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Une épidémie pourrait-elle se propager par un vent chargé de particules microscopiques mais contaminantes ?

Jean Pellerin

Oui, d’une personne à une autre, sur quelques mètres dans certaines conditions propices. Mais au-delà de 30 mètres, la dilution rend pratiquement impossible toute contamination.

« S’il y a un vent fort, l’air qu’une personne infectée exhale est presque tout de suite dilué », explique Sean Clouston, un épidémiologiste de l’Université Stony Brook, en banlieue de New York, qui a publié une étude sur le sujet en 2021 dans BMC Infectious Diseases.

« En deçà d’une certaine concentration de virus dans l’air, il n’y a pas de contamination possible. La dose de particules virales qu’on inspire avec chaque respiration est trop faible. Mais s’il y a un vent faible, une personne peut en infecter plusieurs autres. Ça ne dépendrait pas nécessairement de la direction du vent, à moins qu’il s’agisse d’un endroit complètement ouvert, sans obstacles. Personne, par contre, n’a pu démontrer une contamination à plus de 30 mètres de distance. »

Le phénomène est similaire à celui des édifices bien ventilés. « Quand on change l’air plus souvent, on dilue la quantité de virus présente dans un volume d’air. Alors, il y a moins de contaminations entre personnes. »

PHOTO TIRÉE DU SITE DE L'UNIVERSITÉ STONY BROOK

Le Dr Sean Clouston

L’étude du Dr Clouston comparait le vent et les taux de COVID-19 dans le comté de Suffolk, où est située Stony Brook, entre mars et décembre 2020. Il tenait compte de la température et du nombre de tests de COVID-19 faits par les autorités. Quand la vitesse du vent était inférieure à 8,85 km/h, le taux de COVID-19 dans la population était 45 % plus élevé qu’avec un vent supérieur à 8,85 km/h.

« Il y a des études qui ont montré une transmission par le vent à grande distance, mais sans tenir compte du nombre de tests, dit le Dr Clouston. Quand on fait plus de tests, il est normal d’avoir un plus haut taux de COVID-19. »

Un exemple d’une étude sans contrôle du nombre de tests a été prépubliée en juin 2022 sur le site de prépublication scientifique Research Square par des virologistes écossais. « L’absence de contrôle de la quantité de tests explique probablement qu’elle n’a pas encore été publiée, dit le Dr Clouston. Il est aussi important de tenir compte de la météo. On voit que les taux de contamination plus élevés semblent liés à des vents du nord, vraisemblablement plus froids en hiver. Ça peut mener les gens à passer moins de temps dehors et plus de temps à l’intérieur ou dans les transports en commun, là où le taux de transmission entre personnes est plus élevé. »

L’auteur principal de l’étude écossaise, Sandeep Ramalingam de l’Université d’Édimbourg, confirme qu’elle n’a pas encore été acceptée pour publication par une revue avec comité de lecture.

Une étude publiée en 2018 par des chercheurs du Massachusetts Institute of Technology, dans le Lancet Planetary Health, montrait une contamination plus élevée avec la malaria en Égypte quand le vent était fort, à des distances de plusieurs kilomètres. Mais comme dans ce cas, la transmission de la maladie se fait par le moustique, il ne s’agit pas de transport de particules virales.

Quelles questions restent à élucider au sujet du transport des virus par le vent ? « Il faut maintenant tenir compte des obstacles au vent, dit le Dr Clouston. Si elle est complètement protégée du vent, une terrasse de restaurant peut être un lieu presque aussi propice à la contamination entre personnes que l’intérieur du restaurant. »

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