L’aviation d’affaires redescend sur terre après l’envolée pandémique ayant permis aux constructeurs de jets privés comme Bombardier et Gulfstream d’engraisser leurs carnets de commandes. Après deux ans d’embellie, la prudence est de mise pour ces avionneurs alors que l’économie mondiale est en perte de vitesse.

« Ce n’est pas un krach, mais on revient à une sorte de normalité », explique Brian Foley, de la firme américaine Brian Foley Associates, spécialisée dans l’aéronautique.

« Les personnes ayant opté pour le transport privé reviennent à leurs habitudes d’antan maintenant que les compagnies aériennes commerciales ont rétabli leurs horaires de vol », ajoute-t-il.

Après deux années d’euphorie, des firmes d’analyse comme WingX anticipent une stabilisation du marché et des reculs chez les exploitants de flotte, qui louent des appareils à des taux horaires généralement supérieurs à 1000 $ US ou offrent des sièges dans des jets privés.

La baisse du niveau d’activité dans ce créneau est de 23 % en Amérique du Nord – le principal marché dans le monde – par rapport à l’an dernier et de 5 % par rapport au niveau d’avant la pandémie, selon WingX.

Généralement tributaire des aléas économiques, l’aviation d’affaires a gagné en popularité depuis le début de la pandémie de COVID-19. Les ultrariches et les nantis se sont tournés vers ce mode de transport pour se déplacer pendant que l’offre était considérablement réduite chez les compagnies aériennes, qui tentaient de garder la tête hors de l’eau.

L’explosion de la demande avait même contraint certains exploitants à suspendre la vente de forfaits à de nouveaux clients.

« Les ventes devraient diminuer pendant la première moitié de l’année pour des questions d’incertitude économique », souligne Frederic Larue, cofondateur de la firme montréalaise de service-conseil et de financement spécialisé pour l’aviation d’affaires Echo Aviation. « Une certaine reprise devrait s’observer par la suite. »

Bon nombre de commandes émanent des opérateurs comme VistaJet, NetJets, Flexjet et XO. Un rééquilibrage du marché comporte certains risques, selon M. Foley.

« Il faudra voir si ces commandes se concrétiseront, puisque les nouveaux clients semblent de plus en plus rares », prévient l’analyste.

En hausse

Pour les constructeurs, les commandes se sont accumulées pendant la pandémie. Chez Bombardier, qui a dépassé ses cibles de 2022, la progression du carnet de commandes a été de 21 %.

Après la livraison de 123 jets privés l’an dernier, Cameron Doerksen, de la Financière Banque Nationale, s’attend à une croissance de 15 à 20 % cette année.

« Nous croyons qu’il y a une trajectoire pour cette augmentation, car les créneaux de livraisons sont essentiellement tous comblés », écrivait l’analyste, dans une note récente.

Une augmentation de la production est anticipée dans l’industrie. Elle risque toutefois d’être modérée, selon M. Foley.

Les difficultés d’approvisionnement persistent, et les acteurs de l’industrie et les ratios de nouvelles commandes par rapport au nombre de livraisons – un indicateur qui mesure l’activité commerciale – a progressivement diminué l’an dernier.

Les avionneurs ont aussi tiré des leçons de la crise financière de 2008, qui avait plongé le marché dans une déprime qui s’est échelonnée sur plus d’une décennie.

« Il devrait y avoir une certaine retenue cette fois-ci, estime l’analyste. En 2006, 2007 et 2008, on avait ouvert les vannes et soudainement, les livraisons étaient passées de 1300 avions par année à environ la moitié de cela. Les constructeurs comme Bombardier se retrouvaient avec des appareils non vendus. »

L’avionneur québécois n’a pas encore offert d’aperçu sur sa cadence de production en 2023. Le portrait devrait être plus clair le 9 février, lorsque les résultats du quatrième trimestre seront présentés en même temps que les prévisions pour l’exercice en cours, a indiqué un porte-parole, Mark Masluch.

Un repositionnement s’observe également dans le créneau des jets privés d’occasion. En 2021, l’offre d’appareils d’occasion avait touché un creux qui n’avait pas été observé depuis un quart de siècle dans l’industrie.

« Habituellement, c’est entre 15 et 20 % de la flotte mondiale qui est disponible sur le marché de l’occasion, souligne M. Larue. Après le creux de 1,5 à 2 %, on doit être à environ 5 %. Cela demeure loin d’où nous étions avant la pandémie, mais ça remonte. C’est toujours un marché de vendeurs. »

Pendant les trois derniers mois de 2022, une plus grande quantité d’appareils se sont retrouvés sur le marché, ajoute M. Larue. Reste à voir s’il s’agit d’un début de tendance ou d’une anomalie.

En savoir plus
  • 47,8 milliards US
    Valeur combinée des carnets de commandes des cinq principaux acteurs (Bombardier, Gulfstream, Dassault, Textron et Embraer) au 30 septembre 2022
    SOURCE : brian foley associates