Difficile de savoir quel est le bon moment pour acheter son billet d’avion afin d’obtenir le meilleur prix. Les prix sont généralement à la hausse et fluctuent de plus en plus en raison de la tarification dynamique. Pour mettre les chances de son côté, s’y prendre à l’avance et se tourner vers une agence de voyages figurent parmi les options les plus accessibles.

« Il faut voir cela comme la Bourse, illustre Marc-Antoine Vachon, titulaire de la Chaire de tourisme Transat et professeur à l’UQAM. On gère notre risque. Si vous êtes flexible sur vos dates de voyage, vous pouvez tenter votre chance et ne pas réserver tout de suite. Mais le billet peut ne jamais redescendre, comme vous pouvez être chanceux. »

L’industrie du voyage fait partie des secteurs, comme l’hôtellerie et les plateformes de billetterie événementielle, où la tarification dynamique s’implante rapidement. Ce concept consiste à faire fluctuer les prix en fonction des conditions de marché. Généralement, ils grimpent lorsque la demande est forte, comme c’est le cas pour la saison estivale qui est à nos portes.

Puisque les compagnies aériennes collectent de plus en plus de données sur leurs clients, elles ont de plus en plus une meilleure idée du prix qu’un voyageur est prêt à payer pour un billet d’avion.

La pandémie de COVID-19 a incité la plupart des vacanciers à s’y prendre davantage à l’avance pour planifier leur séjour à l’extérieur. Il y a toujours des exceptions, mais dans le contexte actuel, ce comportement reste l’un des moyens de se prémunir contre les fluctuations soudaines de prix, estime M. Vachon.

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Marc-Antoine Vachon, titulaire de la Chaire de tourisme Transat et professeur à l’UQAM

Il y a plusieurs avantages. L’entreprise, sachant qu’elle s’assure un client, va généralement offrir des tarifs plus intéressants. On en vient à favoriser le comportement de planification.

Marc-Antoine Vachon, titulaire de la Chaire de tourisme Transat et professeur à l’UQAM

Selon les données compilées plus tôt ce mois-ci par Hopper – application montréalaise qui suggère quand acheter votre billet d’avion au prix le plus bas –, les tarifs dans le marché intérieur ont légèrement augmenté en vue de la saison estivale. À environ 650 $ pour un aller-retour, ce prix est légèrement supérieur à l’an dernier, mais 17 % inférieur à ce qui était observé en 2019.

Le portrait est cependant différent lorsqu’on regarde à l’extérieur des frontières du pays. À l’international, les prix poursuivent leur augmentation, alors que les recherches pour des billets ont pratiquement renoué avec les niveaux observés avant la crise sanitaire.

Un modèle qui change

Le modèle varie d’un endroit à l’autre, mais les transporteurs changent la façon de vendre des billets. Autrefois, on fixait des prix pour des itinéraires et ils ne changeaient pas. Par la suite, les catégories de prix ont fait leur apparition. Lentement mais sûrement, celles-ci cèdent leur place à des points de prix indéfinis, souligne le responsable de la gestion des revenus chez le transporteur à bas coût Flair Airlines, Jean-Loup Senski.

« Plutôt que de passer de 100 $ à 120 $, par exemple, le prix peut s’ajuster à 101 $, 103 $, explique-t-il en entrevue. Avec l’apprentissage automatique (machine learning), c’est une façon de maximiser les revenus et le remplissage d’un avion. »

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Chez Flair Airlines, environ 80 % des transactions sont effectuées par l’entremise de son site web.

Chez Flair, environ 80 % des transactions sont effectuées par l’entremise de son site web, souligne M. Senski. C’est ce qui permet à l’entreprise établie à Edmonton d’accélérer l’implantation de la tarification dynamique. Les compagnies aériennes comme Air Canada et WestJet, dont une partie du volume dépend des achats effectués par les consommateurs par l’entremise d’agences de voyages, ont certaines restrictions.

La principale raison : les services de distribution globale, qui sont des concentrateurs d’offres aériennes. Ces plateformes permettent aux agences de voyages d’accéder à un large éventail de tarifs offerts par divers fournisseurs. Elles constituent, en quelque sorte, un territoire encore impossible à conquérir pour la tarification dynamique et ses déclinaisons.

Chez les agences de voyages, mis à part un retour de la demande en vue de l’été, les effets de la tarification dynamique ne s’observent pas encore dans le comportement des consommateurs, estime Moscou Côté, président de l’Association des agents de voyages du Québec (AAVQ).

« Nous avons accès aux tarifs des compagnies en temps réel, dit-il. On sait éviter les tours de passe-passe où le consommateur se retrouve devant un prix intéressant avec des conditions très rigides. Pour un vol entre Montréal et Paris à 1000 $ en haute saison, j’ai encore accès à ce tarif si la compagnie arrive avec un prix dynamique plus élevé sur son site web. »

M. Senski apporte un bémol. Cet ancien responsable des revenus au sein de la chaîne hôtelière Marriott et chez WestJet estime que le voyageur n’est pas toujours gagnant.

« Le prix peut parfois être plus élevé parce que pour la compagnie aérienne, l’aspect de la flexibilité disparaît. L’entreprise va vouloir se protéger. On ne veut pas prendre le risque. »

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Des voyageurs à l’aéroport Montréal-Trudeau

Des surprises

Les algorithmes mis en place par les transporteurs aériens peuvent aussi avoir des effets inusités sur le marché, selon une étude émanant de l’Université Yale qui vient d’être mise à jour. Ses auteurs, les professeurs Aniko Öry et Kevin Williams, ont identifié ce qui est qualifié de « danger » lorsque deux compagnies se disputent une clientèle plusieurs mois avant le détail.

Si la première baisse légèrement ses prix pour séduire les voyageurs, l’algorithme de sa rivale détectera le changement et s’ajustera.

« Au fil du temps, les deux compagnies se livrent à une surenchère telle qu’elles vendent toutes deux trop de sièges trop tôt, ce qui laisse trop peu de sièges disponibles pour les voyageurs qui réservent tardivement, écrivent les chercheurs. Cette situation nuit aux compagnies aériennes qui comptent sur les prix élevés que les clients de dernière minute sont prêts à payer ainsi qu’aux clients qui ont besoin d’un vol le lendemain. »

Ce scénario a moins de chances de se produire au Canada, estime M. Vachon, où il y a moins d’acteurs dans le paysage concurrentiel. Il n’en reste pas moins que les observations des chercheurs de Yale suggèrent que les vacanciers qui s’y prennent à l’avance ont obtenu un prix plus intéressant.

En savoir plus
  • 4,5 millions
    Passagers qui sont passés par Montréal-Trudeau de janvier à mars, presque le même volume qu’en 2019, avant la pandémie
    SOURCE : aéroports de Montréal