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Le Viagra a-t-il déjà été envisagé pour traiter la maladie d’Alzheimer ?

Mélissa Benoît

Oui, le Viagra – surtout utilisé contre les troubles de l’érection – pourrait traiter l’alzheimer, une maladie neurodégénérative.

« Un collègue américain a eu des résultats positifs avec une étude rétrospective », explique Atticus Hainsworth, de l’Université St. George, à Londres. Il est l’auteur principal d’une revue de littérature à ce sujet publiée cet été dans la revue Alzheimer’s and Dementia. « Il y a eu aussi une étude négative », ajoute-t-il.

« Nous travaillons sur une étude prospective aux États-Unis ou au Royaume-Uni. Si nous obtenons du financement [pour pouvoir la réaliser], nous pourrons en avoir le cœur net. »

Une étude rétrospective examine les dossiers médicaux de patients pour voir si certaines caractéristiques protègent contre certaines maladies. Une étude prospective, habituellement avec un groupe témoin, fait une intervention et, au fil des mois ou des années, évalue l’impact sur la maladie.

PHOTO TIRÉE DU SITE LINKEDIN D’ATTICUS HAINSWORTH

Atticus Hainsworth, neuroscientifique de l'Université St. George, à Londres

On sait que le sildénafil [commercialisé sous le nom Viagra] dilate les vaisseaux sanguins, mais on s’est aussi rendu compte au fil des années qu’il augmente les communications entre les neurones. Alors, il y a beaucoup d’intérêt pour l’utiliser contre des problèmes neurologiques comme la démence.

Atticus Hainsworth, neuroscientifique de l’Université St. George, à Londres

D’autres molécules ayant un effet similaire font aussi partie des études.

Une première étude, positive, a été publiée en 2021 dans Nature Aging par des chercheurs de la Cleveland Clinic. Elle portait sur deux millions de dossiers de patients sur cinq ans. Le risque d’apparition de la maladie d’Alzheimer était diminué de moitié chez les patients qui prenaient chaque jour ce type de médicament. La deuxième, négative, a été publiée en 2022 dans Brain Communications par des chercheurs de Harvard. Elle portait sur les dossiers de 10 000 patients suivis pendant six mois. Aucun effet du sildénafil ou du tadalafil (Cialis) n’a été observé.

M. Hainsworth estime que le suivi de l’étude négative de Brain Communications n’est pas assez long et que la population étudiée, qui souffrait d’hypertension pulmonaire, est trop atypique pour être représentative de la population générale.

Désinhibition

L’avantage du sildénafil est qu’il est déjà approuvé et que ses effets secondaires sont bien connus. « Il y a un risque de rhume et de douleurs au dos, et plus rarement un risque d’AVC, dit M. Hainsworth. Mais dans ce dernier cas, il est difficile de départager le risque d’AVC lié au médicament et celui lié à l’activité sexuelle. »

Est-ce que le sildénafil pourrait aggraver la désinhibition parfois liée à la démence – et donc à l’alzheimer ?

Ça augmente l’érection, pas le désir. Et si la démence progresse moins lentement, il y a aussi moins de désinhibition.

Atticus Hainsworth, neuroscientifique de l’Université St. George, à Londres

Le sildénafil est aussi envisagé pour d’autres affections neurologiques. Des chercheurs du CUSM examinent notamment s’il pourrait diminuer le risque de dommages au cerveau des bébés ayant manqué d’oxygène à la naissance.

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  • 1,4 million
    Nombre d’Américains qui utilisaient le Viagra et le Cialis en 2020
    SOURCEs : Clincalc, NBC