(Calgary) La Commission de la Régie de l’énergie du Canada (REC) a approuvé la demande de Trans Mountain visant à modifier le tracé du pipeline, une décision qui pourrait éviter au projet d’oléoduc appartenant au gouvernement un retard supplémentaire de neuf mois.

L’organisme de réglementation a rendu sa décision lundi, une semaine seulement après avoir entendu en personne les arguments de Trans Mountain et d’une Première Nation de la Colombie-Britannique qui s’oppose à la modification du tracé.

Il n’a pas communiqué les motifs de sa décision, lundi, précisant qu’ils seraient rendus publics dans les prochaines semaines.

En donnant raison à Trans Mountain, la Régie de l’énergie du Canada permet à la société pipelinière de modifier légèrement le tracé d’un tronçon de 1,3 kilomètre dans la région du lac Jacko, près de Kamloops, en Colombie-Britannique, ainsi que la méthode de construction de ce tronçon.

Trans Mountain a déclaré avoir rencontré des difficultés techniques dans la région liées à la construction d’un tunnel, et a averti que le fait de s’en tenir au tracé initial pourrait entraîner un retard de neuf mois dans l’achèvement de l’oléoduc, ainsi qu’un surcoût de 86 millions pour le projet.

Trans Mountain espérait que le pipeline serait achevé au début de 2024.

Mais la demande de Trans Mountain s’est heurtée à l’opposition de la nation Stk’emlúpsemc te Secwépemc, dont le territoire traditionnel est traversé par l’oléoduc, qui n’avait donné son accord qu’au tracé initial.

Dans son dossier réglementaire, la Première Nation a fait valoir que la zone avait « une profonde signification spirituelle et culturelle » pour son peuple et qu’elle n’avait consenti à la construction de l’oléoduc qu’à condition que Trans Mountain réduise au minimum les perturbations en surface en mettant en œuvre des méthodes de construction spécifiques sans tranchée.

Les Stk’emlúpsemc te Secwépemc ont soutenu que Trans Mountain n’a jamais dit que la méthode de construction proposée à l’origine était impossible, mais seulement qu’elle ne pouvait pas être appliquée à temps pour respecter la date de mise en service du pipeline, fixée au 1er janvier.

La Première Nation n’a pas répondu à une demande de commentaire avant l’heure de publication.

Des coûts qui explosent

L’oléoduc Trans Mountain est le seul système de pipelines au Canada qui transporte du pétrole de l’Alberta vers la côte ouest. Son extension, actuellement en cours, portera sa capacité à 890 000 barils par jour (bpj), contre 300 000 bpj actuellement.

Le pipeline — qui a été acheté par le gouvernement fédéral pour 4,5 milliards en 2018 après que l’ancien propriétaire, Kinder Morgan Canada, a menacé d’abandonner le projet d’expansion face à l’opposition des écologistes et aux obstacles réglementaires — a déjà été confronté à des défis et à des retards liés à la construction.

Son coût prévisionnel a depuis grimpé en flèche : d’abord à 12,6 milliards, puis à 21,4 milliards et, plus récemment, à 30,9 milliards (estimation la plus récente du coût d’investissement, en date du mois de mars de cette année).

Keith Stewart, de Greenpeace Canada, a souligné qu’il était alarmant de voir l’autorité de régulation passer outre les souhaits des populations autochtones afin d’achever un pipeline dans les délais impartis.

« Tous les Canadiens devraient être scandalisés par le fait que notre organisme public de réglementation autorise un pipeline appartenant à l’État à rompre la promesse faite aux populations autochtones de protéger les terres d’importance spirituelle et culturelle », a affirmé M. Stewart.

Le gouvernement fédéral a déjà approuvé un total de 13 milliards de garanties de prêt pour aider Trans Mountain à obtenir le financement nécessaire pour couvrir les dépassements de coûts.

Trans Mountain a attribué ses problèmes budgétaires à divers facteurs, dont l’inflation, la COVID-19, les difficultés liées à la main-d’œuvre et à la chaîne d’approvisionnement, les inondations en Colombie-Britannique et les découvertes archéologiques majeures inattendues le long de l’itinéraire.

Une décision rapide

Étant donné que le système réglementaire canadien a la réputation d’être lent et lourd, il était surprenant de voir la Régie de l’énergie du Canada statuer si rapidement sur la demande de déviation de l’itinéraire de Trans Mountain, a indiqué Richard Masson, chargé de cours à l’école de politique publique de l’Université de Calgary.

« Il s’agit d’une décision difficile à prendre lorsqu’un pipeline de 30 milliards doit être achevé », a précisé M. Masson.

« S’il n’y a pas de moyen réalisable de construire ce tunnel, je suppose qu’il faut en tenir compte. »

M. Masson a ajouté que si l’autorité de régulation avait rejeté la demande de Trans Mountain, cela aurait été une mauvaise nouvelle pour les contribuables ainsi que pour le gouvernement fédéral, qui cherche à se défaire du pipeline et a déjà entamé des négociations avec plusieurs acheteurs autochtones intéressés.

Cela aurait également été une mauvaise nouvelle pour les compagnies pétrolières canadiennes, qui attendent avec impatience la date de mise en service de l’oléoduc pour commencer à expédier des barils à leurs clients.

« Si l’oléoduc peut être achevé d’ici à la fin de l’année et mis en service au premier trimestre, c’est une bonne nouvelle. Le monde est toujours à la recherche de pétrole, et les prix du pétrole sont en hausse à 90 $ le baril », a conclu M. Masson.