(New York) Depuis deux décennies, même pendant la pandémie, les entreprises technologiques ont été l’un des points forts de l’économie new-yorkaise, créant des milliers d’emplois bien payés et occupant d’innombrables bureaux au centre-ville.

Leur croissance a dopé les recettes fiscales, fait de New York une vraie rivale de la baie de San Francisco et créé des emplois qui ont aidé la ville à absorber les licenciements dans d’autres secteurs pendant la crise financière de 2008 et la pandémie.

Mais aujourd’hui, le secteur techno se replie et assombrit l’avenir économique de la ville.

Face à de nombreux défis commerciaux, les grandes entreprises technologiques ont fait 386 000 licenciements dans le monde depuis janvier 2022, selon le site layoffs.fyi, qui suit ce secteur. Elles ont aussi abandonné des millions de pieds carrés de bureaux en raison de ces coupes et du télétravail.

PHOTO GABBY JONES, THE NEW YORK TIMES

Un bureau inoccupé à New York, où plusieurs entreprises technologiques tentent de sous-louer une partie des bureaux qu’elles ont loués ou achetés.

Ce repli touche d’autres pôles technologiques : San Francisco est le plus éprouvé, avec un taux d’inoccupation de 25,6 %, selon Newmark Research.

Taux d’inoccupation de 13,5 %

New York s’en sort mieux que San Francisco – Manhattan a un taux d’inoccupation de 13,5 % –, mais l’industrie technologique n’est plus un moteur de croissance. Plus du tiers des quelque 22 millions de pieds carrés offerts en sous-location à Manhattan proviennent de sociétés de technologie, de publicité et de médias, selon le courtier Newmark.

Ainsi, Meta, propriétaire de Facebook et d’Instagram, se débarrasse actuellement d’une grande partie des 2,2 millions de pieds carrés qu’elle a loués dans des bureaux de Manhattan ces dernières années. Meta a licencié 1700 employés cette année, soit le quart de sa main-d’œuvre dans l’État de New York, et ne renouvellera pas les baux couvrant 250 000 pieds carrés au complexe Hudson Yards et 200 000 pieds carrés sur Park Avenue South.

Spotify tente de sous-louer cinq des 16 étages qu’elle a loués il y a six ans au 4, World Trade Center. Roku offre le quart des 240 000 pieds carrés loués en 2022 à Times Square. Twitter, Microsoft et d’autres firmes technos tentent aussi de sous-louer de l’espace devenu excédentaire.

« Les firmes technos ont joué un rôle vraiment important dans l’immobilier depuis cinq ans », indique Ruth Colp-Haber, PDG de Wharton Property Advisors, une société de courtage immobilier.

Maintenant que [les firmes technos] semblent ralentir, on se demande qui va les remplacer.

Ruth Colp-Haber, PDG de Wharton Property Advisors

Les entreprises technologiques ont créé 43 430 emplois à New York de 2016 à 2021, soit un gain de 33 %, selon le vérificateur général de l’État. Des emplois très bien payés, souligne-t-il : le salaire moyen dans ce secteur en 2021 était de 228 620 $, près du double du salaire moyen du secteur privé dans la ville.

La croissance de l’emploi a dopé la demande de surfaces de bureau : les secteurs techno, publicité et médias ont représenté près du quart des nouveaux baux signés à Manhattan ces dernières années, selon Newmark.

Le télétravail accentue la tendance

Microsoft et Spotify ont refusé de commenter leurs décisions immobilières. Twitter et Roku n’ont pas répondu aux demandes d’entrevue. Dans un communiqué, Meta a affirmé son engagement « envers le travail à distance », ajoutant « affiner continuellement » son approche.

Il reste quelques grandes entreprises technologiques en expansion à New York.

Google a acheté en 2021 John’s Terminal, un grand édifice situé près du fleuve Hudson dans le sud de Manhattan ; l’emménagement est prévu au début de 2024. En comptant cet espace, Google possédera ou louera environ sept millions de pieds carrés de bureaux à New York – un million de plus qu’aujourd’hui –, selon un porte-parole. (Google loue plus d’un million de pieds carrés de cet espace à d’autres firmes.) L’entreprise compte plus de 12 000 employés dans la région de New York, environ 2000 de plus qu’en 2019.

  • L’édifice John’s Terminal, dans le sud de Manhattan

    PHOTO TONY CENICOLA, THE NEW YORK TIMES

    L’édifice John’s Terminal, dans le sud de Manhattan

  • Une partie du complexe Hudson Yards, à New York, où Meta utilise 250 000 pieds carrés d’espaces de bureaux.

    PHOTO TIMOTHY A. CLARY, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

    Une partie du complexe Hudson Yards, à New York, où Meta utilise 250 000 pieds carrés d’espaces de bureaux.

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Amazon a annulé en 2019 la construction d’un vaste campus dans le Queens après que des politiciens municipaux eurent dénoncé les incitatifs offerts à l’entreprise. Depuis, elle a néanmoins ajouté 200 000 pieds carrés dans la région de New York. Amazon ajoutera encore 550 000 pieds carrés d’ici la fin de l’été sur la 5Avenue, dans l’ancien grand magasin Lord & Taylor, acheté en 2020 pour 1,15 milliard.

New York conserve donc sa forte attractivité pour les entreprises technologiques, disent des représentants du secteur.

« En réalité, la contraction du secteur techno dans l’immobilier commercial est moindre à New York que dans d’autres grandes villes », dit Julie Samuels, présidente de TECH : NYC, une association sectorielle.

À ma connaissance, pas une seule entreprise techno n’est partie [de New York] ; c’est significatif.

Julie Samuels, présidente de TECH : NYC

Selon Fred Wilson, partenaire chez Union Square Ventures, les patrons de la techno ressentent moins qu’avant le besoin d’être dans la Silicon Valley. Ce changement a profité à New York, dit-il. « Aujourd’hui, nous avons plus de PDG et de fondateurs d’entreprises à New York qu’avant la pandémie », a ajouté M. Wilson, en parlant des entreprises dans lesquelles sa société a investi.

Même son de cloche chez David Falk, président de la New York Tri-State Region pour la ville de Newmark, au New Jersey : « On planche sur plusieurs transactions avec de jeunes pousses technologiques qui cherchent à sous-louer des bureaux ».

Toutefois, bien des entreprises continuent à faire des coupes.

600 mises à pied chez Spotify

En 2017 et 2019, la suédoise Spotify a signé des baux totalisant 564 000 pieds carrés au 4, World Trade Center, devenant ainsi un des principaux locataires de l’endroit. Elle a rapidement aménagé un espace muni de tous les attributs associés aux firmes technos : espaces de travail flexibles ; couleurs vives ; vues imprenables ; tables de ping-pong.

Mais en janvier, Spotify a licencié 600 personnes, environ 6 % de ses effectifs mondiaux. L’entreprise, qui permet le télétravail partiel ou total, veut réduire la surface de ses bureaux et offre cinq étages en sous-location.

« Les jours où je suis seule, je finis par m’asseoir dans une salle de réunion toute la journée pour me concentrer », a témoigné Dayna Tran, une employée de Spotify qui travaille souvent au bureau. Les autres adeptes du présentiel se motivent et créent des liens en collaborant à une liste de lecture diffusée au bureau, ajoute-t-elle.

Cet article a été publié à l’origine dans le New York Times.

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