Inspections et certifications
Fondée en 2002 pour promouvoir la création d’aires maritimes protégées, l’organisation non gouvernementale (ONG) américaine Oceana a publié cinq rapports sur la pêche illégale. Depuis 2018, elle inclut les données des balises que doivent normalement conserver en tout temps allumées les navires de plus de 50 m. « Quand un navire éteint sa balise juste avant d’arriver dans une zone maritime protégée, puis la rallume quand il en ressort, c’est une forte indication qu’il y a de la pêche illégale », explique Marla Valentine, responsable de la pêche illégale à Oceana.
« Nous transmettons l’identité des navires que nous soupçonnons de faire de la pêche illégale aux autorités de leur pays d’origine. Il peut aussi y avoir des inspections en mer. » La marine américaine collabore depuis l’an dernier avec Oceana, lors de patrouilles en Amérique centrale et dans les Caraïbes. Pour le moment, elle n’a pas arraisonné de pêcheurs pirates sur la base de signalements d’Oceana.
« La prochaine étape est d’aider les organismes de certification de la pêche responsable à détecter les
poissons frauduleusement identifiés, dit Mme Valentine. La pêche illégale peut être maquillée en transférant le poisson d’un navire à un autre en plein océan. Nous sommes capables de voir ces transbordements avec les données satellites des balises. »
Oceana suit également sur une carte, en temps réel, la position de 168 navires qui ont été reconnus coupables de pêche illégale par les autorités. Mme Valentine prévient qu’il peut y avoir des raisons légitimes d’éteindre sa balise, par exemple quand un navire traverse des eaux infestées de pirates prenant en otage des navires.
L’a b c des balises
Le système d’identification automatisé (SIA) par satellite existe depuis le début des années 1990. Il est devenu obligatoire en 2002 pour les navires de croisière, les traversiers et les navires de plus de 50 m. Le nombre de navires suivis par le SIA est passé depuis de 100 000 à 550 000, dont 70 000 navires de pêche.
Trois itinéraires suspects
D’un côté à l’autre des Galapagos
L’un des premiers exemples de probable pêche illégale détectée grâce aux balises SIA par Oceana impliquait un navire panaméen, le Tiuna, en 2014. Sa balise s’est soudainement éteinte alors qu’il approchait de la limite ouest de la zone maritime protégée des Galapagos, pour être réallumée 15 jours plus tard de l’autre côté de l’archipel, juste en dehors de la limite est de la zone maritime protégée.
Pêche chinoise aux Galapagos
En juillet 2020, 300 navires chinois spécialisés dans la pêche à la seiche se sont rassemblés à la limite de la zone maritime protégée des Galapagos, en Équateur. L’un après l’autre, ils ont fermé leur balise SIA pendant quelques jours, probablement pour pêcher illégalement à l’intérieur de la zone protégée, selon Oceana.
Pirates dans les eaux argentines
En juin dernier, Oceana a révélé que des navires étrangers ont éteint à plus de 6000 reprises leurs balises SIA entre janvier et mai 2018, alors qu’ils approchaient des eaux territoriales argentines. Oceana estime que ces navires étrangers ont passé 100 fois plus de temps à pêcher dans les eaux argentines que les navires de pêche argentins. Environ 800 navires étrangers étaient du lot, pour la moitié des navires chinois.
D’autres applications scientifiques des balises
36 études sur les émissions des navires qui utilisent les données des balises SIA
14 études sur le bruit des navires qui utilisent les données des balises SIA
13 études sur les baleines qui utilisent les données des balises SIA
7 études sur les pêcheries qui utilisent les données des balises SIA
Source : Marine Policy
La trajectoire d’un esclavagiste
Grâce aux balises SIA, il est possible de détecter les navires de pêche qui emploient des esclaves, ont démontré des chercheurs de l’Université de Californie à Santa Barbara dans la revue PNAS. Oceana applique cette méthodologie pour les traquer. « Ce sont, par exemple, des navires qui vont passer beaucoup de temps en mer, et qui restent accostés très peu de temps dans les ports, dit Mme Valentine. Ils vont être ravitaillés et décharger leurs prises lors de transbordements en pleine mer. Éventuellement, nous allons être capables de transférer les informations sur les navires suspects aux autorités, comme nous le faisons pour la pêche illégale. »
L’esclavage en chiffres
De 57 000 à 100 000 esclaves travaillent sur des navires de pêche
1,5 million d’esclaves travaillent en agriculture ou en foresterie
16 millions : nombre total d’esclaves dans le monde
Source : Organisation internationale du travail