La section Affaires de La Presse accorde un espace à une lettre d’opinion d’un acteur du monde des affaires. Entrepreneurs et gestionnaires, la parole est à vous. Soulevez des questions, faites part de vos expériences, proposez des solutions, exprimez vos opinions.

Ayant occupé des postes de direction pendant plus de 40 ans, j’ai connu à peu près toutes les formes possibles de structures, et ce, dans des secteurs fort différents. J’en suis venu à la conclusion que le succès d’une organisation repose sur d’autres facteurs que sa structure organisationnelle.

Prenons le cas de grandes entreprises à succès qui possèdent plusieurs établissements et des milliers d’employés, par exemple Saputo ou la Banque Nationale. Est-ce que ces entreprises sont centralisées ou décentralisées ? Bien difficile d’y répondre. Ce n’est pas parce que des milliers d’employés ont le même employeur que l’organisation est centralisée.

Les organisations performantes savent très bien qu’elles doivent tenir compte des particularités régionales, comme le marché de l’emploi et la concurrence, lorsqu’elles établissent leurs stratégies.

Elles s’assurent que certaines grandes politiques et des systèmes d’information sont centralisés (politique de santé-sécurité, paie, dossier client), mais elles font aussi en sorte que certaines responsabilités soient déléguées au niveau local, telles que le budget d’exploitation, les horaires de vacances, le traitement de certaines plaintes, le rayonnement avec la communauté locale et même les échelles de salaire, si nécessaire.

Il est donc essentiel que chaque établissement possède un leader qui va favoriser la prise de décision en équipe tout en tenant compte du savoir-faire de chacun.

Cela n’empêche pas pour autant les employés de faire leur travail selon les normes dictées par leur profession.

Ces leaders doivent être visibles et responsables.

Plusieurs commerces affichent à leur entrée le nom du gestionnaire responsable de l’établissement. Comme client, je sais à qui je vais m’adresser ultimement si mon problème ne se règle pas. Avons-nous déjà vu sur le mur d’un hôpital le nom de la personne qui est responsable des résultats de cet établissement ?

Est-ce que cette transformation peut se faire en réunissant tous les employés d’une même profession dans une seule convention collective ? Bien sûr que oui !

VIA Rail est un bon exemple. L’entreprise syndiquée a des activités d’un océan à l’autre. Les règles de sécurité ferroviaire sont dictées par Transports Canada et les politiques liées au service à clientèle sont établies par les dirigeants au niveau national, car l’objectif est que le client soit servi de la même façon partout au pays, ce qui n’est pas une mince tâche, comme on peut le constater.

Tous les employés qui fournissent le service à bord des trains sont regroupés dans une seule convention collective, ce qui n’empêche pas que les horaires, les vacances et les nominations soient gérés localement entre le patron et le délégué syndical de cet établissement, à l’intérieur d’un cadre prévu dans la convention collective. Alors, est-ce que VIA Rail est centralisée ou décentralisée ?

En fait, c’est la volonté des deux parties à la table de négociation de reconnaître les particularités régionales qui assure la mise en place de bonnes conditions de travail et non la multitude d’employeurs et de conventions collectives. La situation actuelle dans le réseau de la santé avec ses 136 conventions collectives en est d’ailleurs un exemple.

Il est aussi intéressant de constater que dans certains cas, le leader local ne peut régler certains problèmes, car le délégué syndical de l’établissement n’a pas reçu l’autorité nécessaire de sa Centrale pour le régler.

Une structure peut favoriser le succès si elle repose sur une répartition adéquate de la prise de décision entre hauts dirigeants et gestionnaires locaux en fonction du contexte. C’est ce qui fera la différence et il est là, le vrai défi du ministre de la Santé, Christian Dubé.

Pour ce faire, M. Dubé devra nommer de hauts dirigeants qui énonceront des politiques qui tiendront compte à la fois des enjeux globaux et des différentes réalités régionales, ainsi que des gestionnaires locaux compétents qui auront l’autorité requise pour prendre des décisions POUR LE BIEN DU CLIENT (la notion de « patient » est désuète).

Demandons-nous pourquoi certaines épiceries d’une même chaîne sont dans un mauvais état avec peu de souci du service, alors que d’autres offrent une expérience remarquable. À l’inverse, pourquoi certains magasins ne réussissent-ils pas à avoir du succès malgré tout le bon vouloir du personnel en place ? Pourquoi Target n’a-t-il pas réussi à s’implanter, alors que Costco connaît un succès remarquable ? Est-ce un enjeu de structure ?

Le succès de la transformation ne dépend pas vraiment de la structure qui sera mise en place, mais plutôt d’un changement majeur de mentalité de la part de tous les intervenants dans le réseau.

Soumettez votre lettre