La pluie abondante qui est tombée dans les champs québécois n’a évidemment pas épargné les vignobles. Et, comme on le sait, les raisins sont particulièrement sensibles à l’humidité, les maladies fongiques leur étant souvent fatales.

« C’est du sport extrême », avoue tout de go Sébastien Daoust, propriétaire du vignoble Les Bacchantes, situé à Hemmingford.

Contrairement aux maraîchers dont les misères dues à la météo ont fait les manchettes ces derniers jours, les vignerons ne sont pas en période de récolte. Il reste plusieurs semaines avant le début des vendanges. On ne peut pas, à ce stade-ci, présumer une baisse de rendement, indique Sébastien Daoust. Par contre, on peut assurément parler d’une importante hausse des interventions dans les champs.

Un avis partagé par ses collègues vignerons qui doivent apporter plus de soin aux plants s’ils veulent les amener jusqu’à la récolte et, ultimement, jusqu’à la bouteille.

Chaque jour, il faut évaluer à quoi ressembleront les prochaines heures, et prévoir les pulvérisations en conséquence.

Sébastien Daoust, propriétaire du vignoble Les Bacchantes

Parce qu’une forte pluie va rincer la vigne du produit qui est appliqué pour la protéger… de maladies causées par trop d’humidité !

Dans le cas de son vignoble biologique, Sébastien Daoust indique qu’il faut une grosse journée pour faire la pulvérisation. C’est donc plus de main-d’œuvre, plus de produits, plus d’essence de tracteur…

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

Sébastien Daoust, propriétaire du vignoble Les Bacchantes

Des coûts supplémentaires non négligeables pour une PME, comme le sont la majorité des vignobles d’ici.

Mais l’effort est essentiel si les viticulteurs veulent une bonne récolte, car ils n’ont pas d’assurance en cas de pertes. À la fin de la saison, les entreprises devront évaluer le surplus de coûts causé par ces interventions supplémentaires et ajuster le plan d’affaires.

Des maladies à combattre

Pas très loin de là, à Saint-Bernard-de-Lacolle, Frédéric Tremblay, du vignoble Camy, a fait un traitement exceptionnel sur ses vignes, justement parce que la météo le commandait et qu’il ne souhaitait pas faire trop de passages avec la machinerie ou gorger ses sols de cuivre, pour combattre la maladie.

« C’est un peu comme quand on donne des antibiotiques à un enfant malade », image-t-il pour expliquer ses interventions.

Frédéric Tremblay est un observateur minutieux de la météo. Camy en sera à sa septième saison de production, et assurément une des plus mouillées. Avec l’année dernière.

On l’oublie rapidement, mais l’année 2022 avait aussi été pluvieuse, avec pratiquement le double des précipitations comparativement à la « normale », dit Frédéric Tremblay. Cette année s’aligne pour être semblable.

Ce qui veut dire plus de temps pour faire « de bonnes pratiques » agricoles, confirme le vigneron.

Par exemple, enlever des feuilles pour donner plus de soleil au raisin. C’est simple, efficace, mais ça demande du temps.

« On essaie de mettre le fruit dans un environnement le plus sec possible », illustre-t-il. Il faut aussi désherber davantage, parce que ça pousse sans cesse.

Et, oui, combattre les maladies.

« Dans les vignes, il y a trois maladies fongiques qui nous tracassent », explique le propriétaire du vignoble Camy. Chez lui, cette année, c’est surtout le mildiou qui pose problème et c’est directement lié à la grande quantité de pluie sur les feuilles.

Baisse de rendement ?

Après une récolte très moyenne en 2022, sur l’ensemble du vignoble québécois, peut-on s’attendre à des rendements affectés par la pluie de 2023 ?

Deux mois avant les vendanges, aucun vigneron ne se prononcera sur la saison actuelle.

Mais tous sont d’avis qu’il reste plus d’un défi.

Prochain combat pour Frédéric Tremblay : le botrytis, cette maladie fongique qui fait pourrir les fruits et qui peut donc affecter les rendements. L’année dernière, la pluie de septembre avait fait disparaître de 15 % à 20 % du chardonnay chez Camy, davantage dans d’autres cépages.

Toutefois, une belle fin d’été ensoleillée pourrait changer la donne et terminer la saison 2023 en beauté.

C’est là-dessus que mise Benoit Giroussens, du Coteau Rougemont. Le grand avantage de cette entreprise de la Montérégie, comme certains autres vignobles québécois, est que les sols sont sablonneux. Donc, ils se drainent bien. Et le vignoble est en flanc de montagne, donc pas d’accumulation d’eau.

« C’est quand même compliqué cette année », admet-il néanmoins, car lui aussi passe beaucoup de temps à s’assurer que les vignes soient bien taillées, effeuillées, etc.

Il faut que le vignoble soit très bien maîtrisé, parce qu’on ne peut pas rentrer quand on veut avec des tracteurs.

Benoit Giroussens, du vignoble Coteau Rougemont

Ce qui ne prévient pas les épisodes de grêle ou de gel : au printemps, le Coteau Rougemont a subi une perte de 20 % à cause du gel.

L’excellente nouvelle pour les amateurs de vins québécois est que, peu importe les rendements, les fruits sont beaux.

S’il a plu beaucoup, il a aussi fait beau, nuance Benoit Giroussens.

« Nous avons eu pratiquement autant de degrés-jour qu’en 2021 », explique le maître de chais. C’est ainsi que l’on calcule l’ensoleillement dans les vignobles. Et 2021 avait été un superbe millésime au Québec. Ce qui donnera donc des raisins gorgés de sucre et de saveur.

« Les grappes qui sont là sont magnifiques », dit Benoit Giroussens.

En savoir plus
  • 3,1 millions
    Nombre de bouteilles produites par les vignerons québécois l’année dernière. À peu près le même nombre que l’année précédente, après plusieurs années de croissance.
    Source : Conseil des vins du Québec (CVQ)
  • 164
    Nombre de vignobles au Québec. Selon un sondage mené cette année par le CVQ, la moitié des vignobles québécois sont en expansion – 48 % des entreprises comptent planter de nouvelles vignes dans les trois prochaines années.
    Source : Conseil des vins du Québec (CVQ)