Malgré de nombreux avertissements des autorités, des courtiers immobiliers enfreignent la loi en continuant d’offrir des garanties de vente aux propriétaires

Que ce soit à la radio, dans votre boîte aux lettres ou en ligne, des courtiers immobiliers garantissent dans leur publicité qu’ils achèteront votre maison s’ils ne parviennent pas à la vendre. D’autres offrent une garantie de vente d’ici 120 jours ou une somme de 10 000 $ si le prix et les délais de vente ne répondent pas aux attentes du vendeur.

Or, offrir des garanties de vente et des rabais présente une apparence de conflit d’intérêts et c’est interdit, insiste l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec (OACIQ). La Loi sur le courtage immobilier est claire à ce sujet, affirme l’Organisme.

« On les a informés depuis un certain nombre de mois que nous étions pour sévir à cet effet-là, affirment en entrevue avec La Presse Caroline Champagne, vice-présidente encadrement à l’OACIQ. C’est pour ça que nous allons intervenir dans les cas où ça se poursuit. »

En offrant la garantie de vente, le courtier peut se retrouver dans une situation où il va accélérer la vente et se favoriser lui-même, explique Caroline Champagne.

Par exemple, est-ce que le courtier a vraiment fait une mise en marché permettant l’accès au plus grand nombre d’acheteurs ? Est-ce que le courtier a conseillé à son client de demander un prix plus bas pour accélérer la vente ? Lui a-t-il conseillé d’accepter une offre pour répondre à la garantie de délai de vente ?

Caroline Champagne ajoute que le courtier connaît les informations personnelles, stratégiques et financières de son client et qu’il pourrait en tirer profit.

« Je vous paie 10 000 $ »

Pour se conformer, François Mackay, dont les publicités passaient régulièrement au 98,5 FM, a modifié son offre. Il a changé son « Votre maison vendue Garanti ou je l’achète », qui est toujours annoncé sur Google, pour une nouvelle formule : « Vendez votre maison au prix et dans les délais convenus ou je vous paie 10 000 $ ». Ses cartons publicitaires ont été distribués dans les boîtes aux lettres de la région de Montréal en juin dernier.

La page Facebook « Groupe Mackay-Votre maison vendue Garanti ou je l’achète » est toujours en activité et mise à jour quotidiennement avec de nouvelles publications.

« J’ai ôté les mots “garanti” dans mon affaire, parce que j’avais cru comprendre qu’on ne pouvait plus garantir des trucs », explique-t-il au téléphone.

« J’avais écrit mon désaccord avec ça [à l’OACIQ] et il n’y a pas personne qui m’est revenu avec ça. Depuis le 8 mai, je n’ai pas eu de comeback là-dessus, poursuit-il. Je me disais qu’éventuellement, si j’ai un comeback. Au contraire, mes clients qui profitent de cette offre-là voient que c’est une très, très bonne offre. Si je n’arrive pas à obtenir 500 000 $ pour mon client, je vais te remettre 10 000 $ sous forme soit de réduction de commission, soit de chèque à la fin chez le notaire. »

Il précise que deux de ses clients ont bénéficié de cette nouvelle offre.

« Je vous l’achète cash ! »

Sur le site de l’agence immobilière ADRESZ, la page du courtier immobilier Bogdan-Alexandru Tomescu indiquait clairement mercredi matin l’offre « Votre maison vendue garanti ou on l’achète ! », et « cash », de surcroît.

« Oui, j’ai reçu le message [comme quoi c’est illégal]. Ce n’est pas mon site, ce n’est pas moi qui ai mis ça ici. Je n’ai jamais offert ça à mes clients », se défend-il au téléphone. Quelques heures plus tard, l’annonce était retirée.

De son côté, Sébastien Abran, courtier immobilier, Royal LePage, à Repentigny, offrait « Votre maison vendue en 120 jours garantie ». Par texto, il a confirmé mardi qu’il offrait encore cette garantie. « Bonjour. Oui certainement, si la propriété est inscrite au bon prix, le marché est bon ! », a-t-il répondu par écrit.

Joint au téléphone, Sébastien Abran dit être étonné d’apprendre que c’est illégal et qu’il n’était pas au courant. « Si c’est illégal, je vais le retirer », a affirmé le courtier qui a retiré la mention de l’offre quelques minutes plus tard.

Marc Lacasse, président du conseil d’administration de l’Association professionnelle des courtiers immobiliers du Québec (APCIQ), soutient en entrevue que les courtiers ont le devoir de connaître la loi.

On est encore surpris de voir ces publicités. On ne peut pas tirer profit d’un vendeur pour acheter nous-mêmes et revendre à profit.

Marc Lacasse, président du conseil d’administration de l’Association professionnelle des courtiers immobiliers du Québec

« Le courtier ne pourrait pas acheter 10 propriétés dans une année », ajoute-t-il.

Caroline Champagne de l’OACIQ précise d’ailleurs que si un courtier achète sa propre inscription, il est en situation de conflit d’intérêts clair.

L’OACIQ a informé les dirigeants d’agence dès août 2022 qu’il fallait cesser d’inclure les garanties de vente dans les contrats de courtage et d’en faire la publicité. Les courtiers ont reçu l’information en septembre 2022 et devaient se conformer à la loi à partir du 9 novembre 2022.

Comme certains courtiers avaient des contrats de publicité avec des stations de radio et des entreprises d’affichage sur les abribus, l’OACIQ a donné un délai de six mois, jusqu’au 9 mai 2023.

Les courtiers s’exposent maintenant à des amendes de 2000 $ à 50 000 $ par chef d’infraction et à des périodes de suspension temporaire.