L’annonce de sa mort mardi, en pleine saison des vendanges, a créé une onde de choc aussi bien dans le milieu des affaires que dans le monde viticole qu’il avait adopté dans les années 1990 avec passion, détermination et même une certaine obstination, car il tenait à faire des vins aux styles classiques en terroir nordique.

Plus que tout, on lui reconnaissait sa gentillesse et sa générosité. Il avait 78 ans.

Léon Courville a d’abord connu une fructueuse carrière dans le milieu des affaires. Il s’est joint à la Banque Nationale en 1984 comme vice-président et chef économiste pour poursuivre son ascension jusqu’à la présidence. Il a siégé à plusieurs conseils d’administration et a également été de nombreuses années professeur à HEC Montréal, établissement où il avait lui-même étudié.

Il était d’ailleurs professeur lorsqu’il a acheté une propriété de Lac-Brome, en 1981, sans au départ avoir l’idée de créer un vignoble, bien qu’il fût un sérieux amateur de vin.

Les premières vignes ont été plantées en 1999 et le premier millésime était prêt quelques années plus tard, en 2003.

Le Domaine Les Brome est situé dans un endroit magnifique, avec vue sur le lac. Dès la création de cette entreprise, Léon Courville a travaillé la terre, puis les vignes. Il faisait équipe avec sa conjointe Anne-Marie Lemire, qui siégeait jusqu’à récemment au conseil d’administration du Conseil des vins du Québec.

PHOTO ANDRE PICHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

«Il cherchait continuellement à mettre en valeur les cépages que nous cultivons, nous a précisé Anne-Marie, par courriel mercredi.
Il voulait que nous soyons reconnus pour nos vins autant que pour le site exceptionnel.» Ici, le couple de vigneron en 2017, au Domaine.

Le Domaine Les Brome produit une vingtaine de vins. Cette belle variété est en partie l’apanage du vigneron qui voulait constamment essayer de nouvelles choses. Il aimait se lancer dans de nouveaux projets, des défis.

« Je suis un gars de projets. D’ailleurs, je ne peux pas mourir avant l’an 3000 parce que j’ai des projets jusque-là. À peu près », avait-il confié en entrevue à La Presse, il y a quelques années. La maladie en aura décidé autrement.

Le vignoble compte aujourd’hui 100 000 plants de vigne répartis sur 40 acres. Une dizaine de ses cuvées sont offertes à la SAQ.

Le vigneron Sébastien Daoust le connaissait bien. Son père, l’ancien ministre Jacques Daoust, disparu en 2017, a travaillé avec Léon Courville à la Banque Nationale.

« Quand on a acheté la terre au vignoble, on est allés le voir, se rappelle Sébastien. Il nous avait accueillis, on s’était assis, et mon père lui avait demandé : “Si c’était à recommencer, que ferais-tu de différent ?” Il nous avait dit qu’il aurait planté plus de pinot noir. Et dans la tête de mon père, c’était presque inconcevable d’en planter. Alors ça n’a pas pris trois jours que nous commandions des ceps de pinot noir ! » Aujourd’hui encore, le vignoble de Daoust, Les Bacchantes, a une cuvée de pinot !

« Pour un ancien président de banque, c’était un homme très attaché à la terre », dit Charles-Henri de Coussergues, du vignoble de l’Orpailleur, qui le connaissait bien et le respectait beaucoup. Sans avoir de préjugés, de Coussergues se rappelle qu’il avait été fort surpris de voir Léon Courville, cet intellectuel, sortir du bois avec une tronçonneuse lors de l’une de leurs premières rencontres. Le banquier était un réel agriculteur. « Il connaissait tout sur ses vignes », poursuit Charles-Henri de Coussergues, qui avait toujours plusieurs questions lorsqu’il visitait son collègue. Léon Courville avait toutes les réponses.

Léon Courville laisse dans le deuil sa conjointe et partenaire d’affaires au vignoble, Anne-Marie Lemire, ses enfants, sa famille, sa clientèle qui aimait ses vins, mais aussi une génération de vignerons qui l’ont suivi avec des styles différents, mais sur un chemin qui avait été défriché par les pionniers de la vigne du Québec auxquels Courville s’était joint.

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Les détails sur les derniers adieux qui lui seront rendus seront connus dans les prochains jours, mais ses admirateurs et amis n’ont pas tardé à partager leur peine et leurs souvenirs sur les réseaux sociaux.

François Legault est de ceux qui ont offert leurs condoléances. « Léon Courville, un homme brillant et créatif. Mes sympathies à tous ses proches », a témoigné le premier ministre du Québec.