudoin est l’une des infirmières qui a été déplacé dans un nouveau secteur. Depuis 2018, elle travaille à Plessisville auprès des nouvelles mamans pour vérifier leur état de santé et celui de leur nouveau-né. « Le but c’est de mettre autour d’elles les services dont elles ont besoin, comme une nutritionniste », a-t-elle déclaré en conférence de presse.

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Tracey Beaudoin

Elle raconte qu’on lui a demandé l’an dernier de travailler occasionnellement en néonatalogie, en centre hospitalier, afin de prendre à sa charge des poupons et leurs mères. « Les infirmières sur les unités de naissances sont tellement bonnes, mais elles ont beaucoup de pratique, des simulations d’états d’urgences. Je suis à des années-lumière de là », dit-elle.

« Je suis experte dans mon domaine, en petite enfance, et j’adore ça. C’est vraiment un beau métier. Mais tu ne peux pas me prendre et m’amener à une place où je suis encore moins bonne qu’une débutante », dit-elle.

Les membres du Syndicat des professionnelles en soins de la Mauricie et du Centre-du-Québec ont réalisé une journée de grève supplémentaire en novembre dernier pour dénoncer l’implantation de cette mesure.