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A-t-on l’intention de laisser traîner nos déchets longtemps sur la Lune ?

Mario Grenier

Face à l’explosion du nombre de missions lunaires prévues, un groupe international de réflexion sur « l’utilisation durable de la Lune » vient d’être créé à Vienne.

« Il y a de plus en plus d’inquiétudes sur l’impact des activités d’exploration sur l’environnement lunaire », explique Vishnu Reddy, astronome de l’Université de l’Arizona qui travaille sur un catalogue de débris en orbite lunaire. « L’Union astronomique internationale et l’ONU collaborent au projet sur l’utilisation durable de la Lune. Le risque de contamination ou d’accident est très faible actuellement comparé à ce qu’on voit en orbite terrestre. Mais il ne faut pas attendre qu’il augmente, surtout que la quasi-absence d’atmosphère sur la Lune ne permet pas de brûler les débris qui s’écrasent sur la Lune. »

Le Groupe d’experts sur l’utilisation durable de la Lune (GEGSLA) a été fondé en 2020 par l’ONG viennoise Moon Village, qui regroupe des entreprises intéressées par l’exploration et l’exploitation de la Lune. Le GEGSLA a lancé ses activités en janvier dernier et participe depuis mars aux séances du Comité sur les usages pacifiques de l’espace de l’ONU, aussi établi à Vienne.

PHOTO TIRÉE DU SITE WEB DE LA NASA

Un astronaute de la mission Apollo 11

La NASA publie périodiquement dans des articles grand public un catalogue d’objets abandonnés sur la Lune, allant des véhicules d’Apollo à des sacs d’excréments laissés par les astronautes américains sur notre satellite il y a plus d’un demi-siècle. Les dernières mentions font état de 200 objets distincts.

M. Reddy, de son côté, surveille un peu plus de 200 objets en orbite lunaire.

PHOTO TIRÉE DU SITE WEB DE L’UNIVERSITÉ DE L’ARIZONA

Vishnu Reddy, astronome de l’Université de l’Arizona qui travaille sur un catalogue de débris en orbite lunaire

Mais il n’est pas certain que ce sont tous les débris de l’exploration spatiale. Nous pouvons seulement observer les objets les plus gros, de la taille de quelques mètres. Pour les objets plus petits, il nous faudra un nouveau télescope, dont nous disposerons d’ici deux ou trois ans.

Vishnu Reddy, astronome de l’Université de l’Arizona qui travaille sur un catalogue de débris en orbite lunaire

Aucune collision en orbite lunaire n’a jamais été détectée, selon le chercheur de l’Arizona. Mais l’an dernier, une fusée chinoise s’est écrasée sur la Lune après avoir suivi une orbite erratique. Selon M. Reddy, il ne s’agit pas d’une preuve de mauvaise planification chinoise. « Ils ont simplement été malchanceux. »

Eau contaminée

Il est probable, par ailleurs, que le carburant des missions lunaires, particulièrement celles qui se sont posées près des pôles, ait déjà contaminé la glace qui s’y cache dans des cratères. « Notre modélisation montre que de 15 % à 20 % des gaz libérés par une mission lunaire polaire se retrouvent dans les cratères », explique Pavarthy Prem, astrophysicienne de l’Université Johns Hopkins qui a publié ses résultats en 2020 dans la revue GJR Planets. « Pour les missions Apollo, c’est probablement plus faible parce qu’elles étaient proches de l’équateur. Les gaz des missions lunaires sont rapidement détruits par les rayons UV, sauf s’ils peuvent se cacher dans les cratères des pôles, où les UV n’arrivent pas. »

Cette contamination signifie qu’il faudra creuser au moins quelques centimètres pour connaître la vraie composition de la glace lunaire.

Idéalement, il faudrait lancer rapidement une mission d’échantillonnage de la glace lunaire pour éviter qu’on perde cette information cruciale pour la compréhension de l’évolution de la Lune et de la Terre.

Pavarthy Prem, astrophysicienne de l’Université Johns Hopkins

La pollution lunaire n’a pas que de mauvais côtés. Les sacs d’excréments des astronautes d’Apollo pourraient abriter des microbes encore vivants, ce qui permettrait de mieux comprendre la possibilité que la vie se soit transmise d’une planète à une autre, voire d’un système solaire à un autre, selon Mark Lupisella, un exobiologiste de la NASA qui a abordé la question dans des congrès internationaux. « On discute régulièrement de retourner sur les sites d’Apollo pour récupérer ces sacs d’excréments, mais il n’y a pas encore de plan formel. »

Des expériences japonaises à bord de la Station spatiale internationale ont permis de constater que des microbes peuvent être ressuscités après avoir passé huit ans dans le vide spatial.

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  • 10 milliards de milliards
    Nombre de molécules par centimètre cube dans l’air au niveau du sol sur Terre
    Source : NASA
    1 million
    Nombre de molécules par centimètre cube dans l’atmosphère du sol lunaire
    Source : NASA