Le gouvernement Trudeau espère colmater des failles en préparant une nouvelle mouture de la charte des voyageurs. Après une année chaotique dans l’industrie marquée par de longues files dans les aéroports et un grand nombre de retards et d’annulations, Ottawa fait le pari que ces nouvelles mesures changeront la donne. Voici, plus en détail, ce qui attend les voyageurs.

Qu’est-ce qui se passe en cas de retard ou d’annulation ?

Vous serez aussitôt admissible à une indemnisation. Actuellement, il existe trois catégories de retards ou d’annulations : les situations attribuables au transporteur ; les situations attribuables au transporteur, mais nécessaires par souci de sécurité ; les situations indépendantes de la volonté du transporteur. Les deux dernières catégories ne prévoient pas d’indemnisation. Cela suscitait du mécontentement chez les voyageurs, incapables d’obtenir un dédommagement parce qu’une compagnie aérienne attribuait ses imprévus à des questions de sécurité – par exemple, des bris mécaniques ou un manque de personnel navigant.

« C’est une bonne chose, se réjouit l’avocate chez Option consommateurs Sylvie De Bellefeuille. On essaie de colmater des brèches qui sont apparues ces dernières années dans le Règlement sur la protection des passagers aériens (RPPA). »

PHOTO IVANOH DEMERS, ARCHIVES LA PRESSE

Sylvie De Bellefeuille est avocate pour Option consommateurs.

Le gouvernement Trudeau veut éliminer les trois catégories. À moins qu’un transporteur soit en mesure de prouver le contraire, on le tiendra responsable lorsqu’un avion est cloué au sol en raison d’un imprévu. Le fardeau de la preuve ne reposera plus sur les passagers. Dans le format actuel, ceux-ci peuvent difficilement obtenir toutes les informations nécessaires auprès des transporteurs pour, par exemple, remettre en cause la version des faits d’une compagnie qui annule une liaison pour un bris mécanique.

Il doit bien y avoir des exceptions ?

On dit que le diable se cache dans les détails et l’expression résume bien cette facette de la nouvelle mouture de la charte des voyageurs. Une liste des exceptions – comme une tempête de neige importante – devra être rédigée. Reste à voir si elle enlèvera du mordant au RPPA. L’expert en aviation et chargé de cours à l’Université McGill John Gradek espère que le gouvernement Trudeau ne pliera pas devant les pressions qui seront exercées par l’industrie.

« Les excuses vont continuer à exister, souligne l’expert. J’espère que la liste sera moins longue. Un manque de pilotes ou d’agents de bord ne devrait pas être une excuse. Il y aura toujours un effort des compagnies aériennes pour éviter de verser des indemnisations aux voyageurs. »

Indemnité minimale actuelle en cas de retard ou d’annulation :

  • 3 heures ou plus, mais moins de 6 heures : 400 $
  • 6 heures ou plus, mais moins de 9 heures : 700 $
  • 9 heures ou plus : 1000 $

(Pour les transporteurs comme Air Canada, WestJet, etc.)

Source : Office des transports du Canada

Difficile d’avoir une idée du moment où un aperçu sera disponible. Le ministre fédéral des Transports, Omar Alghabra, s’est limité à indiquer, lundi, que la liste des exemptions sera établie à la suite de consultations. Il souhaite que les changements entrent en vigueur avant la fin de l’année. Le ministre n’a pas fourni d’échéancier plus précis.

Pourra-t-on encore se plaindre ?

Oui, et il y a du nouveau. Bien au fait qu’il y a plus de 45 000 plaintes en attente à l’Office des transports du Canada (OTC) – l’organisme fédéral chargé d’appliquer la charte des voyageurs –, Ottawa obligera les compagnies aériennes à assumer la facture du traitement des plaintes auprès de l’Office. On espère les inciter à régler à l’amiable avec leurs clients.

Les transporteurs devront également mettre en place un processus de traitement des réclamations en cas de retards et d’annulations en plus de répondre dans un délai de 30 jours.

De plus, à l’OTC, les plaintes pourront être traitées par du personnel de l’agence fédérale, plutôt que par l’entremise du processus d’arbitrage actuel, ce qui devrait accélérer la prise de décision et réduire les délais d’attente.

Comment l’industrie réagit-elle ?

Mal. Le Conseil national des lignes aériennes du Canada, qui représente des entreprises comme Air Canada, Air Transat et WestJet, reproche au gouvernement Trudeau d’imputer toute la responsabilité aux transporteurs aériens.

Son président et chef de la direction, Jeff Morrison, estime que ses membres ne devraient pas avoir à payer pour les ratés qui peuvent survenir dans un aéroport – par exemple aux points de contrôle de sécurité – et être à l’origine des retards et annulations.

« L’incapacité d’élargir la responsabilisation […] à toute autre organisation du système de transport aérien, malgré le fait que plusieurs perturbations de voyages sont causées par ces entités, signifiera que le système de transport aérien dans son ensemble ne s’améliorera pas », affirme M. Morrison.

Est-ce que la facture sera refilée aux voyageurs ?

Le Conseil n’a pas tardé à évoquer ce scénario. M. Morrison avance que « le coût du transport aérien pourrait augmenter » puisque le gouvernement Trudeau prévoit imposer de nouveaux frais aux transporteurs en ce qui a trait aux plaintes des voyageurs qui seront soumises à l’OTC.

Mme De Bellefeuille et M. Gradek estiment qu’il s’agit davantage d’une menace pour tenter de faire reculer Ottawa.

« C’est une industrie concurrentielle, rappelle M. Gradek. Les compagnies qui vont appliquer les directives et exploiter un horaire de vol plus assidu avec moins d’annulations vont rapidement gagner des parts de marché. C’est ce qui viendra contrebalancer les coûts supplémentaires engendrés par les changements annoncés par M. Alghabra. »

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  • 2019
    Année où le Règlement sur la protection des passagers aériens est entré en vigueur
    Source : office des transports du Canada