La débandade du Groupe Sélection emporte son président dans son sillage. Réal Bouclin est maintenant sous la protection de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité. La liste de ses créanciers montre que l’homme d’affaires a entraîné dans ses déboires plusieurs membres de la famille de sa conjointe, l’animatrice Valérie Taillefer : il leur doit plus de 33 millions.

Ce qu’il faut savoir 

• Après le Groupe Sélection, son président, Réal Bouclin, devient insolvable à son tour.

• L’homme d’affaires s’est placé sous la protection de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité (LFI).

• Il traîne des créances de 160 millions.

Au total, Réal Bouclin a accumulé des dettes personnelles de 160 millions.

Valérie Taillefer a elle-même enregistré une créance de 1 million et son père, Jean-François, de près de 6 millions. Des entreprises liées à son père et au beau-frère de Valérie Taillefer, Philippe Morin, ont également des créances totalisant 26,3 millions.

Malgré tout, les déboires financiers de Bouclin ne semblent pas avoir fissuré son couple. Dans une déclaration que l’animatrice a fait parvenir à La Presse, elle dit appuyer son conjoint « sans réserve ».

« Réal est un homme avec un grand cœur et un dévouement unique qui l’ont mené vers la réussite, je suis fière de ce qu’il a bâti au cours des 33 dernières années, affirme-t-elle. Durant et après la pandémie, mon conjoint a fait des choix pour conserver des emplois et des chantiers pendant que le monde entier s’est arrêté. C’est sa vision que j’ai appuyée et que j’admire. Je suis confiante que la situation actuelle n’est que temporaire et que le meilleur reste à venir. »

PHOTO TIRÉE DE FACEBOOK

Valérie Taillefer

« Fiasco total »

Son ancien partenaire Rémi Vigneault, qui lui réclame près de 12 millions, qualifie au contraire la situation de « fiasco total », en entretien avec La Presse. Il s’est adjoint les services d’un syndic et cherchait depuis le début du mois d’août à identifier des actifs de l’homme d’affaires qu’il pourrait saisir.

« Ils ont déjà commencé à identifier certains biens personnels. On était à mi-chemin dans nos démarches », dit Rémi Vigneault. En 2021, il a obtenu un jugement forçant Réal Bouclin à lui payer des millions supplémentaires pour les parts du Groupe qu’il lui a revendues en 2013.

Ex-ami d’enfance de Bouclin, l’homme d’affaires, aujourd’hui exilé en Floride, ne se fait pas d’illusions quant à ses chances de toucher son dû. « C’était important de le faire pour lui montrer qu’il est rendu là, mais on ne compte pas là-dessus pour récupérer notre argent, dit-il. On a eu notre petit bonheur en ayant gain de cause à la cour. »

Jusqu’à maintenant, son syndic n’a trouvé qu’un bateau et des comptes de banque qui « ne cachent pas de trésor », déplore-t-il.

« Sa maison et même son condo en Floride sont détenus par des fiducies », dit Rémi Vigneault. Ces actifs ne figurent donc pas au bilan personnel de Réal Bouclin : les fiducies sont des entités distinctes des personnes qui en sont bénéficiaires.

PHOTO FOURNIE PAR RÉMI VIGNEAULT

Rémi Vigneault ne se fait pas d’illusions quant à ses chances de récupérer ses millions.

Il dit vouloir « s’assurer de la validité » de ces montages, dit-il. Il soupçonne son ancien partenaire de les avoir financés avec l’argent de Sélection.

Gagner du temps

En choisissant de faire une proposition concordataire en vertu de la LFI, Réal Bouclin gagne du temps afin de se protéger de ses créanciers. Il compte leur faire une proposition prévoyant une forme quelconque de remboursement. Dans ce type de procédure, les créanciers laissent généralement de l’argent sur la table.

En plus de Rémi Vigneault, d’autres créanciers sont à bout de patience. En juin dernier, La Presse révélait que Financement Projets Québec (FPQ) poursuit Réal Bouclin pour un montant de 53 millions, inclus dans les créances enregistrées.

L’entreprise, qui appartient aux hommes d’affaires français Luc et Franck Resslen, menaçait même de saisir sa luxueuse résidence.

FPQ allègue que le Groupe Sélection accumulait des intérêts en souffrance et qu’il refusait de présenter son bilan financier.

Puisque Réal Bouclin s’est tourné vers la LFI, ces démarches sont maintenant en veilleuse également.

Quel avenir pour Sélection ?

La proposition concordataire de Bouclin soulève de sérieuses questions en ce qui a trait à la poursuite des activités de Sélection – toujours à l’abri de ses créanciers – dans sa forme actuelle. Le géant des résidences pour personnes âgées est toujours en train de liquider des actifs aux enchères pour rembourser ses banquiers. Les chances de voir son fondateur en récupérer des morceaux s’amincissent.

C’est la fin pour les créanciers. Essayez de vous imaginer : le processus d’insolvabilité de Sélection n’est même pas terminé et M. Bouclin décide de faire une proposition en vertu de la LFI. Ça vous démontre le niveau de dette personnelle.

Rémi Vigneault

Le président du Groupe prétend pourtant le contraire.

« À noter que ce geste n’a absolument aucun impact sur la stratégie actuellement déployée pour relancer l’entreprise, écrit Victor Henriquez, porte-parole de l’homme d’affaires. Par respect pour les processus et les discussions en cours, M. Bouclin ne fera aucun commentaire de plus sur le sujet à ce moment-ci. »

Sélection bénéficie de la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC) depuis maintenant plus de neuf mois. Insolvable, le promoteur immobilier et gestionnaire de résidences pour aînés (RPA) déchu a vu nombre de ses principaux actifs récupérés par des partenaires dans le cadre des enchères en cours.

L’entreprise a largué la quasi-totalité des participations qu’elle détenait dans des RPA et a perdu ce qui était considéré comme son joyau : sa participation dans le district des brasseurs (l’ancienne brasserie Molson), situé dans le quartier stratégique du Vieux-Montréal. De plus, le Groupe Sélection n’est plus impliqué dans Espace Montmorency, ce complexe multiusage de quelque 450 millions comprenant un hôtel, des commerces, des tours résidentielles ainsi qu’un stationnement souterrain.

Depuis la conclusion de ces transactions, il ne reste qu’une dizaine d’actifs, essentiellement des terrains et des projets en construction, qui restent aux enchères. Supervisé par le contrôleur PwC, ce processus doit se conclure prochainement.

En savoir plus
  • 14 novembre 2022
    Date à laquelle le Groupe Sélection s’est mis à l’abri de ses créanciers
    272 millions
    Somme que le Groupe Sélection devait à ses banquiers au moment de recourir à la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC)