L’innovation, la résolution de problèmes complexes et la culture d’entreprise n’expliqueraient pas totalement la volonté des banques de donner l’exemple en demandant à leurs employés de revenir travailler au bureau.

Des signes précoces de détérioration de la qualité du crédit sont observés dans les portefeuilles de prêts immobiliers commerciaux des banques, lit-on dans un rapport publié cette semaine par la Banque Nationale.

L’exposition aux espaces de bureau devient la principale source d’inquiétude des investisseurs, est-il souligné. Le risque à la baisse pour les profits est même jugé important par l’analyste et auteur du rapport Gabriel Dechaine.

D’après cet expert, l’exposition de la Banque Royale à l’immobilier commercial est assurément une motivation poussant la plus grande institution financière au pays à demander à ses employés de revenir travailler au bureau trois ou quatre jours par semaine ce printemps.

« Bien sûr que oui », dit Gabriel Dechaine en entrevue téléphonique.

Les banques – pas seulement la Royale – sont locataires des édifices où leurs employés travaillent. Elles prêtent aussi de l’argent à des investisseurs comme des caisses de retraite qui détiennent ces immeubles. Réduire le risque est une motivation, car si le retour en présentiel ne se fait pas en nombre suffisant, la valeur des immeubles souffrira.

Gabriel Dechaine, auteur du rapport

Gabriel Dechaine soutient que la Banque Royale est la plus exposée aux immeubles de bureau avec près de 20 % de son portefeuille de prêts commerciaux y étant associé. La Banque de Montréal, la Banque TD et la Banque Nationale ont de leur côté environ 10 % de leurs prêts immobiliers commerciaux exposés aux espaces de bureau, précise-t-il.

Faibles taux d’occupation

Les risques liés à l’immobilier commercial sont dans le collimateur des investisseurs depuis le début de la pandémie. Ils se sont toutefois intensifiés dans les derniers mois, alors que les taux d’occupation des bureaux dans les grands centres urbains oscillent autour de 50 % (voire moins sur certains marchés), souligne Gabriel Dechaine.

Le risque à la baisse pour les profits des banques est important, selon lui. « Pourrions-nous assister à un ralentissement modeste, comme celui de la crise financière qui se traduirait par une baisse à un chiffre du bénéfice par action ? Ou pourrions-nous assister à un ralentissement sévère, comme au début des années 1990, qui se traduirait par une baisse potentielle des profits par action supérieure à 25 % ? »

Compte tenu de ce contexte et des turbulences dans le secteur bancaire régional aux États-Unis qui pourraient déclencher une récession, les investisseurs risquent de maintenir une attitude prudente à l’égard des six grandes banques canadiennes.

Bien qu’il admette de son propre aveu qu’il ne faut pas sombrer dans l’exagération, Gabriel Dechaine souligne que des problèmes peuvent se développer dans une ville qui reste vide trop longtemps, et que s’il était maire d’une grande ville, il ferait tout pour éviter une catastrophe comme celle vécue par Detroit. Cette ville du Michigan a déclaré faillite il y a une dizaine d’années après un long exode de résidants et d’entreprises vers la banlieue.

Le mois dernier, le PDG de la Banque Nationale s’était dit inquiet pour la vitalité du centre-ville de Montréal. Un meilleur équilibre est à son avis requis entre le travail au bureau et à la maison. « Si les gens reviennent au centre-ville pour travailler en moyenne 80 % du temps, ça va être mieux à long terme », disait Laurent Ferreira.

Lisez « Le patron de Banque Nationale s’inquiète pour le futur du centre-ville »

La Banque Nationale maintient pour l’instant ses lignes directrices en matière de télétravail qui demandent aux employés de revenir passer un minimum de 40 % de leur temps de travail au bureau. Les employés de l’institution financière montréalaise s’apprêtent à déménager dans deux mois dans le nouveau siège social de la banque, un bâtiment de 40 étages fraîchement érigé à l’angle de la rue Saint-Jacques et du boulevard Robert-Bourassa.

Il n’a pas été possible d’obtenir une réaction ou un commentaire de la part de la direction de la Banque Royale. Nos questions sont demeurées sans réponse.

La Banque Royale est la plus grande banque au Canada, mais aussi la plus grande entreprise au pays avec une valeur boursière dépassant les 180 milliards de dollars.