Un train à grande vitesse (TGV) entre Québec et Toronto coûterait jusqu’à 80 milliards, affirme Transports Canada, en évoquant la mise à jour d’une étude réalisée il y a trois ans. Le coût moyen du kilomètre serait plus élevé par rapport à plusieurs projets en cours ailleurs dans le monde, ce qui étonne un expert.

Ce qu’il faut savoir

Ottawa privilégie l’option d’un train à grande fréquence (TGF) entre Québec et Toronto.

Un TGV coûterait jusqu’à 80 milliards, selon les récentes estimations de Transports Canada.

Les estimations de coûts pour un TGF demeurent inconnues.

Si les questions concernant la facture d’un train à grande fréquence (TGF) – l’option privilégiée par le gouvernement Trudeau – restent sans réponse, Ottawa est moins gêné de s’avancer sur celle de l’option qu’il juge trop onéreuse. Le prix d’un tel projet oscillerait entre 65 et 80 milliards, affirme Transports Canada, dans un courriel envoyé à La Presse.

On arrive à cette conclusion à la suite d’une mise à jour d’une étude sur le TGV, dont les trains peuvent atteindre 300 km/h, réalisée en 2020 dans le cadre de recherches effectuées pour le TGF, explique un porte-parole de Transports Canada, Hicham Ayoun.

« L’étude a utilisé des repères internationaux pour établir les coûts globaux du TGV dans le corridor, écrit-il. Plusieurs réseaux en service dans le monde ont été examinés, notamment ceux de l’Angleterre, de l’Espagne, de la France, du Japon, de la Corée du Sud et de l’Allemagne. »

Au moment d’écrire ces lignes, il n’avait pas été possible de consulter le contenu de l’étude en question. Si les trains devaient circuler à grande vitesse « d’un bout à l’autre » entre Québec et Toronto, le coût du projet serait de 65 à 80 millions par kilomètre.

Doté de voies ferroviaires réservées aux passagers et de trains pouvant atteindre 200 km/h, le TGF doit relier des villes comme Québec, Montréal et Toronto avec un temps de trajet qui ne dépasserait pas 4 heures et 10 minutes. Le gouvernement Trudeau demande cependant aux consortiums retenus de lui proposer des scénarios où la grande vitesse pourrait être déployée. On réduirait ainsi les temps de parcours.

Vitesse réclamée

Plusieurs acteurs du milieu des affaires et de la sphère politique, dont le gouvernement Legault, plaident ouvertement pour un réseau à grande vitesse, ce qui permettrait par exemple d’effectuer la liaison entre la métropole et la Ville Reine en environ 2 heures et 15 minutes. Ottawa répète que la facture serait trop élevée parce qu’il faudrait construire de nombreux viaducs et tunnels pour éviter les passages à niveau.

« Les TGV sont habituellement conçus pour optimiser les déplacements entre deux grandes villes, avec des arrêts limités entre les deux, ajoute M. Ayoun. Le TGF serait en mesure de desservir les petites communautés entre les grandes villes et d’atteindre les gares achalandées des centres-ville. »

Le gouvernement Trudeau est beaucoup plus discret en ce qui a trait aux coûts du train à grande fréquence. Le ministre fédéral des Transports, Omar Alghabra – qui sera écarté du Cabinet ce mercredi –, avait déjà évoqué une échelle allant de 6 à 12 milliards pour le TGF. Il s’était rétracté en mars 2022 et refuse depuis de s’avancer sur des prévisions.

IMAGE TIRÉE DU SITE WEB DE VIA RAIL

Le tracé du TGF n’est pas définitif, mais on a un aperçu de l’itinéraire projeté.

Spécialiste des questions urbaines, Michel Archambault, professeur émérite au département d’études urbaines et touristiques de l’UQAM, s’étonne de la fourchette du coût moyen par kilomètre mise en avant par Transports Canada pour un TGV. À son avis, cela est plus élevé que ce que l’on observe ailleurs dans le monde. M. Archambault cite par exemple les 35 millions d’euros par kilomètre (environ 51 millions CAN) pour le prolongement du réseau de TGV en France afin de relier Bordeaux et Toulouse.

« C’est bien en deçà des coûts cités par le gouvernement fédéral, dit M. Archambault. Le tronçon entre Québec et Toronto et l’un des plus favorables en matière d’absence d’obstacles structurants qui feraient augmenter significativement la facture. »

L’expert fait également remarquer qu’en Tunisie, l’agence Statista avait estimé à environ 20 millions d’euros (quelque 30 millions CAN) le coût par kilomètre du projet de voies ferrées de 600 km pour des trains à grande vitesse dans ce pays.

Ailleurs, le portrait est bien différent. Dans le cas du projet HS2 entre Londres et Birmingham, au nord, le coût moyen du kilomètre a été estimé à plus de 200 millions de livres sterling (340 millions CAN). Il s’agit du projet de TGV le plus onéreux sur le Vieux Continent et l’explosion des coûts incite le gouvernement britannique à songer à prendre des mesures, comme réduire le nombre de trains et les vitesses de pointe, afin de dégonfler les coûts.

En Californie, le réseau projeté pour relier Los Angeles à San Francisco – un chantier qui doit se décliner en plusieurs phases – pourrait coûter jusqu’à 128 milliards US (168 milliards CAN). Le prix par kilomètre est supérieur à 125 millions US (165 millions CAN).

« Quand on regarde ce réseau, il est bien différent du corridor entre Québec et Toronto, souligne toutefois M. Archambault. Il faut passer à travers des montagnes, notamment, et il y a beaucoup d’obstacles. À cela il faut ajouter tout ce qui concerne l’activité sismique, puisque c’est sur la côte ouest américaine. »

Segment prometteur

Sans s’avancer sur les coûts, un document gouvernemental préparé en 2021 et obtenu par La Presse avait déjà identifié le tronçon entre Montréal et Toronto comme l’un des plus prometteurs pour le TGV en Amérique du Nord. L’information émanait d’un rapport d’environ 300 pages du Bureau de projet conjoint (BPC), sous la responsabilité de VIA Rail et de la Banque de l’infrastructure du Canada.

Lisez l’article « TGV entre Montréal et Toronto : un trajet des plus prometteurs »

Les conclusions s’inspiraient d’une évaluation de la Regional Plan Association. Cet organisme à but non lucratif établi à New York avait évalué 31 trajets. Celui entre les deux métropoles canadiennes se classait au sixième rang sur le continent. Ce rapport est lourdement caviardé. Impossible, donc, de savoir s’il s’avançait sur la facture et les contraintes techniques d’un TGV.

80 milliards, c’est…

La valeur boursière de la Banque Scotia, quatrième en importance au Canada (78 milliards)

Presque deux fois la valeur totale des équipes de la LNH – 43 milliards CAN – calculée par Forbes.

Au moins dix fois la facture présumée (7 milliards) du Réseau express métropolitain (REM).

En savoir plus
  • 1000 kilomètres
    Étendue du réseau de train à grande fréquence (TGF) envisagé par le gouvernement fédéral
    Source : gouvernement du Canada
    3
    Nombre de consortiums retenus pour soumissionner au projet de TGF
    Source : gouvernement du Canada