Avec le déséquilibre persistant entre l’offre et la demande de travail et le scepticisme grandissant face à l’immigration massive comme solution au problème, est-ce que le milieu des affaires a fait le tour du jardin quant à l’ensemble des solutions disponibles pour maintenir sa productivité et satisfaire les attentes des actionnaires et de sa clientèle ?

Qu’attendre encore des gouvernements qui nuisent au moins autant qu’ils n’aident, comme l’État fédéral qui continue de subtiliser de la main-d’œuvre au privé et de battre ses propres records d’employeur omnipotent⁠1, en dédoublant des services que des provinces comme le Québec peuvent gérer elles-mêmes (revenu, immigration, santé, etc.) ?

Ainsi, il ne semble y avoir ni solution unique ni acteur économique suffisamment agile pour nous accompagner vers un retour à l’équilibre sur le marché du travail. Pire, comme le rapporte une analyse de la BDC⁠2, le chômage structurel persiste. Cette adéquation entre le profil des talents disponibles et les besoins en entreprise milite pour les solutions souvent soulevées que sont la transformation numérique, l’immigration ciblée et la formation. Cette dernière sera essentielle lorsque surviendra la fermeture malheureuse, mais attendue de plusieurs commerces de détail et de restauration, libérant de la main-d’œuvre prête à migrer vers d’autres industries. Cependant, pour les emplois nécessitant une expertise pointue, ça se complique. Pour répondre à ce défi, il existe une solution parfois négligée : l’impartition, soit les solutions contractuelles fournies par d’autres firmes ou des travailleurs autonomes.

Plusieurs avantages

En effet, pour leur bénéfice, des organisations embauchent des consultants, travailleurs autonomes ou firmes spécialisés afin de leur confier la gestion d’un service particulier. Elles y trouvent plusieurs avantages : une expertise répondant à une carence d’expertise ou structurelle à l’interne, des ressources engagées avec des mandats clairs selon des échéances préétablies, sans lien d’emploi ni charges sociales, un bénéfice significatif en contexte d’instabilité économique.

Autrement dit, on choisit l’impartition pour accroître son agilité, pour concentrer ses ressources internes sur la mission clé de l’organisation et, parfois, pour renforcer son écosystème et améliorer sa compétitivité.

On entend que la crise sanitaire a malmené les travailleurs autonomes et réduit leur nombre, c’est exact⁠3. Alors, comment trouver ces perles rares ? Des applications comme Upwork ont flairé la manne et développé une vitrine en ligne qui expose les consultants inscrits et disponibles dans votre région. Ceux-ci offrent une aide ponctuelle qui comble souvent des besoins de flexibilité travail/famille, loin des bouchons de circulation, et sont motivés par l’idée de travailler pour soi, tournant le dos à la traditionnelle relation employeur/employé. Des motivations individuelles suivant parfois un parcours s’étant terminé en un « quiet quitting » au sein des entreprises. En plus, il faut compter les nombreuses firmes, de petites à très grandes, qui jouent le rôle de fournisseur dans l’impartition de services spécialisés en TI, ressources humaines, planification stratégique, logistique et plusieurs autres domaines d’expertise.

Éviter la concurrence interne

Évidemment, selon le contexte, chaque entreprise demanderesse trouvera son propre lot de coûts et bénéfices dans l’impartition d’activités choisies. Il est généralement recommandable que le recours à l’impartition comble une carence de l’entreprise plutôt que de concurrencer un service existant déjà à l’interne. Dans ce dernier cas, le risque est la détérioration de l’atmosphère de travail suivant l’embauche de consultants ou contractuels qui rivalisent pour des postes et tâches occupés par des employés internes. À ce sujet, les agences de placement en santé et le recours à l’impartition de Bombardier, dénoncé par les syndicats, semblent parmi les exemples les plus récents⁠4, 5.

Dans une économie résolument axée sur le savoir et les PME, avec un marché du travail et une relation employeur-employé en constante mutation, l’impartition n’est probablement pas une panacée, mais elle mérite certainement d’être évaluée dans la réflexion stratégique d’une organisation admettant ne pouvoir exceller dans tout ni être employeur de choix dans toutes les fonctions. L’impartition devrait être la résultante d’un regard neuf, avec comme but d’amener une expertise nouvelle sans s’engager à long terme, en faisant le tri entre les services constituant le noyau de l’entreprise et les autres. Elle permet également, en respectant les lois applicables, de définir ce qui devrait être regardé dans le cadre d’une relation client/fournisseur, en complément de celles entre employeur et employés.

1. Lisez l’article « Le gouvernement canadien a embauché 35 500 fonctionnaires pendant la pandémie » sur le site de Radio-Canada 2. Consultez l’étude « Comment s’adapter à la pénurie de main-d’œuvre » 3. Lisez l’article « La pandémie fait chuter le nombre de travailleurs indépendants au pays » sur le site de Radio-Canada 4. Lisez l’article « Bombardier : les syndiqués appuient des moyens de pression à 97,5 % » 5. Lisez l’article « Sevrage des agences privées de placement “Nous éliminer n’est pas la solution” »