Une « lente marginalisation » et une performance digne d’un établissement de « seconde zone » : c’est ce qui attend le Palais des congrès de Montréal faute d’un agrandissement, prévient sa présidente-directrice générale Emmanuelle Legault. En attendant Québec, l’endroit refuse par dizaines les demandes pour tenir des évènements parce qu’il est trop à l’étroit.

En informant le gouvernement Legault des retombées économiques potentielles d’un élargissement de l’empreinte du Palais des congrès, sa dirigeante sert également une mise en garde à l’égard des perspectives si rien ne change.

« Le statu quo condamne le Palais à une lente marginalisation accompagnée d’une diminution marquée des retombées économiques générées, des emplois créés et des recettes fiscales pour les gouvernements », écrit Mme Legault.

Ce courriel émane d’une réponse à une demande effectuée en vertu de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels. Celle-ci provient du député et porte-parole péquiste en matière de tourisme, Pascal Bérubé, responsable du Palais des congrès lorsqu’il était ministre dans le gouvernement Marois.

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Le Palais des congrès

L’agrandissement de l’endroit ne semble pas susciter l’enthousiasme au sein du gouvernement Legault. Devant la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM), en décembre 2022, le ministre des Finances, Eric Girard, avait publiquement insinué qu’un agrandissement n’était pas nécessaire. Québec a pourtant déjà dépensé plus de 20 millions pour exproprier les terrains nécessaires, à l’est de la rue Saint-Urbain.

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Mme Legault ne lâche pas le morceau pour autant. Dans son plaidoyer envoyé à la sous-ministre au ministère du Tourisme, Audrey Murray, et à deux autres personnes dont les noms sont caviardés, la gestionnaire fournit des prévisions sur les « évènements additionnels », les congrès supplémentaires et les retombées fiscales dans l’éventualité d’un agrandissement. Ces données ont également été caviardées. Québec a néanmoins une idée des bénéfices potentiels d’une expansion.

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Emmanuelle Legault, présidente-directrice générale du Palais des congrès de Montréal

En conclusion : la demande future pour les évènements d’affaires est là. Le Palais, dans les conditions actuelles, ne pourra en tirer parti adéquatement.

Emmanuelle Legault, PDG du Palais des congrès de Montréal, dans son plaidoyer

Ce scénario, s’il se concrétise, aura des conséquences, prévient-elle. Sur deux décennies, les indicateurs « financiers et économiques » du Palais des congrès correspondront à ceux d’un centre de « seconde zone ». Ce que cela signifie ? Une perte d’attrait de la métropole pour les rendez-vous internationaux, affirme la CCMM.

« Progressivement, les plus grands congrès ne viendront pas ici », lance en entrevue son président et chef de la direction, Michel Leblanc, qui qualifie le dossier de « frustrant ». « Être un endroit de seconde zone, cela veut dire que ce n’est pas à Montréal que cela va se passer. »

Les documents diffusés par le Palais des congrès témoignent par ailleurs d’une proximité apparente avec le cabinet de la ministre du Tourisme, Caroline Proulx. À quelques reprises, on constate que des membres de son cabinet figurent dans des courriels internes à propos des réponses médiatiques à envoyer au nom de Mme Legault.

Reprise en marche

La pandémie de COVID-19 avait porté un dur coup aux activités du Palais des congrès en raison des restrictions sanitaires, qui empêchaient la tenue de rassemblements. On semble cependant avoir tourné la page sur cet épisode. La preuve : entre les mois de janvier et de juillet, le complexe a dû refuser 52 congrès et évènements par « manque des disponibilités ou d’espace », est-il précisé dans les documents transmis.

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Une entrée du Palais des congrès

Puisque de nombreuses informations sont caviardées, il n’a pas été possible d’obtenir des détails sur l’ampleur des évènements prévus. Les refus s’échelonnent jusqu’en 2026.

« C’est pas mal plein pour les deux prochaines années », affirme sans détour le président-directeur général de Tourisme Montréal, Yves Lalumière.

