Le prix du lait à la ferme augmentera de 2,2 % le 1er février 2023, recommande la Commission canadienne du lait (CCL). Bien que minime, cette nouvelle hausse risque d’avoir un impact sur ce que devront débourser les consommateurs au supermarché.

C’est du moins ce qu’a reconnu Chantal Paul, directrice des services intégrés à la CCL, au cours d’une séance de breffage technique avec les journalistes, mardi.

Mais la hausse de prix pour les consommateurs devrait somme toute être limitée. Selon le président des Producteurs de lait du Québec, Daniel Gobeil, qui a applaudi la recommandation de la CCL, le prix du 2 litres de lait à 2 % vendu dans les frigos des épiceries pourrait augmenter de 4 cents.

Au Québec, le prix du lait de consommation au détail est déterminé par la Régie des marchés agricoles, ce qui n’est toutefois pas le cas pour le beurre, le fromage ou le yogourt. Une audience à ce sujet devrait se tenir dans quelques semaines.

De son côté, l’organisme gouvernemental qui réglemente le prix du lait à la ferme avait donné son aval à une augmentation de 8,4 % au début de l’année 2022. Une seconde de 2,5 % en septembre a ensuite été annoncée. Dans les calculs qui ont mené à sa nouvelle recommandation, la CCL a tenu compte de la variation annuelle des coûts de production (aliments pour les animaux, transport, carburant, engrais) et de la variation annuelle de l’indice des prix à la consommation.

« Dans la dernière année, les producteurs ont été aux prises avec la hausse du coût des aliments pour animaux, du coût des engrais, du coût du carburant et des taux d’intérêt, pouvait-on lire dans le communiqué de presse diffusé par l’organisme. De plus, des perturbations dans la chaîne d’approvisionnement continuent d’exercer une pression à la hausse sur le coût des intrants. Toutefois, les investissements et les gains de productivité réalisés à la ferme ont compensé une partie de ces augmentations. »

Si cette hausse est qualifiée de « raisonnable » par le Conseil des industriels laitiers du Québec (CILQ), l’association qui représente notamment les entreprises productrices de fromage et de yogourt se demande si ses membres pourront « transférer » cette augmentation sur le coût au détail et si cette dernière pourra s’appliquer dans des délais raisonnables, soit d’ici au début du mois de février.

Une inquiétude partagée par Luc Boivin, directeur général de la Fromagerie Boivin. « Le problème, c’est vraiment la marge au détail. »

On souhaite que les prix au détail s’ajustent au même moment. Sinon, c’est le transformateur qui absorbe la totalité des coûts.

Charles Langlois, président-directeur général du Conseil des industriels laitiers du Québec

Les demandes d’ajustement doivent être formulées plusieurs semaines à l’avance. M. Langlois rappelle toutefois que le black-out, cette période entre le début de novembre et la fin de janvier où aucun changement de prix de gros – entre le fournisseur et le détaillant – n’est accepté, pourrait « nuire » à ses membres.

« En même temps, avec les Fêtes, les détaillants ne seront pas très disponibles pour discuter d’augmentation du prix du lait. C’est toujours quelques semaines que l’on perd dans les discussions avec eux. »

Plus de stabilité

Bien que la CCL ait recommandé deux hausses en 2022, il est peu probable que le même scénario se reproduise en 2023, selon Daniel Gobeil. Il ne croit pas qu’une autre augmentation sera annoncée à l’automne.

« Le contexte de 2022 était quand même exceptionnel, soutient-il. Là, on observe une plus grande stabilité. Les principaux coûts de production à la ferme, c’est l’alimentation des vaches laitières. Ces coûts-là se sont stabilisés. »

« Si on n’a pas de situation exceptionnelle par rapport aux coûts de production à la ferme, je ne vois pas pourquoi il y aurait deux ajustements », ajoute-t-il.

Transparence

Par ailleurs, pour la première fois, la CCL a organisé une séance d’information avec les médias pour expliquer sa méthode de calcul et dévoiler les données dont elle s’est servie pour en arriver à sa décision de recommander un ajustement de prix.

« Dans les derniers mois, les Canadiens ont clairement demandé à la Commission canadienne du lait de mieux expliquer son rôle, ses processus, ce sur quoi elle fonde ses décisions, a indiqué la présidente de l’organisme, Jennifer Hayes. On reconnaît et respecte cette demande d’ouverture et on a essayé d’y répondre. »

L’été dernier, plusieurs acteurs de l’industrie avaient déclaré que la CCL devait faire preuve de plus de « transparence » pour justifier ses hausses. La ministre fédérale de l’Agriculture, Marie-Claude Bibeau, avait même cru bon de faire un rappel à l’ordre en ce sens auprès de la Commission.

« Je vous demande d’assurer le leadership nécessaire afin que la CCL, dans le respect de son mandat, réponde aux priorités suivantes : examiner le processus décisionnel de la CCL concernant l’établissement des prix du lait et assurer une communication plus claire et transparente auprès des consommateurs canadiens et des autres intervenants du secteur laitier », avait-elle écrit en juin, dans une lettre de mandat envoyée à Mme Hayes.