Embouteiller ici une grande quantité de vin venu d’ailleurs, dans des bouteilles fabriquées à partir de verre recyclé. C’est le souhait que formule la présidente et chef de la direction de la SAQ, Catherine Dagenais.

Ce genre de proposition ne surprend pas Frédéric Laurin, professeur d’économie à l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), qui estime que cette idée d’économie circulaire est intéressante. Mais encore faut-il, selon lui, qu’il y ait un marché pour ce type d’initiative.

Embouteiller au Québec

« La consigne, s’il n’y a rien au bout, on va avoir fait tous ces changements-là pour rien », a affirmé Mme Dagenais au cours d’une allocution prononcée lundi à l’invitation du Cercle canadien de Montréal. « Qu’est-ce qu’on peut faire pour réutiliser le verre ? »

Des projets pilotes pour préparer l’élargissement de la consigne avaient été mis en place en 2021 à quelques endroits au Québec. Ils ont pris fin en janvier.

« Le but, c’est de créer de la valeur pour le verre. Présentement, il a zéro valeur, c’est pour ça qu’il se retrouve à l’enfouissement. [Il faut] créer un marché pour fondre le verre, refaire des bouteilles, importer du vin de partout dans le monde. Je ne parle pas des grands crus classés, a-t-elle tenu à préciser. Je parle des vins de consommation courante. »

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Catherine Dagenais, présidente et chef de la direction de la SAQ, pendant son allocution prononcée à l’invitation du Cercle canadien de Montréal

Invitée par La Presse, à l’issue de son discours, à préciser son idée, Catherine Dagenais a indiqué qu’elle visait principalement les vins vendus à moins de 20 $. Ceux-ci représentent 80 % des vins offerts par la société d’État.

« Déjà, il y a une industrie au Québec d’embouteillage de vins importés, ça existe, précise-t-elle. Tous les vins vendus en épicerie sont embouteillés au Québec et certains vins vendus à la SAQ sont embouteillés au Québec, mais il y en a moins. L’intention, c’est d’avoir une masse critique de vin qui serait embouteillé au Québec et vendu sur les tablettes de la SAQ.

« La majorité des bouteilles de la SAQ sont des bouteilles vertes, et il n’y a pas de fonderie présentement pour fondre le verre vert. » Catherine Dagenais voit là l’opportunité de développer une « business locale ».

Le professeur Frédéric Laurin estime que l’idée peut être « intéressante ». « Mais ce n’est pas la business de la SAQ, tient-il toutefois à souligner. Ce n’est pas son rôle. »

« Il faut qu’il y ait un marché. Il faut qu’il y ait un incitatif pour qu’un entrepreneur se lance là-dedans », ajoute-t-il.

Selon lui, le fait d’importer du vin pour l’embouteiller une fois arrivé à bon port ne nuirait toutefois pas à la qualité des produits offerts sur les tablettes de la Société des alcools du Québec.

La « prise en charge » du client

Sur l’ensemble des ventes de la SAQ, 4 % sont générées en ligne actuellement, alors qu’elles comptaient pour moins de 1 % avant la pandémie. « Il n’en demeure pas moins que 96 % de la business se passe en magasin. C’est très important », rappelle Mme Dagenais.

Et lorsqu’il entre en succursale, le client veut être « pris en charge », indique-t-elle. Voilà pourquoi, au cours de la prochaine année, la société d’État dotera ses employés en magasin d’un nouvel outil afin qu’ils puissent non seulement mieux conseiller les amateurs de vin et spiritueux en fonction de leur historique d’achats – programme Inspire –, mais également commander en ligne pour eux le produit convoité s’il n’est pas offert sur place, une manœuvre que les employés ne peuvent pas effectuer actuellement. Les clients doivent chercher en ligne et commander par eux-mêmes. Avec la nouvelle technologie, le conseiller pourra procéder à la transaction en ligne sur-le-champ, et le client n’aura qu’à venir récupérer ses bouteilles en succursale lorsqu’elles seront arrivées ou encore se les faire livrer chez lui.

La SAQ en retard sur la livraison ?

Actuellement, une commande passée en ligne sur SAQ.com met environ trois à cinq jours avant d’être livrée chez le client. La société d’État est-elle en retard à ce chapitre comparativement aux supermarchés, par exemple, qui peuvent le faire la journée même ? « On n’est pas en retard dans le monde de la vente d’alcool en ligne. Mais c’est certain qu’il faut être agile. Il y a une demande », reconnaît la présidente et chef de la direction.

D’ici un an, la SAQ veut également mettre sur pied un projet pilote qui permettrait aux employés de la société d’État de faire eux-mêmes la livraison à domicile. Actuellement, Purolator s’acquitte de cette tâche. « Il faut voir si c’est viable, si c’est plus efficace. Je ne peux pas dire aujourd’hui que ça va être le modèle de l’avenir. »

Pour mener à bien ces projets, en février 2021, la société d’État avait annoncé qu’elle investirait 48,5 millions de dollars pour agrandir de 200 000 pi⁠2 son centre de distribution situé à Montréal et pour se doter d’un système automatisé de préparation des commandes. L’objectif : offrir en ligne une variété de 20 000 produits – on en compte actuellement 3000 – et permettre aux clients de recevoir leur livraison en 24 heures.

Pour ce faire, les employés de SAQ.com ont appris le 5 mai qu’ils seraient rapatriés au centre de distribution dès septembre et qu’ils changeraient d’accréditation syndicale. Une méthode « centralisatrice » dénoncée par le syndicat SEMB-SAQ-CSN qui représente les employés de SAQ.com. Celui-ci avait même accusé son employeur de marcher sur les traces d’Amazon.

La SAQ en quelques chiffres

– 400 succursales – 44 000 produits en provenance de 82 pays
– 3700 fournisseurs
– 3,8 milliards de dollars de ventes en 2021-2022
– 1,9 million de membres actifs au programme Inspire
– 73,9 % des ventes sont rattachées à un compte Inspire

Source : SAQ