Des milliers de spécialistes du sida convergent en fin de semaine à Montréal pour la Conférence internationale annuelle sur la question. Les bons et mauvais effets de la pandémie sur la lutte contre le sida seront au cœur des discussions.

« Le thème est le réengagement et le respect de la science », explique Jean-Pierre Routy, de l’Université McGill, qui est le coprésident de la conférence AIDS 2022. « Il faut remettre la pandémie du VIH à sa place. La COVID-19 a altéré la prévention et les thérapies antirétrovirales, notamment en Afrique, à cause des confinements. Et il y a eu énormément de fake news, ce qui pose aussi problème dans la lutte contre le VIH. » Le VIH est le virus responsable du sida.

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Le Dr Jean-Pierre Routy, professeur à l’Université McGill et coprésident de la conférence AIDS 2022

Parmi les bons côtés de la pandémie, les avancées considérables sur les vaccins à ARN messager (ARNm) comme ceux de Pfizer et de Moderna, ainsi que sur les anticorps monoclonaux, utilisés pour traiter la COVID-19. « On pensait déjà aux vaccins à ARNm pour le VIH, mais là, on a pu lancer des essais cliniques », dit le DRouty. Pour ce qui est des anticorps monoclonaux, ils pourraient être utiles pour des stratégies de destruction totale du VIH, qui se cache dans des réservoirs chez les patients dont la maladie est bien contrôlée par la trithérapie.

Variole et ITSS

Les thèmes qui étaient de plus en plus dominants dans les congrès prépandémie deviennent de plus en plus centraux. C’est le cas de la prévention et du traitement en Afrique, notamment de l’utilisation de la prophylaxie préexposition (PreP, selon l’acronyme anglais), des médicaments permettant aux séronégatifs d’avoir des relations sexuelles non protégées sans risque d’être infectés. Le manque de financement et des approches inappropriées sur le plan culturel, parfois dénoncées comme du « colonialisme », posent problème. Les mêmes obstacles compliquent la prévention et les traitements parmi les minorités sexuelles et ethniques et dans les communautés autochtones en Amérique du Nord.

La récente crise de la variole simienne vient renforcer les aspects du programme de la conférence qui portent sur les infections transmises sexuellement (ITS), en hausse depuis des années à cause des succès de la PreP.

On ne veut pas stigmatiser les hommes qui ont des relations sexuelles avec d’autres hommes, la population la plus touchée par la variole simienne. Mais c’est un vrai problème, il risque d’y avoir un débat chaud.

Le Dr Jean-Pierre Routy, professeur à l’Université McGill et coprésident de la conférence AIDS 2022

La trithérapie en zone de guerre sera aussi abordée. « Avec l’Ukraine, malheureusement, c’est une question brûlante, dit le DRouty. Mais on voit aussi le problème ailleurs, en Érythrée par exemple. »

La pandémie a par ailleurs affecté le congrès en ralentissant l’obtention de visas pour plusieurs des 7000 chercheurs étrangers invités.

Autopsies de patients séropositifs morts d’une autre maladie

Une préconférence sur la guérison du sida a eu lieu jeudi au CHUM. L’une des présentations a fait le point sur les autopsies de deux patients séropositifs morts d’une autre maladie. « On a pu voir la quantité de virus qu’il y a dans les différents organes, et les endroits où il y a des virus capables de se répliquer », dit Nicolas Chomont, l’un des organisateurs de la préconférence, qui est spécialiste du VIH au CHUM. « C’est important pour identifier là où les réservoirs de VIH se situent chez les patients dont la maladie est contrôlée par la trithérapie. » Le CHUM sera responsable d’une série d’autopsies similaires. La présentation sur les deux autopsies a été faite par Caroline Dufour, candidate au doctorat.

Une version précédente de cet article attribuait à Éric Cohen de l'IRCM les propos de Nicolas Chomont.

En savoir plus
  • 1,5 million
    Nombre de nouvelles infections au VIH dans le monde en 2021
    source : Organisation mondiale de la santé
    500 000
    Nombre prévu de nouvelles infections au VIH dans le monde en 2021, selon les projections prépandémiques
    source : Organisation mondiale de la santé