On travaille sur le moyen terme. À court terme, je ne peux rien faire. Pour environ 40 % des occasions potentielles, il faut dire non. La maison est ouverte, mais dans trois ou quatre ans.

Yves Lalumière, PDG de Tourisme Montréal

Pour illustrer les limites du Palais des congrès, ce dernier rappelle le rassemblement de l’American College of Physicians que la métropole n’a pu accueillir en 2020 parce que « notre maison était trop petite ». Pendant ce temps, des complexes rivaux situés ailleurs au pays – comme Vancouver et Calgary – ont pu prendre de l’expansion ou sont en train d’accroître leur empreinte.

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Si Québec ne semble pas juger l’agrandissement du Palais des congrès nécessaire, il a tout de même déjà dépensé plus de 20 millions pour exproprier les terrains nécessaires, à l’est de la rue Saint-Urbain.

Il n’a pas été possible de s’entretenir avec Mme Legault, qui a évoqué un déplacement à Québec, lundi. Par courriel, celle-ci a dit ne pas pouvoir « en dire davantage » en ce qui a trait au dossier de l’agrandissement. Elle a toutefois indiqué que les turbulences pandémiques étaient chose du passé.

« Le Palais des congrès de Montréal a d’ailleurs connu un record historique dans son année financière 2022-2023 au niveau des retombées économiques des évènements d’affaires accueillis, chiffrées à 426 millions pour la métropole et le Québec », a écrit Mme Legault.

Au cours de cet exercice, l’endroit a été le théâtre de 280 évènements, une augmentation d’environ 16 % par rapport à l’année précédente.

Encore à l’analyse

Le constat de la présidente du Palais des congrès est bien différent du portrait brossé par la ministre du Tourisme, Caroline Proulx – responsable du Palais des congrès de Montréal –, lorsqu’elle répondait à une question de M. Bérubé lors de l’étude des crédits budgétaires, le 26 avril dernier.

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Le Palais des congrès

Interrogée à savoir si le gouvernement allait mettre de l’avant le projet d’agrandissement avant la fin de son actuel mandat, Mme Proulx avait répondu que l’analyse se poursuivait puisque le tourisme d’affaires avait effectué un « 180 degrés » avec la pandémie.

« Nous sommes passés de 100 % en présentiel à 100 % en virtuel, avait-elle dit. Ce que l’on s’affaire à effectuer présentement, c’est une analyse dans le monde entier pour savoir si le modèle reviendra comme avant ou s’il se modifiera. »

En entrevue téléphonique avec La Presse, M. Bérubé estime que les récents refus enregistrés par le Palais des congrès faute de disponibilité et d’espace témoignent de la nécessité de confirmer l’expansion du complexe. À son avis, c’est une « façon d’aller chercher de l’argent extérieur » pour « l’hôtellerie et le secteur de la restauration » tout en maintenant la compétitivité internationale de la métropole.

Le cabinet de Mme Proulx n’a pas rendu la ministre disponible pour commenter le plaidoyer effectué par Mme Legault en juillet dernier. Dans une déclaration envoyée par courriel, il a reconnu l’année financière « exceptionnelle 2022-2023 » du Palais des congrès, en ajoutant qu’il était toujours « trop tôt » pour parler d’agrandissement.

Avec la collaboration d’André Dubuc, La Presse

Le Palais des congrès de Montréal en bref

Présidente-directrice générale : Emmanuelle Legault

Inauguration : 27 mai 1983

Superficie en location : 508 756 pieds carrés (47 265 mètres carrés)

Nombre d’étages : 7

Salles et espaces  : 113

Visiteurs annuels : Plus de 1 million de personnes

Source : Palais des congrès de Montréal

En savoir plus
  • 2002
    Année ayant marqué la fin d’une phase antérieure d’agrandissement
    Source : Palais des congrès de Montréal
    339
    Nombre d’évènements accueillis par le Palais des congrès dans l’année ayant précédé la crise sanitaire
    Source : Palais des congrès de Montréal