Des gènes résistants aux antibiotiques dans les nuages ? C’est l’étonnante découverte réalisée par une équipe de chercheurs québécois et français, et qui permet de mieux documenter un phénomène inquiétant de santé publique qui fait de plus en plus de victimes.

La résistance aux antibiotiques est un grave problème de santé publique et pourrait même devenir l’une des principales causes de mortalité dans le monde d’ici 2050. L’utilisation grandissante d’antibiotiques dans diverses sphères d’activité, notamment le traitement d’infections et la production animale, est évidemment à l’origine du phénomène, qui « atteint désormais des niveaux dangereusement élevés dans toutes les régions du monde », estime l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

À l’image des microplastiques qu’on retrouve maintenant un peu partout dans l’environnement, même au sommet de l’Everest, les gènes résistants aux antibiotiques se multiplient dans les océans, dans les cours d’eau et dans les sols. On sait maintenant qu’il y en a dans les nuages, grâce aux travaux d’une équipe de chercheurs de l’Université Laval et de l’Université Clermont Auvergne en France.

« C’est la première étude qui démontre que les nuages abritent des gènes de résistance aux antibiotiques », explique Florent Rossi, premier auteur de l’étude et postdoctorant qui fait partie de l’équipe de recherche de la professeure Caroline Duchaine de l’Université Laval. L’étude a été publiée dans la revue Science of the Total Environment.

« Ces gènes se trouvent dans des bactéries qui, elles, se retrouvent à la surface de la Terre ou dans les océans. Nous avons voulu vérifier s’il y en avait aussi dans les nuages », précise le chercheur en entrevue avec La Presse.

Méthode

Les scientifiques ont pris des échantillons de nuages à partir d’une station de recherche atmosphérique située à 1465 m d’altitude, au sommet du puy de Dôme, un volcan endormi qui se trouve dans le Massif central, en France. Les analyses ont déterminé qu’on y retrouvait en moyenne 8000 bactéries par millilitre d’eau de nuage.

En poussant plus loin les analyses, on a aussi pu établir que les nuages contenaient en moyenne 20 800 copies de gènes résistants aux antibiotiques par millilitre d’eau. Fait à noter, on retrouve davantage de gènes utilisés en production animale dans les nuages continentaux que dans les nuages océaniques. L’étude a permis de mesurer la concentration de 29 sous-types de gènes résistants aux antibiotiques.

Il y en a moins [de gènes résistants aux antibiotiques dans les nuages] que dans la nature, mais ce sont tout de même des concentrations qui ne sont pas négligeables.

Florent Rossi, premier auteur de l’étude

Est-ce que ces gènes peuvent survivre dans les nuages ? Comme les nuages se déplacent, est-ce que ces gènes peuvent ensuite se transmettre et intensifier la problématique d’intolérance aux antibiotiques ?

Il faudra se pencher sur ces questions, indique M. Rossi. L’équipe aimerait aussi pouvoir identifier les sources d’émission de ces gènes pour éventuellement mieux limiter leur diffusion.

« Ce sujet n’était pas documenté avant. La bonne nouvelle, c’est qu’on aura maintenant un point de comparaison dans l’avenir pour déterminer si ça ira en augmentant. »

Rappelons que chaque année, des dizaines de milliers de tonnes d’antibiotiques sont utilisées pour traiter et prévenir des maladies humaines, animales et végétales, selon les estimations de l’OMS. En raison d’une plus grande résistance aux antibiotiques, il devient plus difficile de traiter de nombreuses maladies infectieuses.

En savoir plus
  • Entre 5 et 50 %
    Proportion des bactéries trouvées dans les nuages par l’équipe de chercheurs qui pourraient être vivantes et potentiellement actives
    Source : Université Laval
  • 12
    Nombre de séances d’échantillonnage de nuages réalisées par les chercheurs sur une période de deux ans
    Source : Université Laval