Les boulets de l’ex-division ferroviaire de Bombardier continuent d’affliger Alstom, qui dépensera beaucoup plus que prévu cette année – un imprévu qui fait dérailler son action en Bourse. Cela a d’importantes répercussions pour le placement multimilliardaire de la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) dans le géant français, qui a plongé d’environ 70 % depuis 2021.

Malgré les appels au calme lancés par le constructeur de matériel roulant, celui-ci a été sévèrement puni par les investisseurs, jeudi. À la Bourse de Paris, son action a dégringolé de 37,6 %, ou 8,06 euros, pour clôturer à 13,40 euros.

La mauvaise nouvelle à l’origine de cette débâcle ? Alstom s’attend à avoir puisé 1,5 milliard d’euros (2,1 milliards CAN) dans ses réserves pour les six premiers mois de son exercice financier. Pour l’année complète, le trou devrait être de l’ordre de 750 millions d’euros (1 milliard CAN). Ce changement contraste significativement avec la prévision d’un excédent « significativement positif » préalablement anticipé.

Alstom attribue la situation à trois éléments : des stocks plus élevés pour appuyer une augmentation de la production, des paiements qui n’ont pas encore été reçus ainsi qu’un contrat problématique qui appartenait à Bombardier Transport. Il s’agit du programme « Aventra » concernant la livraison de 443 trains à cinq clients différents au Royaume-Uni.

« C’est un contrat dont on a hérité, que nous avons amélioré significativement, mais qui se trouve toujours dans une situation difficile », a commenté le chef de la direction financière d’Alstom, Bernard Delpit, en conférence téléphonique avec les analystes financiers, mercredi, après la fermeture des marchés.

Sans entrer dans les détails sur le coup de barre à donner dans ce dossier, M. Delpit a prévenu que le contrat continuera à avoir une incidence sur la performance du géant français jusqu’au début du prochain exercice financier, qui débutera le 1er avril prochain.

Répercussions québécoises

Le plongeon boursier survenu jeudi enfonce davantage l’investissement du bas de laine des Québécois dans Alstom. Il s’est effondré de 69 %, ou 2,8 milliards CAN depuis le 29 janvier 2021, lorsque l’entreprise française a officiellement mis la main sur Bombardier Transport. La CDPQ, qui détenait environ le tiers de Bombardier Transport, avait converti sa participation dans Alstom en plus d’acheter des actions de la multinationale à un prix de 40,67 euros. L’investissement était alors estimé à 4,1 milliards CAN.

Jeudi, le bloc d’actions détenu par le gestionnaire québécois de régime de retraite ne valait que 1,26 milliard. Plus de deux ans et demi après le pari de la Caisse dans le numéro deux mondial du matériel roulant, le rendement est loin d’être au rendez-vous pour l’institution.

« Nous suivrons de près la progression des travaux de l’entreprise visant à redresser la situation au cours des prochains mois, affirme la porte-parole de la CDPQ, Kate Monfette. Nous maintenons néanmoins une forte conviction quant à notre investissement à Alstom à long terme et plus largement dans le secteur de la mobilité durable. »

Avec sa participation de 17,2 %, la Caisse est le plus important actionnaire de la multinationale.

Beaucoup de questions

En dépit des mauvaises nouvelles entourant ses flux de trésorerie, Alstom a réitéré ses prévisions en ce qui a trait à la croissance de son chiffre d’affaires pour l’année financière en cours ainsi que ses marges d’exploitation.

Cela n’a pas été suffisant pour rassurer les analystes financiers. Selon la firme américaine Stifel, l’avertissement d’Alstom va « immédiatement déclencher des interrogations » à l’endroit de sa santé financière.

« Nous avons du mal à comprendre comment les stocks peuvent augmenter aussi massivement dans un contexte d’amélioration des chaînes d’approvisionnement », fait valoir Stifel, en soulevant la possibilité qu’il y ait des « problèmes plus importants ».

Pour sa part, Oddo BHF craint de voir des agences de notation comme Moody’s abaisser la cote de crédit d’Alstom – une décision qui ferait notamment grimper les coûts d’emprunt du constructeur de matériel roulant.

Avec l’Agence France-Presse

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    Nombre d’administrateurs nommés par la CDPQ au conseil d’administration d’Alstom
    source : caisse de dépôt et placement du québec