Tous les vendredis, une personne du monde des affaires se dévoile dans notre section. Cette semaine, le stratège et prévisionniste François Trahan répond à nos questions, lui qui était de passage à Montréal cette semaine pour rencontrer des clients et participer à une conférence au centre-ville.

Quelle est votre routine quotidienne ?

Je suis très matinal. Je me lève vers 4 h 30. Et je commence généralement ma journée de bureau vers 5 h 30. Je fais 90 % des choses que je dois faire dans une journée avant 8 h 30. Après cette heure-là, je commence les appels avec les clients, l’équipe, etc. C’est très rare que je termine ma journée après 17 h, sauf si j’ai un appel avec l’Asie ou quelque chose du genre.

Quelle est votre meilleure habitude ?

J’ai cessé de manger du sucre et ç’a changé ma vie. J’ai été très malade en 2020. J’ai eu la COVID-19 longue avant même qu’on sache ce qu’était la COVID-19 longue. J’ai filé croche pendant sept mois, dont deux mois très difficiles. Ç’a changé plusieurs de mes habitudes. Je suis devenu obsédé par la santé. Auparavant, j’étais devant les distributrices pour acheter une tablette de chocolat chaque jour en après-midi. J’ai aujourd’hui plus d’énergie que j’en avais il y a 30 ans. Je me sens comme si j’avais 14 ans.

Avez-vous un plaisir coupable ?

Les boissons énergétiques non sucrées. C’est une version différente du café. C’est un stimulant. C’est un peu ma substitution aux tablettes de chocolat.

Qui admirez-vous dans le monde des affaires ?

J’ai toujours eu beaucoup d’admiration pour Jeremy Grantham, de la firme d’investissement GMO, de Boston, et pour Ray Dalio, de Bridgewater [un fonds spéculatif américain]. Je ne suis pas toujours d’accord avec eux. Mais ils me font réfléchir et, au bout du compte c’est ce que j’essaie de faire avec mes clients, les faire réfléchir.

De quelle application ne pourriez-vous plus vous passer sur votre téléphone ?

J’aime beaucoup DuoLingo [une application pour apprendre des langues]. Mes enfants l’utilisent aussi. Si cette application avait existé quand j’étais jeune, je suis persuadé que je parlerais sept ou huit langues. Depuis six mois, je suis obsédé par Worldle, un jeu qui consiste à deviner un pays en six tentatives à partir d’une image. [À ne pas confondre avec Wordle, un jeu qui consiste à deviner un mot de cinq lettres en six tentatives.]

Quels sont vos loisirs ?

Je vais au gym cinq jours par semaine. J’ai cinq enfants. Je commence souvent mon « shift Uber » à 17 h avec une fille qui va au théâtre, une qui joue au soccer, et une autre qui a un cours de danse. Ça me laisse peu de temps, mais ce qu’on fait beaucoup en famille, c’est de la randonnée pédestre.

Quelles ont été vos meilleures prédictions ?

Celle que les gens connaissent le mieux est celle de la crise financière parce qu’en 2007 j’avais rédigé un document sur les bulles spéculatives immobilières. J’ai publié un livre en 2010 qui parlait d’un changement de régime économique que j’appelais « The era of uncertainty ». J’y soulignais que les titres de croissance allaient dominer les marchés pour différentes raisons. Ç’a pris du temps avant que ça devienne dominant, mais c’est exactement ce qui est arrivé. J’ai aussi publié en 2014 une analyse où je parlais de la fin du modèle chinois. Les choses écrites dans ce document se sont presque toutes produites. Je parlais notamment du prix du baril de brut qui valait près de 100 $ US. J’avais prévu qu’il reculerait à 20 $ US et neuf mois plus tard, il reculait à 24 $ US. Je pourrais aussi souligner le moment où je suis devenu bullish (optimiste envers les marchés) en mars 2009 et quand j’ai pris une décision similaire au printemps 2020.

Et votre pire prédiction ?

La majorité des clients achètent notre recherche surtout pour savoir comment positionner leur portefeuille. Disons que j’ai appris beaucoup de choses en 2017. Ce ne fut pas ma meilleure année. Je me donne un bulletin à la fin de chaque année depuis 20 ans et en 2017, je me suis donné un « D ». J’ai complètement raté le leadership du marché en 2017 alors que c’est généralement dans le positionnement des secteurs et des facteurs de marchés que j’obtiens les meilleurs résultats dans ma recherche. Cette année-là, les titres de croissance et de consommation discrétionnaire ont bien fait, mais certains facteurs cycliques avaient aussi fonctionné, ce qu’on voit rarement ensemble.

La retraite idéale ?

J’ai un peu le sentiment d’y être et de la vivre en ce moment à 54 ans parce que je me suis entouré d’anciens collègues que j’apprécie beaucoup. C’est la partie de ma carrière la plus satisfaisante. Je fais ce que j’aime faire, c’est-à-dire de la recherche. C’est très gratifiant d’être capable d’éduquer les gens sur la macroéconomie. C’est davantage une préretraite, mais je ne retournerais pas travailler pour une banque à New York.

Quel mot ou expression ne pouvez-vous plus supporter ?

Atterrissage en douceur [soft-landing].

Qui est François Trahan ?

Aujourd’hui résidant de Richmond, en Virginie, François Trahan possède plus de 25 ans d’expérience en finance et a été intronisé au Temple de la renommée des investisseurs institutionnels à titre de stratège en 2016.

Âgé de 54 ans et à la tête de sa propre société – Trahan Macro Research –, il conseille une clientèle essentiellement composée d’investisseurs institutionnels.

Diplômé en économie de l’Université de Montréal, il a une approche fondée sur une compréhension des forces macroéconomiques des cycles économiques et de la manière dont les taux d’intérêt et la politique monétaire de la Réserve fédérale américaine contribuent à façonner les tendances.

Au cours de sa carrière, il a travaillé pour plusieurs grandes banques d’affaires. Après avoir commencé chez BCA Research, à Montréal, il a par la suite notamment travaillé chez Bear Stearns où il avait annoncé, en 2007, la fin de la bulle spéculative en immobilier.