La femme d’affaires Danièle Henkel sera bientôt nommée colonelle honoraire du Régiment de Maisonneuve, a appris La Presse. Elle deviendra ainsi la première femme de ce régiment à exercer cette fonction qui, pour elle, n’a rien de protocolaire.

La Presse assistait samedi à un exercice conjoint entre les Forces armées canadiennes et la Garde côtière. À Saint-Hubert, près de la piste d’où décollaient des hélicoptères, on attendait « les VIP ». Qui étaient-ils ? Des hauts gradés militaires, a-t-on pensé.

C’est plutôt Danièle Henkel qui est apparue tout sourire, vêtue d’une tenue de camouflage, casque vissé sur la tête. Que faisait la femme d’affaires, bien connue du public pour sa participation à l’émission Dans l’œil du dragon, dans un exercice militaire ?

C’est qu’il ne manque que l’approbation de la ministre de la Défense, Anita Anand, pour confirmer qu’il faut maintenant dire colonelle Henkel. La femme d’affaires est en train d’apprendre comment se déroulent les opérations sur le terrain : samedi dernier, elle en était à sa troisième sortie officielle avec l’armée canadienne.

Si la femme d’affaires a accepté ce rôle, c’est qu’elle veut « apporter quelque chose de plus, un regard différent » sur l’armée.

Il y a un parallèle à faire entre la résilience des entrepreneurs, la persévérance, le fait d’obéir à des règles et des valeurs. Je vois [les militaires] aller : il faut vraiment être convaincu, il faut vraiment vouloir. C’est un don de soi.

Danièle Henkel

Et si « demain matin, il se passe de quoi », ce sont les militaires qui seront appelés en renfort. « Ce n’est ni vous ni moi. C’est ce qu’on doit prendre en considération. Rien n’est acquis, regardez ce qui se passe en Ukraine. À qui on fait appel ? À ces vaillants, à ces vaillantes », dit Danièle Henkel.

Elle rappelle que son père, qu’elle n’a jamais connu, était militaire. Il a déserté l’armée allemande au lendemain de la Seconde Guerre mondiale pour finalement servir la France au sein de la Légion étrangère.

Un regard féministe

Quand on dit à Danièle Henkel que c’est une sacrée surprise de la voir ainsi vêtue, dans un rôle miliaire, elle éclate d’un grand rire. « Pour moi aussi ! »

Mais des femmes dans l’armée, il y en a, rappelle-t-elle. « Je les vois, et elles sont fières d’être là. J’ai parlé avec des femmes qui sont là depuis 20 ans », dit Mme Henkel.

Quand on lui soumet que l’armée a eu son lot de scandales d’inconduite sexuelle, la femme d’affaires aborde le sujet de front.

« C’est une des raisons pour lesquelles j’ai décidé de dire oui. C’est de comprendre cette mentalité, d’amener un regard et une approche différents. Quand il n’y a que des hommes, c’est difficile [pour les femmes] d’avoir une voix. Bien, il y en a une, et elle est forte », dit Mme Henkel, qui ajoute qu’elle aura l’occasion de s’asseoir « avec de hautes instances » des Forces armées canadiennes.

Celle qui a déjà confié à La Presse avoir fait une dépression, exposant publiquement ce pan de sa vie pour rappeler que les entrepreneurs ne sont « pas des robots », s’émeut aussi du sort réservé aux vétérans.

L’image qu’on a toujours est celle de personnes d’un certain âge qui reviennent et qui sont blessées, mais pas du tout. J’ai découvert tout un monde de vétérans de 22, 25 ans, qui reviennent dans un état lamentable, physique, mais aussi mental, et qui n’ont pas les moyens de se redresser, qui sont rejetés par la société civile.

Danièle Henkel

La colonelle honoraire devient « un porte-voix pour l’unité », abonde Marc-André Meunier, commandant du Bataillon d’infanterie légère de la Réserve du 34e Groupe-brigade du Canada, colonel du Régiment de Maisonneuve.

Ce n’est pas un rôle d’apparat, donc ? « Pas du tout. Je n’ai pas de temps pour ça », dit Danièle Henkel, qui ajoute qu’il s’agit pour elle de bénévolat.

« Quand je m’implique, c’est parce qu’il y a quelque chose à changer », dit Mme Henkel.