(Bruxelles) La Banque centrale européenne a constaté lundi la « faillite ou faillite probable » de la filiale européenne de la banque russe Sberbank, parmi les plus grandes du pays, à cause de retraits « significatifs » des dépôts en raison du conflit en Ukraine et des sanctions décidées par les pays occidentaux.

Sberbank Europe AG, domiciliée en Autriche, et ses filiales en Croatie et en Slovénie ont « connu des sorties de dépôts significatifs en raison de l’impact des tensions géopolitiques sur leur réputation », explique l’organisme de supervision bancaire de la BCE dans un communiqué, estimant que « dans un avenir proche, la banque risque de ne pas être en mesure de payer ses dettes ou autres engagements à leur échéance ».

Les retraits ont entraîné une « détérioration de la liquidité » de la banque et « il n’y a aucun moyen disponible » qui confère une « chance réaliste » de refluer les caisses de l’institution, poursuit la BCE.

Dans la foulée, le régulateur autrichien FMA a imposé un « moratoire » sur la filiale européenne, signifiant qu’elle ne peut procéder à « aucun retrait, virement ou autre transaction » au moins jusqu’au 2 mars. En vertu de la régulation européenne, les dépôts de particuliers sont garantis jusqu’à 100 000 euros.

Les deux plus grandes banques russes, Sberbank et VTB Bank, sont ciblées notamment depuis jeudi par de lourdes sanctions américaines, visant à largement limiter leurs transactions internationales. Les sanctions visant le système bancaire russe ont depuis été renforcées avec notamment, samedi, l’annonce de l’exclusion du système Swift de certains instituts.

Sberbank Europe AG est détenue à 100 % par la maison-mère russe de la banque. Elle a également des filiales en Bosnie-Herzégovine, République tchèque, Hongrie et Serbie, qui seraient concernées par une faillite, mais n’entrent pas dans la juridiction de la BCE. Le superviseur européen précise s’être « coordonné avec les autorités nationales » dans ces pays.

Plus tôt dimanche, les ministres européens des Affaires étrangères se sont entendus, en accord avec les puissances du G7, pour bloquer les transactions de la Banque centrale russe, a annoncé le chef de la diplomatie de l’UE Josep Borrell.

L’accord politique des ministres ouvre la voie à la mise en œuvre de la mesure d’ici l’ouverture des marchés lundi, a-t-il indiqué devant la presse, estimant que « plus de la moitié des réserves » de l’institution, placées dans des banques de pays du G7 seraient paralysées.

Les membres du G7 et l’UE s’étaient mis d’accord samedi pour bloquer les opérations de la Banque centrale russe sur leur sol, ce qui revient à restreindre drastiquement ses capacités de convertir ses réserves de change (devises étrangères, obligations souveraines libellées dans des devises occidentales…).

L’objectif est d’empêcher Moscou d’y recourir pour financer le conflit en Ukraine et contrer l’impact des sanctions occidentales sur l’économie russe.

Les réserves de la Banque centrale, qui comprennent notamment des actifs en dollars, euros et yuans, mais également des réserves d’or, s’élèvent à environ 460 milliards de dollars selon l’agence financière Bloomberg.

Après ce feu vert politique des ministres européens, la proposition doit « être formellement adoptée par une procédure écrite à laquelle les États membres devront répondre d’ici 4 heures du matin, afin d’empêcher la Banque centrale, à sa réouverture lundi, d’accéder à ses réserves localisées sur les marchés dans l’UE, au Royaume-Uni et aux États-Unis », a expliqué une source européenne.

« Nous ne pouvons pas bloquer les réserves de la Banque centrale localisées à Moscou ou en Chine. Sur l’année passée, la Russie […] s’est préparée à la situation actuelle en diminuant ses réserves en dollars » pour augmenter celles en yuans, en roubles et en or, a précisé M.  Borrell.

En revanche, les ministres des 27 ne sont pas encore parvenus à un accord pour exclure des établissements financiers russes du système international de messagerie interbancaire Swift, rouage essentiel de la finance mondiale qui assure le transit d’ordres de paiement et de transferts de fonds entre banques.

La Commission européenne avait indiqué samedi qu’elle proposerait aux États membres de bloquer l’accès d’« un certain nombre de banques » à Swift, mais des États s’inquiètent de l’impact de la mesure.

« Cela a été discuté, mais pour le moment il n’y a pas le consensus nécessaire. Nous continuerons à y travailler […] y compris au niveau international, car une telle mesure suppose la coordination de plusieurs pays », a observé Josep Borrell.

D’après une source européenne, la Commission est toujours en discussions avec Londres et Washington pour identifier les banques russes qui seraient ciblées, et des propositions devraient être finalisées lundi.

Selon le site de l’association nationale russe Rosswift, la Russie serait le deuxième pays après les États-Unis en nombre d’utilisateurs avec quelque 300 banques et institutions russes membres du système. Plus de la moitié des organismes de crédit russes sont représentés dans Swift.

Swift est une société de droit belge, uniquement soumise aux sanctions adoptées par l’UE. En 2012, elle avait exclu de son système plusieurs banques iraniennes à la suite d’une décision des 27.