Mauvaise nouvelle pour les acheteurs de propriétés neuves : la Ville de Brossard, en banlieue de Montréal, se propose d’imposer une nouvelle taxe de 3527 $ sur tout nouveau logement à construire sur son territoire au moment même où sévit une crise du logement.

Il demeure possible que l’exemple de Brossard soit rapidement suivi par d’autres villes étant donné leur volonté, maintes fois exprimée, d’élargir leurs sources de revenus.

Brossard a présenté un avis de motion de son projet de règlement REG-460 le 13 décembre dernier. Il a fait l’objet d’une consultation publique le 30 janvier. Son adoption est prévue le 14 février prochain, selon le procès-verbal de la réunion du conseil de ville du 17 janvier.

« Ces redevances répondent à notre préoccupation afin que l’ensemble des citoyens de Brossard bénéficient des retombées positives du développement immobilier effervescent de notre ville, dit la mairesse Doreen Assaad dans une citation envoyée par courriel. Le citoyen verra sa ville se transformer, mais également davantage de parcs, de plateaux sportifs ou de centres d’activités grâce à cet outil qu’utilisent de nombreuses municipalités. Ceci nous permet de ne pas augmenter les taxes pour financer nos besoins d’investissement. Les futurs acheteurs et les citoyens actuels y gagneront », soutient-elle.

Brossard prévoit l’ajout de 22 000 logements d’ici 35 ans, une croissance liée en partie à la présence de trois stations du réseau express métropolitain (REM) sur son territoire. Elle en compte environ 40 000 actuellement.

La facture de la redevance de développement sera payable au moment de la demande du permis de construction à la Ville.

Le but de la redevance est de faire payer aux constructeurs des nouveaux logements le coût des infrastructures municipales requises pour desservir l’immeuble visé par la demande de permis de construction, « mais également, d’autres immeubles sur le territoire de la Ville », selon le libellé actuel de l’article 5 du règlement.

L’argent de la redevance sera déposé dans un fonds qui servira à payer bibliothèques, centres communautaires, sportifs, culturels ou récréatifs, infrastructures destinées aux nouvelles écoles, parcs et espaces verts. Une facture estimée à 216 millions sur 35 ans par la Ville.

Selon le spécialiste des questions d’aménagement du territoire Mario Polèse, à qui La Presse a demandé de commenter le projet de règlement, il est déjà possible de prévoir qui héritera de la facture.

Ça ne prend pas un cours classique pour comprendre que le promoteur ou le constructeur va passer le coût à quelqu’un. C’est le locataire, si c’est un édifice de logements. C’est mathématique.

Mario Polèse

M. Polèse a établi dans le passé que le caractère abordable du parc immobilier montréalais par rapport à celui de Toronto s’expliquait notamment par l’utilisation moins fréquente à Montréal des redevances au développement.

À Toronto, les redevances varient de 15 000 $ à 45 000 $ par unité locative et de 18 000 $ à 69 000 $ dans le cas d’une unité non locative. « A priori, celui de Brossard semble assez modeste, mais c’est une pente glissante », avertit l’universitaire.

La redevance de 3527 $ fera effectivement augmenter le coût des unités de logement, mais très faiblement, dit la Ville dans un courriel. Sur 20 ans, il s’agit d’un coût annuel de 176,35 $, sans tenir compte des frais de financement, a-t-elle calculé.

Deux redevances et des droits de mutation à payer

Pour les futurs logements situés à proximité d’une station du REM, la redevance municipale vient s’ajouter à la redevance servant à financer le moyen de transport léger sur rail.

Le propriétaire d’une maison neuve ou d’un condo neuf devra évidemment assumer les droits de mutation immobilière (taxe de bienvenue), en forte augmentation ces dernières années.

Les occupants des logements neufs ne sont pas au bout de leur peine. La Ville de Brossard prévoit d’augmenter ultérieurement la redevance pour couvrir cette fois la facture associée aux routes, réseau d'alimentation en eau, égouts, bâtiments municipaux et même les équipements relatifs au transport en commun.

Traditionnellement, les dépenses couvertes par la redevance sont payées par la taxe foncière que paient les propriétaires résidentiels et non résidentiels.

Selon M. Polèse, la taxe foncière a le mérite de socialiser la facture en la refilant à tous les propriétaires d’une ville. Avec une redevance, c’est l’effet inverse : seulement une partie des contribuables paieront pour les infrastructures municipales.

Brossard a décidé d’utiliser un pouvoir que Québec a mis à la disposition des villes dans un projet de loi adopté en juin 2016.

« Les municipalités peuvent notamment exiger une contribution monétaire pour toutes dépenses liées à l’accroissement des services municipaux qui découlent d’une intervention visée par une demande de permis », soutient la Ville de Brossard dans la note explicative accompagnant le projet de règlement.

Selon l’Union des municipalités du Québec (UMQ), ce pouvoir d’exiger des redevances de développement est avantageux, car il permet à une ville de diversifier ses sources de revenus. Actuellement, une ville tire l’essentiel de ses revenus des impôts fonciers.

L’UMQ a d’ailleurs créé un webinaire en novembre dernier pour mieux faire connaître à ses membres ce nouveau pouvoir de taxation.

« C’est le piège dans lequel les villes qui n’ont pas nécessairement les moyens de payer les infrastructures se trouvent, dit M. Polèse. On les comprend, mais c’est un piège. »

Des incitatifs sont prévus

Dans un premier temps, Brossard imposera une redevance de 3527 $ sur à peu près tout nouveau logement. Dans un second temps, la redevance sera modulée à la baisse dans le cas de la construction de logements écoénergétiques et de logements abordables et familiaux.

Certains logements seront aussi exemptés de la redevance comme les logements complémentaires et les logements sociaux.

Le montant de la redevance sera indexé annuellement.