Alors que la Réserve fédérale américaine (Fed) augmente les taux d’intérêt, essayant de refroidir l’économie en augmentant les coûts d’emprunt, les entreprises considérées comme risquées ont eu plus de mal à s’endetter. Mais les entreprises ayant une faible cote de crédit, dont la dette est souvent qualifiée de junk (« pacotille »), profitent maintenant d’une occasion favorable pour emprunter davantage de liquidités.

Les sociétés cotées en Bourse, qui ont tendance à payer des taux plus élevés, ont vendu 4,1 milliards de dollars en obligations aux États-Unis depuis le début de la semaine, et d’autres opérations pourraient être lancées, selon Refinitiv. Les émissions d’obligations de pacotille ont déjà atteint le montant hebdomadaire le plus élevé depuis début juin, juste avant que la confiance des investisseurs ne s’effondre, que le marché boursier n’atteigne son point le plus bas et que les prêteurs ne se détournent des obligations aussi connues sous le nom de dette à haut rendement.

Une série de résultats d’entreprises meilleurs que prévu et des données économiques positives ont récemment stimulé les marchés boursiers, réduit la volatilité et tempéré les prévisions de certains investisseurs concernant la campagne de relèvement des taux de la Fed. Le marché des obligations de pacotille a également commencé à se dégeler : les émissions de cette semaine ont dépassé le total de tout le mois de juillet.

Pourtant, les banquiers et les investisseurs préviennent que le temps pourrait manquer à ces emprunteurs risqués à la recherche de nouveaux fonds. Les entreprises dont les dettes et les paiements aux prêteurs arrivent bientôt à échéance ont ainsi sauté sur l’occasion de se refinancer.

« En fonction de votre vision de l’économie globale, cela pourrait être une très bonne occasion d’exploiter le marché », estime John Gregory, directeur général chez Wells Fargo Securities.

Le croisiériste en difficulté Royal Caribbean a levé 1,25 milliard US lundi, en payant un taux d’intérêt élevé de 11,63 %. La société utilisera cet argent en partie pour rembourser les investisseurs qui lui avaient prêté 650 millions US en 2012, prêt qui arrive à échéance en novembre. Lorsqu’elle a emprunté cet argent, avant que la pandémie ne paralyse le secteur des croisières, la société avait un taux d’intérêt de 5,25 %.

La récente hausse des émissions a été favorisée par quatre semaines consécutives d’afflux de liquidités dans les fonds qui achètent des obligations à haut rendement, la plus longue série depuis près d’un an.

La peur de voir le marché baisser s’est transformée en peur de manquer quelque chose.

John McClain, gestionnaire de portefeuille chez Brandywine Global Investment Management

Cependant, le marché est resté fermé aux émetteurs les plus risqués. Les notes de crédit des émetteurs d’obligations de pacotille vont de BB à CCC, l’échelon le plus bas. Il n’y a eu qu’une seule opération notée CCC depuis la fin d’avril.

Jeudi, S&P Global Ratings a déclaré qu’elle s’attendait à ce que 3,5 % des émetteurs d’obligations de pacotille ne remboursent pas leur dette au cours des 12 prochains mois, soit plus du double du taux de 1,4 % enregistré durant l’année précédant juin 2022. Selon ICE Data Services, environ 90 milliards US, soit 6 % du marché des obligations de pacotille, restent en souffrance, c’est-à-dire qu’elles se négocient à un rendement supérieur à celui des obligations du Trésor.

Nick Kraemer, analyste chez S&P Global Ratings, affirme que l’absence de « ruée vers les prêts » aux entreprises les plus risquées témoignait d’une certaine prudence de la part des investisseurs qui évaluent si le prochain mouvement du marché sera à la hausse ou à la baisse.

Les obligations à haut rendement et le marché boursier étaient en passe de terminer la semaine un peu plus bas qu’ils ne l’avaient commencée, alors que la reprise qui a fait grimper les valorisations des entreprises et les prix de la dette au cours des deux derniers mois semblait faire une pause.

Les investisseurs sont divisés sur le degré d’« agressivité » de la Fed lorsqu’elle relèvera les taux d’intérêt dans le but de refroidir suffisamment l’économie pour maîtriser l’inflation, mais pas au point de déclencher une grave récession. Les mouvements du marché seront déterminés par les hypothèses des investisseurs quant à savoir « si nous aurons un atterrissage en douceur ou si nous assisterons à une récession plus profonde », a déclaré M. McClain.

Cet article a été initialement publié dans The New York Times.

Lisez le texte original (en anglais)