Les élections se succèdent tellement rapidement que, d'une campagne à l'autre, on n'a pas grand-chose de neuf à raconter sur les chefs. Néanmoins, 30 mois, c'est long, en politique. Il convient donc de faire une petite mise à jour du profil de nos chefs. D'autant plus que deux d'entre eux, Stéphane Dion et Elizabeth May, n'avaient pas le statut de leader au scrutin de 2006.Portraits impressionnistes de gens que l'on voit beaucoup sans les connaître vraiment.

Certains me trouvent irrévérencieux envers le premier ministre, d'autres trouvent ma comparaison très drôle, mais ceux qui le connaissent bien admettent que je n'ai pas tout à fait tort quand je dis que Stephen Harper est un reptile.

 

Reptile dans le sens d'animal à sang froid.

Froid calculateur. Au point de piétiner sa propre loi pour déclencher des élections au moment qu'il juge le plus opportun.

Froid dans ses relations avec les gens. Rappelez-vous, le jour du lancement de la campagne, quand on lui a demandé s'il considérait que Stéphane Dion est un homme de famille, il a froidement répondu: je ne le connais pas vraiment.

Froid dans ses batailles politiques, quitte à paraître mesquin, comme jeudi, quand il a critiqué Stéphane Dion pour ses problèmes en anglais.

Froid idéologue de droite, qui refuse de plier, sur la culture ou les jeunes contrevenants par exemple, même s'il est évident qu'il s'en va dans un mur.

Froid stratège, qui n'a pas hésité à miser sur la division entre le vote urbain et le vote rural dans des enjeux comme la justice ou la culture.

Froid, comme dans l'expression la vengeance est un plat qui se mange froid. M. Harper voue une haine profonde aux libéraux et il aimerait bien les voir disparaître.

Vous avez vu les débats des chefs? Inutile d'en rajouter, alors: vous aurez compris que M. Harper a aussi une personnalité froide.

Malgré les efforts de ses faiseurs d'image, Stephen Harper n'est pas devenu Monsieur Cool dans cette campagne. La chemise ouverte, les belles images avec des enfants ou celle du bon père qui accompagne sa fille à l'école n'auront pas réussi à changer la perception des Canadiens à l'égard de leur premier ministre. Surtout qu'il a démontré tellement peu d'empathie à leur endroit au sujet de la crise financière qu'il a bousillé toutes les belles mises en scène que son entourage avait organisées pour les médias.

«Je ne suis pas le gars le plus expressif», a admis M. Harper dans ce qui sera sans doute retenu comme le plus bel euphémisme de la campagne.

Pas expressif, en effet. Passe encore, mais M. Harper a vraiment démontré l'ampleur de son indifférence en affirmant, en début de semaine, que la crise financière mondiale, finalement, offre de belles occasions d'investir en bourse.

Un autre aspect de la personnalité de Stephen Harper a ressorti dans cette campagne: il n'aime pas la critique et supporte mal la contestation.

On l'a constaté, en particulier, lors des débats des chefs et on l'a toujours senti aux Communes.

Incisif

Le chef conservateur peut aussi se montrer extrêmement incisif envers ses adversaires. Quand Stéphane Dion a dévoilé son Tournant vert, entre autres exemples, M. Harper avait parlé des «folies» du chef libéral.

Grand adepte des publicités négatives, il a mené depuis des mois avec son parti une vaste et impitoyable opération Dion-le-mou, Dion-l'incompétent qui a gravement nui à la réputation du chef libéral.

D'un autre côté, il faut reconnaître que Stephen Harper croit en lui-même et en ce qu'il fait, quitte à se planter, comme il l'a fait au Québec. On ne pourra pas dire qu'il suit le vent ou qu'il ne dit que ce que les électeurs veulent entendre.

En privé, on dit qu'il est pince-sans-rire. On sait aussi que c'est un grand maniaque de hockey, une des seules choses, apparemment, qui l'allument.

D'ailleurs, il travaille depuis des années à la rédaction d'une histoire du hockey, projet de bouquin auquel il consacre 15 minutes par jour, même pendant la campagne électorale.

Bien des électeurs ont beaucoup apprécié la détermination de M. Harper durant son premier mandat, mais il n'y a jamais eu d'histoire d'amour, pas même d'affection, entre eux et le chef conservateur.

Près de trois ans après l'avoir porté au pouvoir, les Canadiens connaissent finalement assez peu leur premier ministre. Et ce dernier n'aura certes pas réussi à se rapprocher de ses concitoyens durant cette campagne.