(Toronto) Les observateurs de l’industrie des télécommunications espèrent que les prix des services de téléphonie et de l’internet au Canada continueront de diminuer, mais soulignent qu’il reste encore beaucoup à faire en matière d’abordabilité dans ce secteur au pays.

Les consommateurs ont payé 14,7 % de moins pour les services cellulaires par rapport au même mois l’an dernier, après qu’une baisse de 8,2 % a été observée en mai, a indiqué mardi Statistique Canada dans son rapport sur l’inflation pour le mois de juin.

Dans l’ensemble, le coût des services téléphoniques a chuté de 11,1 % en juin par rapport au même mois l’an dernier. L’agence fédérale a attribué l’allégement des factures de téléphone à la fois à la baisse des prix des forfaits de données cellulaires et aux prix promotionnels.

Ces données sont conformes aux tendances qui montrent que les coûts des services de télécommunication au Canada ont diminué ces dernières années, a souligné Gerry Wall, dont la société Wall Communications publie un rapport annuel comparant les prix pour les services cellulaires et internet au Canada avec ceux d’autres pays.

« La technologie permet des améliorations dans l’utilisation du spectre, dans la manière dont les réseaux sont gérés, dans l’efficacité des réseaux, et c’est donc probablement l’une des principales causes de la baisse des prix », a expliqué M. Wall.

Il a ajouté que l’arrivée de Vidéotron, propriété de Québecor, sur le marché national grâce à son acquisition de Freedom Mobile des mains de Shaw Communications pourrait accélérer ces déclins. La transaction avec Shaw était une exigence réglementaire imposée à Rogers Communications pour son acquisition de Shaw en avril, afin d’apaiser les problèmes de concurrence entourant le regroupement.

Certains observateurs considèrent qu’il existe une certaine complaisance sur le marché canadien en ce qui a trait à la concurrence des prix, a observé M. Wall. « Je pense qu’avoir un quatrième joueur, ce qui est assez rare […], pourrait entraîner de nouvelles baisses de prix. »

Les prix des services d’accès à internet ont chuté de 3,2 % en juin d’une année à l’autre, après avoir augmenté de 1,0 % en mai, selon Statistique Canada. D’un mois à l’autre, les prix ont diminué de 5,0 %, ce qui représentait la plus forte baisse sur un mois depuis février 2019.

Cela était principalement attribuable aux promotions en Ontario et à la baisse des prix au Québec, a expliqué l’agence fédérale.

« Les récentes réductions de prix sont la plus récente manifestation d’une tendance pluriannuelle de baisse des prix sur le marché canadien du sans-fil et elles sont un signe de la concurrence vigoureuse qui se poursuit sur le marché canadien du sans-fil », a fait valoir le porte-parole de l’Association canadienne des télécommunications, Nick Kyonka, dans une déclaration.

Il a souligné que les coûts des services cellulaires avaient baissé de 33,3 % au cours des trois dernières années, selon les données de Statistique Canada.

M. Kyonka a ajouté que l’industrie surveillait les effets de la nouvelle propriété de Freedom Mobile sur les tendances des prix.

Freedom a annoncé en mai qu’elle proposerait un forfait mensuel de 50 $ comprenant des appels et des textos illimités, en plus de 40 gigaoctets de données. Dans le cadre des conditions imposées en mars par le ministre de l’Industrie, François-Philippe Champagne, Vidéotron doit offrir des forfaits d’au moins 20 % inférieurs à ceux de ses concurrents.

Toujours parmi les plus coûteux

Mais le dernier rapport de Wall Communications, publié en février et préparé pour Innovation, Sciences et Développement économique Canada, a révélé que le Canada avait toujours certains des prix les plus élevés au monde pour les services de téléphonie cellulaire et à large bande en 2022.

« Nos tarifs sont encore astronomiques par rapport à ce que les gens paient dans d’autres pays », a assuré David Soberman, professeur de marketing à la Rotman School of Management de l’Université de Toronto.

Même si nous avons enregistré une baisse de 15 % du coût réel que nous payons pour la télécommunication mobile, il reste nettement supérieur à ce qui est payé dans d’autres pays.

David Soberman, professeur de marketing à la Rotman School of Management de l’Université de Toronto

Même s’il a affirmé que l’accord entre Rogers et Shaw ouvrait la voie à l’émergence de Freedom Mobile en tant que quatrième opérateur national avec des prix inférieurs obligatoires, M. Soberman s’est demandé si sa présence l’emporterait sur les effets négatifs d’une concentration accrue.

« Le secteur a fait l’objet d’un examen minutieux au cours de la dernière année, en particulier dans la foulée de la fusion Rogers-Shaw, donc je soupçonne que les entreprises essaient d’offrir des tarifs légèrement plus attractifs », a-t-il estimé.

« Nous n’avons pas vraiment augmenté le nombre de concurrents. C’est juste un peu un réaménagement de chaises, mais cela pourrait expliquer pourquoi nous constatons des prix un peu plus attractifs en ce qui a trait aux coûts de téléphonie mobile. »

Laura Tribe, directrice générale d’OpenMedia, une organisation de défense qui promeut l’abordabilité et l’accessibilité de l’internet, a souligné que de nombreux consommateurs, prisonniers de leur forfait, ne ressentent pas de soulagement financier.

« [Les données disent que] quelque part, en moyenne, les gens paient moins, et je pense que pour plusieurs utilisateurs, c’est en fait assez frustrant d’entendre cela quand ils ne voient pas cela sur leurs propres factures », a estimé Mme Tribe.

« Il y a beaucoup d’expériences vécues différentes et cela ne se reflète peut-être pas nécessairement dans les célébrations des dirigeants des télécommunications. »

Bien qu’elle considère que les chiffres de juin sont un pas dans la bonne direction, Mme Tribe a souligné que les prix des télécommunications au Canada baissaient toujours plus lentement que dans les autres pays.

« Le revenu moyen par utilisateur augmente pour ces entreprises et leurs bénéfices continuent d’augmenter, a-t-elle noté. Donc, je pense que cela témoigne davantage du fait qu’il devient moins cher de fournir des services de téléphonie mobile que de celui que nous obtenons vraiment un bon prix. »