Malgré un rendement négatif de 7,9 % pour la première moitié de l’année, qui s’est soldée par une perte — sur papier – de 33,6 milliards, la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) a mieux fait que son indice de référence et que les grands indices boursiers. Cependant, d’autres gestionnaires d’actifs de régimes de retraite s’en sont mieux tirés. Est-ce que cela signifie que le bas de laine des Québécois est sous-performant par rapport à ses pairs ? La réponse est plus compliquée que ne le montre le seul rendement global semestriel.

Pendant que la Caisse voyait rouge du 1er janvier au 30 juin de cette année, période que l’institution a qualifiée de « pire semestre des 50 dernières années pour les marchés boursiers et obligataires », le Régime de retraite des enseignants de l’Ontario (Teachers) a été en mesure de dégager un rendement de 1,2 %.

Toujours en Ontario, Omers, responsable des actifs de retraite des employés municipaux de la province, s’est maintenu près de l’équilibre avec une performance de - 0,4 %.

Le gestionnaire québécois de régimes de retraite et d’assurance publics est-il à la traîne ? Robert Pouliot, expert-conseil dans les causes de risque fiduciaire et chargé de cours à l’UQAM, juge hasardeux le jeu des comparaisons.

« C’est difficile de porter un jugement sur six mois dans un marché où les marchés étaient en pleine transition, dit-il. Il y avait une montée des taux d’intérêt et les perspectives d’une récession. »

Dans un moment de tempête, le jugement est plus difficile à porter.

Robert Pouliot, expert-conseil dans les causes de risque fiduciaire et chargé de cours à l’UQAM

Signe de la volatilité après six mois, le rendement moyen des caisses de retraite canadiennes a été de -14,7 % au premier semestre, selon l’univers des régimes de retraire RBC Services aux investisseurs et de trésorerie. Néanmoins, même sur cinq ans, la performance de la CDPQ (6,1 %) reste inférieure à celles de Teachers (7,9 %) et d’Omers (7,5 %).

Qu’est-ce qui peut expliquer ces écarts ?

La CDPQ a battu la quasi-totalité de ses indices de référence au premier trimestre. Son président et chef de la direction, Charles Emond, s’est néanmoins retrouvé à expliquer pourquoi l’institution avait réalisé une moins bonne performance que Teachers. Prudent dans son analyse, il avait notamment répondu que le mandat pouvait varier d’une organisation à l’autre. Une partie de la réponse se trouve ici, même si les choix des gestionnaires du bas de laine des Québécois pèsent dans la balance. Chaque institution doit répondre aux exigences de ses déposants. Plus ils sont nombreux, plus il risque d’y avoir de contraintes. Dans le cas de Teachers, par exemple, il n’y a qu’une clientèle : les enseignants à la retraite.

La CDPQ, elle, gère les fonds de 46 déposants aux profils bien différents. Par exemple, aux côtés de Retraite Québec et du Régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics (RREGOP), on retrouve le Fonds d’assurance automobile du Québec. Ce dernier sera par exemple davantage orienté vers la catégorie des revenus fixes — une catégorie qui a grandement souffert depuis le début de l’année avec la montée des taux d’intérêt — puisqu’il est un assureur. Cela se répercute sur le rendement global de la Caisse.

Cela est moins compliqué d’avoir une seule politique de placement plutôt que d’en avoir autant qu’à la Caisse. Les caisses de retraite n’ont pas nécessairement la même répartition et celle-ci dépend du choix de leurs clients.

Miville Tremblay, senior fellow à l’Institut C. D. Howe

Sans commenter directement les rendements des autres gestionnaires de régimes de retraite, la Caisse a repris, par courriel, un discours similaire.

« Nous avons une quarantaine de déposants [qui] ont tous une composition de portefeuille qui varie en fonction de leurs besoins, et donc des rendements différents pour chaque période visée », affirme Kate Monfette, porte-parole de la CDPQ.

Un mandat de plus

Contrairement à des institutions comme Teachers et Omers, le rôle de la Caisse ne consiste pas uniquement à générer les meilleurs rendements possibles. Elle doit aussi contribuer au développement du Québec.

Bien qu’il soit difficile de dire à quel point cette double mission se reflète sur sa performance globale, il faut en tenir compte, souligne M. Pouliot.

« Des fois, ils doivent prendre des risques qui n’ont pas comme objectif de maximiser le revenu, explique l’expert. La CDPQ n’a jamais révélé ses critères de promotion de l’économie du Québec, ils sont très nébuleux, mais bon, ça existe. Cela fait partie de sa mission. »

En savoir plus
  • 392 milliards
    C’est l’actif net de la CDPQ au 30 juin. Il est supérieur à ceux de Teachers (242,5 milliards) et d’Omers (119,5 milliards), mais inférieur à celui de l’Office d’investissement du régime de pensions du Canada (523 milliards).
    Source : La Presse