Ce n’est pas tous les jours qu’une jeune pousse peut personnellement vanter son procédé au numéro trois de l’administration américaine. En accueillant le secrétaire d’État Antony Blinken, Recyclage Lithion semble avoir séduit un allié potentiel au moment où l’industrie nord-américaine des batteries lithium-ion est en pleine effervescence.

« Disons qu’on va probablement recevoir des appels et on a déjà commencé à en recevoir quand cela a été annoncé [la visite], confie Yves Noël, vice-président et chef de la direction du développement des affaires, après l’évènement. C’est une belle visibilité. Je ne suis pas nerveux, mais ça n’arrive pas souvent [ce genre d’évènement]. »

Pendant environ une heure vendredi — et sous très haute surveillance —, l’entreprise établie dans l’arrondissement montréalais d’Anjou a accueilli M. Blinken, au dernier jour de sa visite sur le sol canadien. Celui-ci était accompagné de la ministre des Affaires étrangères Mélanie Joly.

C’est M. Noël qui a eu l’occasion de faire ce à quoi rêvent bien des entrepreneurs : présenter, de manière étoffée, le processus mis au point dans l’usine de démonstration de Lithion. La société affirme qu’il permet de récupérer jusqu’à 95 % des composants de batteries, comme du lithium, qui pourront ensuite être réutilisés par les fabricants.

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Le processus de Recyclage Lithion permet de récupérer le lithium et les autres minéraux critiques des batteries lithium-ion.

L’entreprise fondée en 2018 se trouve dans le dernier maillon de la filière des batteries, soit l’étape du recyclage. Il s’agit d’une étape cruciale de la chaîne pour réduire l’empreinte environnementale de la fabrication des batteries lithium-ion. À plus long terme, elle contribuera également aux efforts de l’industrie automobile nord-américaine pour réduire sa dépendance à la Chine en matière d’approvisionnement de minéraux critiques comme le lithium et le graphite.

S’il n’a pas répondu aux questions des médias présents sur place, le secrétaire d’État américain a semblé impressionné par sa visite, estimant que les entreprises comme Lithion contribuaient à créer un « cercle vertueux ».

« Disposer d’une technologie et d’un processus qui permettent de recycler jusqu’à 95 % des batteries […] c’est extraordinaire », a dit M. Blinken, avant de quitter l’endroit pour aller achever sa tournée canadienne à Montréal.

Une visite spéciale

Comment un haut placé de l’administration Biden a-t-il mis les pieds dans les locaux d’une entreprise à l’aube de sa phase de croissance ? Il n’a pas été possible de le savoir, même si M. Noël a offert quelques indices.

« Dans l’organisation du voyage, ils [les responsables] ont demandé à certaines personnes [de nommer] des arrêts [potentiels], a-t-il dit. Il y a des personnes qui nous connaissent bien et qui en reconnaissent l’importance. Je dois un coup de fil à cette personne. »

Cette visite du secrétaire d’État américain ne s’est pas accompagnée de promesses d’investissement. Lithion a néanmoins déjà marqué des points au sud de la frontière après avoir accueilli General Motors parmi ses actionnaires, le mois dernier. Le géant de l’automobile aidera aussi l’entreprise à accélérer l’implantation de son processus chez ses fournisseurs de batteries.

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Lors de sa visite, le secrétaire d’État américain a manipulé des batteries destinées au recyclage.

Dans l’industrie, le passage de M. Blinken risque d’être remarqué, croit Louis Hébert, professeur de stratégie à HEC Montréal.

« C’est le genre de publicité gratuite qui est exceptionnelle, dit-il. C’est le genre de chose où le gouvernement américain peut se dire : “C’est quelque chose.” Pour qu’un haut placé de la sorte prenne le temps de s’arrêter, cela vient souligner que c’est une technologie prometteuse. »

Lithion n’a toujours pas dévoilé le site qui accueillera sa première usine commerciale dans la grande région de Montréal. L’endroit devrait pouvoir traiter 7500 tonnes de batteries par année, soit l’équivalent de 25 000 véhicules électriques, afin d’extraire un concentré chimique.

Vers le milieu de la décennie, une deuxième usine — un projet de 300 millions — permettra de raffiner ce concentré chimique afin d’en extraire le graphite, le nickel, le lithium, le cobalt et le manganèse, que l’on retrouve dans les batteries.

En savoir plus
  • 22,5 millions
    Somme injectée dans Lithion par Investissement Québec, bras financier de l’État québécois, en avril dernier
    Source : gouvernement du Québec