(Québec) Le premier ministre de Terre-Neuve-et-Labrador, Andrew Furey, se dit ouvert à négocier l’approvisionnement d’électricité avec le Québec, pourvu qu’on lui « montre l’argent ».

« Show us the money ! » a lancé M. Furey en mêlée de presse lundi, à son arrivée à la 44e Conférence des gouverneurs de la Nouvelle-Angleterre et des premiers ministres de l’est du Canada qui se tenait au Château Frontenac, à Québec.

En février dernier, lors d’une visite officielle à Saint-Jean, le premier ministre du Québec, François Legault, avait dit comprendre « la frustration et la colère » des Terre-Neuviens concernant le contrat d’approvisionnement en électricité de Churchill Falls.

Le contrat sur ce barrage situé au Labrador aurait rapporté plus de 28 milliards au Québec depuis sa signature en 1969, comparativement à seulement 2 milliards à Terre-Neuve-et-Labrador, selon une étude terre-neuvienne publiée en 2019.

M. Legault avait évoqué l’idée d’offrir une indemnisation financière à la province voisine avant la fin de l’entente en 2041, afin de l’inciter à la renouveler.

Lundi, au moment d’accueillir ses homologues au Château Frontenac, M. Legault a laissé entendre qu’une entente avec Terre-Neuve-et-Labrador était névralgique pour le Québec.

« Évidemment, il va falloir, pour atteindre nos objectifs de carboneutralité, construire plus d’énergie renouvelable. Donc, je compte beaucoup sur Andrew Furey pour “upgrader” Churchill Falls, puis pour Gull Island, on a d’excellentes discussions et on est très optimiste de pouvoir avancer là-dessus », a-t-il déclaré.

À l’heure où les surplus d’électricité d’Hydro-Québec fondent à vue d’œil, M. Legault souhaite travailler avec M. Furey pour rehausser la capacité de Churchill Falls et pour lancer le projet de Gull Island au Labrador, dont la réalisation permettrait de produire environ 2400 mégawatts.

Pour sa part, M. Furey a invité M. Legault, lundi, à proposer une « bonne affaire » (« a good deal ») s’il veut que les négociations progressent. Il a rappelé à quel point le contrat de Churchill Falls avait été « pénalisant » pour ses concitoyens.

Hydro-Québec paie un tarif fixe pour l’électricité produite par Churchill Falls, soit 0,2 cent du kilowattheure, mais la revend en moyenne à 8,2 cents du kilowattheure, a-t-il tenu à rappeler lors de la conférence de presse de clôture, lundi après-midi.

« Nous ne tomberons pas dans les pièges du passé », a-t-il insisté, intimant pendant la conférence de presse le premier ministre du Québec à ne pas négocier sur la place publique, ce qui a paru agacer M. Legault.

« Nous attendons impatiemment de voir ce que M. Legault et son équipe ont à proposer », avait plus tôt déclaré M. Furey en mêlée de presse avec les journalistes.

Selon lui, les excuses formulées par M. Legault à Saint-Jean en février dernier ne suffisent pas ; tout au plus ont-elles « mis la table » pour les discussions à venir, a-t-il dit.

Le 24 février, M. Legault a prononcé un acte de contrition adressé aux Terre-Neuviens, ce qui n’avait jamais été fait par un premier ministre du Québec auparavant.

Il a reconnu que le contrat de Churchill Falls était devenu « vraiment un mauvais contrat » pour les Terre-Neuviens « avec le temps ».

« Dans la négociation actuellement, d’un côté, nous, ce qu’on veut, c’est plus de capacité qui vient du rehaussement éventuel de Churchill Falls et de la construction de Gull Island. De leur côté, ce que veulent Andrew et les gens de Terre-Neuve-et-Labrador, c’est qu’on augmente le prix qu’on paie entre maintenant jusqu’en 2041 pour l’électricité qu’on achète de Churchill Falls », a résumé M. Legault, lundi.

« Il faut que ce soit gagnant-gagnant », a-t-il dit. M. Furey s’est permis d’ajouter : « Le premier ministre [Legault] est allé un peu plus loin que je ne l’aurais fait. Je ne pense pas que ce soit sain de négocier en public. Je ne crois pas que cela sert nos intérêts. »

La question du virage vers une économie verte était au cœur des discussions à la 44e Conférence des gouverneurs de la Nouvelle-Angleterre et des premiers ministres de l’est du Canada, où étaient représentés le Connecticut, le Maine, le Massachusetts, le New Hampshire, le Rhode Island, le Vermont, le Québec, le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse, Terre-Neuve-et-Labrador, de même que l’Île-du-Prince-Édouard.

Ces états et provinces se joindront-ils à la Bourse du carbone ? a demandé lundi une journaliste. « Tout le monde va regarder cette possibilité-là de se joindre à la Bourse du carbone qui est entre le Québec et la Californie, mais évidemment, […] il peut y avoir des coûts importants pour certains états à court terme, donc je pense que tout le monde est en train de regarder concrètement ce que ça donnerait », a indiqué M. Legault.