Lors d’un « dôme de chaleur » en Colombie-Britannique en 2021, les schizophrènes avaient trois fois plus de risque de mourir que d’habitude. De plus en plus de chercheurs se penchent sur le phénomène.

Maladies chroniques

Les épidémiologistes du Centre de contrôle des maladies de Colombie-Britannique (BCCDC) ont voulu évaluer les maladies augmentant les risques des coups de chaleur. « On parle traditionnellement des gens qui ont des problèmes de rein et cardiaques », explique Michael Lee du BCCDC, qui est l’auteur principal de l’étude publiée en mars dans la revue GeoHealth. « Durant le dôme de chaleur de juin 2021, la mortalité a doublé dans la province. À notre grande surprise, 8,3 % des personnes décédées étaient schizophrènes. Le risque est beaucoup, beaucoup plus élevé que pour les problèmes de reins et cardiaques. »

Aux quatre coins du monde

L’impact des canicules sur la santé mentale est sous la loupe des chercheurs depuis une trentaine d’années. En 2021, une étude australienne avait rapporté une cinquantaine d’études sur le sujet. « Les Australiens ont rapporté des résultats similaires aux nôtres, mais ils utilisaient les symptômes de schizophrénie, alors c’est moins précis. On ne pensait pas que l’impact serait aussi élevé. » L’impact de la démence, lui, est moins important dans l’étude de M. Lee que dans d’autres études. « Il se peut qu’il y ait plus d’attention aux patients ici, et plus de climatisation. » En 2012, une étude québécoise avait rapporté une augmentation d’entre 3 % et 5 % des visites dans les urgences psychiatriques quand il faisait 25 degrés plutôt que 20 degrés.

Prévention

La principale leçon de l’étude de M. Lee réside dans la prévention. « Il faut que les soignants et les proches de personnes ayant des problèmes de santé mentale soient au courant du risque accru qu’ils ont lors des canicules, particulièrement pour les schizophrènes. » Actuellement, les messages d’alerte chaleur visent surtout les personnes âgées et les cardiaques. « C’est sûr qu’il y a plus de gens qui ont des problèmes cardiaques que de schizophrènes, dit M. Lee. Alors l’impact populationnel de l’augmentation de risque a un gros impact, même si l’augmentation est moins forte que pour la schizophrénie. »

PHOTO TIRÉE DU SITE DU BCCDC

Michael Lee du Centre de contrôle des maladies de Colombie-Britannique (BCCDC), auteur principal de l’étude publiée en mars dans la revue GeoHealth

Antipsychotiques

L’épidémiologiste de Vancouver veut maintenant comparer les dossiers des schizophrènes qui sont morts et qui ont survécu au dôme de chaleur de 2021. « Les antipsychotiques qui leur sont prescrits peuvent affecter les régions du cerveau responsables de la régulation de la chaleur corporelle. Il se peut que certains antipsychotiques soient pires que d’autres. » Une étude suédoise publiée en 2018 dans l’International Journal of Environmental Research and Public Health, qui portait sur les mécanismes biologiques expliquant l’impact négatif de la canicule sur la schizophrénie, notait que les antipsychotiques peuvent aussi augmenter la température du cerveau.

Hypothalamus

Une autre explication de la vulnérabilité des schizophrènes face aux canicules repose dans les anomalies neurologiques qui sous-tendent la maladie. « Les schizophrènes ont souvent de la difficulté à ressentir les signaux de leur corps, dit M. Lee. Ça peut les mener à ne pas réaliser qu’ils ont un coup de chaleur. L’hypothalamus, responsable de la régulation de la chaleur par la transpiration, est aussi affecté. » Les problèmes de sommeil associés à la schizophrénie sont par ailleurs exacerbés par la chaleur.

Solitude et intoxication

M. Lee veut aussi avoir des données socioéconomiques et toxicologiques sur les décès du dôme de chaleur de 2021. « On sait que les gens seuls et qui ont des problèmes de consommation de drogue et d’alcool ont plus de problèmes lors des canicules. La pauvreté joue aussi un rôle. Ce sont des facteurs souvent associés à la schizophrénie. Ça pourrait aussi expliquer pourquoi dans certaines études on voit un risque plus élevé pour les dépressifs lors des canicules. » Fin juin, le BCCDC a révélé que 15 % des gens morts durant le dôme de chaleur de 2021 recevaient de l’aide sociale, ce qui équivaut à un risque de mortalité deux fois plus élevé que la moyenne.

En savoir plus
  • 1 %
    Proportion de schizophrènes dans la population de la Colombie-Britannique
    SOURCE : GEOHEALTH
    2,7 %
    Proportion des schizophrènes parmi les décès normalement en Colombie-Britannique
    SOURCE : GEOHEALTH
  • 8,3 %
    Proportion des schizophrènes parmi les décès lors du dôme de chaleur de juin 2021 en Colombie-Britannique
    SOURCE : GEOHEALTH
    1,4 fois
    Augmentation du risque de mourir pour les patients atteints de problèmes de reins lors du dôme de chaleur de juin 2021 en Colombie-Britannique
    SOURCE : GEOHEALTH
  • 1,2 fois
    Augmentation du risque de mourir pour les cardiaques lors du dôme de chaleur de juin 2021 en Colombie-Britannique
    SOURCE : GEOHEALTH