(Vancouver) D’autres conflits à grande échelle, comme le débrayage récent dans les ports de la Colombie-Britannique, pourraient se profiler à l’horizon, avertit un chercheur du mouvement syndical, alors que les débardeurs se sont réunis mardi pour envisager un éventuel accord avec leurs employeurs.

Les sections locales de l’International Longshore and Warehouse Union Canada (ILWUC) se sont rencontrées mardi à plusieurs endroits de la province pour discuter de l’entente. L’Association des employeurs maritimes de la Colombie-Britannique (AEMCB) affirme qu’il s’agit du même accord que les dirigeants syndicaux avaient précédemment rejeté sans obtenir un vote de tous les membres.

Des milliers de travailleurs des ports de la Colombie-Britannique ne se sont pas présentés au quart de travail de mardi à 8 h pour assister à des réunions et pour connaître les détails de l’accord de principe du syndicat avec les employeurs.

Plusieurs travailleurs présents à une réunion tenue au Centre culturel croate de Vancouver ont refusé de discuter de l’entente avec les médias.

Le professeur agrégé de sociologie de l’Université McGill, Barry Eidlin, estime qu’il est probable que les dirigeants syndicaux subissent des pressions pour faire ratifier l’accord par les membres en raison du spectre d’une législation de retour au travail – même si des responsables fédéraux ont déclaré publiquement qu’une fin de conflit par négociation est le résultat espéré.

M. Eidlin indique que les membres sont conscients que leurs dirigeants ont précédemment rejeté l’accord, ce qui « n’envoie pas un signal fort » sur la qualité de l’accord et donne plutôt l’impression qu’il est « imposé ».

Questions en suspens

M. Eidlin formule également l’hypothèse que des syndiqués pourraient ne pas être réceptifs à cet accord étant donné que des questions telles que l’automatisation et la compétence des travaux de maintenance, cruciales pour la viabilité à long terme des emplois de ces travailleurs, sont encore en suspens.

« Il ne s’agit pas seulement de dollars et de cents ou d’une augmentation des pensions, remarque M. Eidlin. Ce n’est pas que ces choses ne sont pas importantes, mais ce sont des questions fondamentales sur l’avenir de ce à quoi ressemblera le travail sur le quai. »

« Même si vous avez la menace d’une législation de retour au travail qui plane sur l’ensemble du processus, les enjeux sont d’une telle importance que les membres vont réfléchir très sérieusement à la formulation de ce contrat – et s’ils peuvent ou non vivre avec », poursuit-il.

Des problèmes similaires auxquels sont confrontés les travailleurs d’autres industries, ainsi que les défis croissants du coût de la vie et de la flexibilité du lieu de travail, pourraient modifier les stratégies du mouvement syndical quant au recours à la grève comme tactique de négociation – un aspect qui a peu évolué depuis les années 1990.

« À notre époque, il est possible que nous ayons atteint une sorte de point de rupture, où suffisamment de travailleurs disent : “Nous en avons assez, nous devons faire quelque chose” », relève le chercheur.

Jurisprudence

Le conflit de travail a déclenché une grève de 13 jours qui a commencé le jour de la fête du Canada, empêchant des milliards de dollars de marchandises d’entrer et de sortir de certains des ports les plus achalandés du pays.

La grève a été suspendue lorsqu’une entente a été conclue avec l’aide d’un médiateur, il y a deux semaines, mais elle a ensuite repris de plus belle lorsque la direction syndicale a rejeté le plan au début de la semaine dernière.

Une commission du travail a alors jugé que la deuxième action de grève était illégale, incitant le syndicat à déposer un préavis de grève de 72 heures, qu’il a ensuite annulé quelques heures plus tard.

Le professeur adjoint de la faculté de droit Schulich de l’Université Dalhousie, Liam McHugh-Russell, a qualifié les développements tumultueux de « rares, mais pas inédits » dans le domaine des négociations collectives.

Bien que des dirigeants provinciaux et des chefs d’entreprise aient appelé à une législation de retour au travail dans l’éventualité d’une relance totale de la grève par le syndicat, le gouvernement fédéral hésite à s’engager dans cette voie depuis les décisions historiques de la Cour suprême en 2007 et 2015.

La décision de 2007 fait de la négociation collective un droit constitutionnel et la décision de 2015 a ajouté le droit de grève.

Ces décisions se reflètent dans la manière dont le gouvernement a géré le différend portuaire jusqu’à présent, souligne M. McHugh-Russell.

« Nous assistons dans une certaine mesure à un changement du contexte constitutionnel dans lequel les grèves se déroulent, explique-t-il. (Les décisions de la Cour suprême) ont vraiment freiné la capacité et la volonté du gouvernement d’apporter des solutions législatives à ces problèmes. »

Les membres du syndicat devraient voter sur l’offre plus tard cette semaine, mais on ne sait pas encore quand les résultats pourraient être rendus publics.