(Québec) C’est la fin d’une entente « historique » pour le Québec avec l’Ontario. La province voisine ne renouvelle pas le contrat d’achat d’électricité conclu avec Hydro-Québec en 2016.

La nouvelle entente Québec-Ontario, qui sera annoncée ce mercredi, prévoit plutôt l’échange d’un bloc de puissance de 600 mégawatts (MW) entre les deux provinces durant les périodes de pointe de consommation d’électricité, a appris La Presse.

Ainsi, la Société indépendante d’exploitation du réseau d’électricité de l’Ontario (SIERE) fournira cette puissance d’énergie à Hydro-Québec durant l’hiver ; la société d’État québécoise fera de même en été pour son partenaire ontarien.

Les deux parties vont s’échanger la puissance gratuitement ; la puissance est l’élément le plus coûteux sur les marchés de court terme. Un prix sera fixé pour l’énergie, et l’opération se fera à coût nul pour les deux parties si elles consomment la même quantité d’électricité en provenance de leur partenaire.

Les gouvernements québécois et ontarien insisteront sur cet aspect de l’entente lors de leur annonce. Ils se satisferont de sécuriser l’approvisionnement en électricité lorsque la demande est très élevée. Il est également moins coûteux d’avoir à sa disposition un tel bloc de puissance en vertu d’une entente que d’être contraint de l’acheter sur les marchés de court terme.

Cette nouvelle entente est d’une durée de sept ans, avec la possibilité de la prolonger pour trois années supplémentaires.

Un contrat « historique »

En décembre 2016, le premier ministre Philippe Couillard qualifiait d’« historique » la conclusion d’une entente avec son homologue ontarienne Kathleen Wynne sur la vente d’hydroélectricité. C’était un contrat d’exportation de 14 térawattheures (TWh) en sept ans, du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2023. Hydro-Québec a engrangé environ 1 milliard de dollars.

En vertu de ce contrat, le Québec a exporté 2 TWh d’hydroélectricité par année à l’Ontario, une quantité permettant d’approvisionner une ville de 200 000 habitants comme Kitchener. Mais en plus de cet achat ferme d’électricité, la province voisine s’est approvisionnée auprès d’Hydro-Québec – et continuera de le faire – sur les marchés de court terme, environ 5 TWh par an.

Les exportations totales d’Hydro-Québec ont atteint 35,6 TWh en 2022. En plus de l’Ontario, ses clients sont la Nouvelle-Angleterre, l’État de New York et le Nouveau-Brunswick.

L’entente de 2016 prévoyait également l’échange d’un bloc d’énergie – 500 MW – entre les deux provinces pour leurs périodes de pointe de consommation respectives. C’est le seul aspect de l’entente qui est repris dans le nouvel accord.

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

Philippe Couillard

C’est une entente historique, la première du genre. Le Québec a de l’énergie disponible pour ses voisins.

Philippe Couillard, le 15 décembre 2016

Cette année-là, alors qu’il était dans l’opposition, mais aussi lors de son arrivée au pouvoir en 2018, François Legault avait lui aussi l’ambition de vendre encore plus d’électricité à l’Ontario. « J’ai toujours l’intention de discuter de la possibilité que le Québec puisse servir une bonne partie des besoins de l’Ontario », disait-il en novembre 2018, tout en ajoutant que ce serait mieux, à ses yeux, pour la province voisine de s’approvisionner au Québec que de construire et de rénover ses centrales nucléaires.

Les choses ont changé depuis. Le contexte a évolué rapidement : l’ère des surplus énergétiques tire à sa fin, le Québec manque d’électricité pour l’avenir. Le gouvernement a besoin d’au moins 100 TWh additionnels d’énergie pour atteindre la carboneutralité d’ici 2050. C’est 50 % de la production actuelle d’Hydro-Québec.

Dans ce contexte, l’énergie qui ne sera plus vendue à l’Ontario sera facilement utilisée ailleurs. Il ne manque pas d’entreprises ayant des demandes d’alimentation pour des projets.

Projet d’alliance

De son côté, l’Ontario estime que la demande d’électricité pourrait plus que doubler d’ici 2050. Pour combler ses besoins, la province a annoncé cet été un plan prévoyant la construction de nouvelles centrales nucléaires, l’ajout de petits réacteurs nucléaires modulaires dans certaines centrales, l’optimisation d’un ouvrage hydroélectrique pour augmenter sa production et le stockage d’énergie par pompage. Elle mise aussi sur le développement des énergies éolienne et solaire. Le gaz naturel demeure une source importante de son réseau électrique.

Au début de son règne, François Legault a évoqué l’idée de proposer à l’Ontario une alliance énergétique, de créer avec elle une nouvelle société d’État pour construire de nouveaux ouvrages hydroélectriques. Il n’y a jamais eu de suite. Son homologue Doug Ford a plutôt choisi de développer la filière nucléaire.

François Legault veut toujours construire de nouvelles centrales hydroélectriques. Hydro-Québec envisage un projet sur la rivière du Petit Mécatina (Côte-Nord). Québec veut accélérer le développement de l’énergie éolienne. Hydro-Québec évalue également la possibilité de rouvrir la centrale nucléaire Gentilly-2, dont le réacteur a été mis à l’arrêt en 2012 sous le gouvernement Marois.

Une autre entente avec une province voisine retiendra l’attention au cours des prochains mois et des prochaines années. Québec et Terre-Neuve-et-Labrador renégocient le contrat d’achat d’électricité de Churchill Falls, un contrat extrêmement profitable pour Hydro-Québec qui obtient beaucoup d’énergie à un prix dérisoire. Les discussions seront difficiles. La province voisine s’est toujours sentie flouée et a tenté en vain de casser l’entente dans le passé. Conclue en 1969, cette entente arrive à échéance en 2041. François Legault souhaite aussi développer un projet de barrage hydroélectrique au Labrador – le projet Gull Island, un ouvrage de 2250 MW. Le sujet fait partie des négociations.

François Legault a entamé les pourparlers avec son homologue Andrew Furey à l’occasion d’une visite officielle de deux jours à St. John’s en février dernier.