(Québec) Le bras de fer entre les médecins de famille et Christian Dubé se durcit. La Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ) met en demeure le ministre de la Santé, qui veut les forcer à en faire plus. Le syndicat déplore qu’on l’ait mis devant le fait accompli.

La FMOQ a envoyé mercredi une mise en demeure au ministre Christian Dubé. Le syndicat de médecins reproche au gouvernement Legault de ne pas les avoir consultés avant d’autoriser un projet de règlement qui les forcera à prendre en charge davantage de patients vulnérables en plus de donner au ministre l’accès aux données des cliniques médicales pour « agir » sur l’offre de première ligne.

Plus précisément, le ministre Christian Dubé obligera les médecins de famille à faire un nouveau tour de roue pour prendre en charge 13 000 patients vulnérables qui sont toujours sur une liste d’attente.

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Christian Dubé

Le président de la FMOQ, le DMarc-André Amyot, avait indiqué à La Presse accueillir la décision de Québec de procéder par règlement « avec incompréhension et grande déception ». Selon lui, le gouvernement tente de faire porter aux médecins « l’odieux de l’échec du mammouth ».

« Je pense qu’on a assez de médecins de famille au Québec pour être capable de prendre en charge ces 13 000 personnes », a déploré François Legault, en marge de l’inauguration d’une maison des aînés à L’Assomption, dans sa circonscription, vendredi.

« Il faut que tout le monde réalise qu’on est en négociation avec le syndicat. Même si ça s’appelle la FMOQ, la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec, c’est un syndicat qui veut le moins de contraintes possible », a ajouté le premier ministre en mêlée de presse.

La FMOQ a expliqué pour sa part que l’envoi d’une mise en demeure au ministre était « un appel au dialogue ». On veut aussi « casser le moule », de manière que Québec, au lieu de mettre les médecins devant le fait accompli, les consulte plutôt en amont, a expliqué le porte-parole Jean-Pierre Dion.

Le FMOQ demande au ministre de renoncer à publier son projet de règlement, qui doit être publié dans la Gazette officielle d’ici deux semaines. Une période de consultations de 45 jours suivra ensuite sa publication.

Le projet de règlement vise à mettre en application certaines dispositions de la Loi visant à augmenter l’offre de services de première ligne et à améliorer la gestion de l’offre, adoptée en juin 2022.

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Le DMarc-André Amyot, président de la FMOQ

Dans une lettre envoyée au ministre la semaine dernière, le DAmyot écrit que la loi, tout comme le règlement d’application, « transgresse [le] droit à l’association et son corollaire, le droit à la négociation ».

« Nous dire que nous aurons l’occasion, comme tous les citoyens québécois, de commenter un projet de règlement dans le cadre d’une consultation inhérente à une publication dans la Gazette officielle est inacceptable et constitue une négation de nos droits fondamentaux. Vous compromettez votre engagement d’établir un climat de collaboration avec nous », écrit le président.

La FMOQ n’a pas rendu public le contenu de la mise en demeure.

Fin de non-recevoir à Québec

Le cabinet du ministre a fait savoir vendredi qu’il n’était pas question de reculer sur la publication du projet de règlement qui a reçu la semaine dernière le feu vert du Conseil des ministres.

« Le ministre suit son plan de match et respecte son engagement pris auprès des Québécois au printemps 2022 lors de l’adoption de la loi visant à augmenter l’offre de services de première ligne. Nous avons le devoir de soigner en priorité les gens les plus vulnérables, c’est une question de responsabilité sociale des médecins », a-t-on indiqué vendredi.

Sur le fond, les médecins de famille se disent favorables aux nouvelles demandes du ministre, qui souhaite notamment les obliger à prioriser la prise en charge de patients orphelins vulnérables, comme ceux qui souffrent d’un cancer ou d’autres maladies graves.

Selon M. Dubé, quelque 13 000 patients vulnérables attendent toujours d’être pris en charge par un médecin de famille ou un groupe de médecine de famille (GMF).

« Je veux ramener ça à zéro », illustrait le ministre, qui demande aux médecins un nouveau tour de roue.

« Dans l’état actuel de pénurie de main-d’œuvre médicale, il est illusoire de croire que les médecins de famille, à eux seuls, pourraient venir à bout des guichets. Il y aura toujours un certain nombre de patients appartenant à cette clientèle », écrit le DAmyot dans sa lettre du 5 février.

Par ailleurs, les médecins de famille sont d’accord avec l’objectif du ministre d’avoir un meilleur accès aux données sur les disponibilités des cliniques médicales. Or, ils disent craindre que cela ne s’accompagne de sanctions aux médecins et n’alourdisse des tâches administratives.

M. Dubé a déjà indiqué qu’il n’avait pas l’intention d’imposer des sanctions aux médecins qui ne prendraient pas par exemple suffisamment de patients en charge. Reste que la loi 20, adoptée à l’époque sous le ministre Gaétan Barrette, lui permettrait de le faire.

En 2022, le gouvernement Legault et la FMOQ ont conclu une entente pour la prise en charge d’au moins 500 000 patients orphelins en déployant notamment le Guichet d’accès à la première ligne (GAP), qui permet à un patient sans médecin de famille d’être pris en charge par un GMF, et non un seul omnipraticien. Quelque 900 000 patients sont inscrits au GAP en date du 15 janvier.