À bout de patience, un investisseur ayant prêté plus de 50 millions à Réal Bouclin se tourne vers les tribunaux dans l’espoir de se faire payer. Le président-directeur général de Groupe Sélection cumulerait des intérêts en souffrance supérieurs à 2,6 millions, refuserait de présenter son bilan financier et aurait placé son partenaire en situation de défaillance.

Ces allégations, qui n’ont pas encore été prouvées devant un tribunal, figurent dans une récente demande introductive d’instance déposée par Financement Projets Québec (FPQ). L’entreprise menace de saisir la luxueuse résidence du magnat déchu des résidences pour aînés (RPA). Le document brosse le portrait d’une relation d’affaires qui s’est amorcée en 2019 avec M. Bouclin, avant de se détériorer considérablement.

Dans un cas en particulier, les plaignants vont jusqu’à accuser les défendeurs d’avoir « illégalement et abusivement » omis de rembourser des intérêts échus d’environ 2,2 millions au cours des derniers mois.

FPQ appartient à une société du Luxembourg contrôlée par deux hommes d’affaires d’origine française, Luc et Franck Resslen. Depuis 2019, elle a consenti quatre prêts totalisant 54,5 millions, à des taux d’intérêt de 7 % à 10,5 %, à Financement Réal Bouclin, l’une des nombreuses entreprises de l’homme d’affaires. Une autre société à numéro lui appartenant est également mise en cause.

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Réal Bouclin, président-directeur général de Groupe Sélection

Les remontrances de FPQ ne se limitent pas aux dizaines de millions de dollars en souffrance. L’entreprise affirme n’avoir aucune idée du bilan financier des entités auxquelles elle a prêté de l’argent. Ce silence radio perdure depuis 2020, et une mise en demeure n’a pas permis de dénouer l’impasse, écrivent les demandeurs. Ils demandent aux tribunaux de forcer M. Bouclin à transmettre son bilan financier.

FPQ ajoute que l’entreprise de l’homme d’affaires « a fait défaut de transmettre ses états financiers pour les années 2020 à aujourd’hui, malgré le droit clair de FPQ d’obtenir ces états financiers, comme prévu à la promesse de financement ».

Plus que des dettes

Par ailleurs, FPQ allègue s’être retrouvée en situation de « défaut » pas plus tard qu’en mai dernier parce que Financement Réal Bouclin n’était pas en mesure de rembourser un prêt de 6 millions octroyé en décembre dernier. Groupe Sélection était déjà sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC) depuis plus d’un mois.

« Le respect de l’échéance et le remboursement intégral des sommes dues […] étaient capital pour FPQ, en ce que cette omission a placé FPQ en défaut dans le cadre d’un appel de versement, situation pour laquelle elle réserve tous ses droits et recours contre les défendeurs », souligne la requête.

Il n’a cependant pas été possible d’avoir plus de détails à propos de ce dossier. Le document ne nomme pas le projet dans lequel FPQ a investi. Lundi, le cabinet Thibeault Joyal, qui représente les plaignants, n’a pas rappelé La Presse. Invité à commenter les démarches de FPQ, M. Bouclin a décliné.

Des documents judiciaires qu’a déposés le contrôleur au dossier, PwC, identifient FPQ comme un « partenaire » de Sélection mais ne mentionnent pas dans quels projets cette société détient des participations.

La poursuite de l’entreprise des Resslen s’ajoute au préavis de vente sous contrôle de la justice visant la demeure lavalloise de M. Bouclin. Pour garantir les prêts, l’homme d’affaires avait accordé à FPQ des cautions personnelles en offrant en garantie sa demeure de Laval. Celle-ci, évaluée à près de 5,5 millions par la Ville, appartient à la Fiducie Réal Bouclin.

Sélection entre dans le dernier droit du processus d’enchères visant à vendre ses actifs afin de redresser ses finances et rembourser ses banquiers. PwC devrait déterminer, vendredi, les offres retenues. Les actifs offerts aux enchères sont regroupés en deux portefeuilles. Le premier concerne les 25 RPA détenues avec Revera. Le second comprend des actifs, comme le projet District des Brasseurs (ex-brasserie Molson), qui n’avaient pas encore fait l’objet d’ententes de gré à gré.

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