(New York) Caroline Ellison, l’ancienne petite amie de Sam Bankman-Fried, a décrit mardi l’ex-idole des cryptomonnaies comme capable de puiser, sans états d’âme, dans les fonds de clients pour alimenter ses projets risqués.

« Il était le patron d’Alameda et le propriétaire d’Alameda et il m’a donné des instructions pour commettre ces crimes », a déclaré Caroline Ellison lors du procès fédéral de « SBF », à New York.

Cette diplômée en mathématiques de l’université de Stanford a été nommée, par l’accusé, en 2021, responsable du fonds spéculatif Alameda Research, dont les activités ont été largement financées par l’argent de clients de la plateforme d’échanges de cryptomonnaies FTX, à leur insu.

Cofondé en 2019 par Sam Bankman-Fried, FTX a déposé le bilan en novembre 2022 après que de nombreux clients, apprenant que leurs fonds avaient été ainsi utilisés, eurent cherché à récupérer leur mise. Après la faillite, quelque huit milliards de dollars manquaient à l’appel.

PHOTO SETH WENIG, ASSOCIATED PRESS

Sam Bankman-Fried

Sam Bankman-Fried est accusé d’avoir mis en place ce système de vases communicants entre FTX et Alameda, tout en le dissimulant aux clients, aux investisseurs et aux créanciers de la plateforme.

Alameda a pompé sur les comptes de FTX quelque 14 milliards de dollars au total, a estimé à l’audience Caroline Ellison, qui a indiqué avoir été en couple avec « SBF » pendant « environ deux ans ».

« Alameda a pris des milliards de dollars pour réaliser des investissements et rembourser des dettes », a-t-elle expliqué, indiquant qu’outre les clients de FTX, des investisseurs de la plateforme et des créanciers d’Alameda avaient été trompés sur l’état des finances des deux sociétés.

« Beaucoup de ces investissements étaient hautement spéculatifs », a-t-elle précisé.

« SBF » a « mis en place le système »

L’Américaine de 28 ans a plaidé coupable de sept chefs d’accusation en décembre et a collaboré avec les services du procureur fédéral de Manhattan, Damian Williams. Elle a accepté de témoigner au procès de Sam Bankman-Fried et devrait écoper, en échange, d’une peine réduite, qui n’a pas encore été prononcée.

Interrogée par Danielle Sassoon, assistante du procureur fédéral de Manhattan, sur la nature des faits qu’elle a admis avoir commis, elle a mentionné « fraude, association de malfaiteurs en vue de commettre une fraude, et blanchiment ».

Également inculpé de sept chefs d’accusation, Sam Bankman-Fried est passible de plus de cent ans de prison en cas de condamnation.

Depuis la faillite, « SBF » a régulièrement accusé Caroline Ellison de fautes et de négligence dans la gestion d’Alameda.

Il a assuré n’avoir plus suivi les activités quotidiennes ni la situation financière d’Alameda durant les derniers mois ayant précédé la défaillance de FTX, s’en remettant à sa patronne, même s’il en était encore l’actionnaire majoritaire.

Mais durant son audition vendredi, le cofondateur de FTX, Zixiao « Gary » Wang a soutenu que Sam Bankman-Fried avait continué à suivre de près le fonctionnement d’Alameda, jusqu’au dépôt de bilan.

« C’est lui qui a mis en place le système » qui a permis de siphonner les fonds de clients de FTX, a assuré Caroline Ellison.

Et même une fois à la tête d’Alameda, « je soumettais les décisions majeures à Sam », a-t-elle raconté. « Il était la personne à qui je rapportais. Il était propriétaire d’Alameda. Il aurait pu me licencier, s’il l’avait voulu. »

Donations

Cette ancienne analyste quantitative (qui élabore des modèles mathématiques pour la finance de marché) a affirmé avoir, à de nombreuses reprises, fait part de réserves quant aux relations entre FTX et Alameda.

« Cela me préoccupait parce que c’était quelque chose dont les clients n’étaient pas informés, et ils n’auraient pas été heureux de l’apprendre », a-t-elle dit lors de son audition.

Caroline Ellison a dit s’être également inquiétée, auprès de « SBF », de prêts personnels consentis par Alameda à Sam Bankman-Fried, ainsi qu’à d’autres dirigeants ou sociétés leur étant affiliées, pour environ cinq milliards de dollars, sans susciter de réaction chez l’intéressé.

L’accusé lui a notamment vanté l’intérêt d’utiliser une partie de ces prêts pour effectuer des donations à des personnalités politiques, la jeune femme mentionnant, à l’audience, le président américain Joe Biden.

Outre les ponctions sur FTX, Sam Bankman-Fried « nous a demandé d’emprunter autant d’argent que nous le pouvions, à toutes les sources possibles et quelles que soient les conditions », a décrit l’ancienne dirigeante d’Alameda.

Malgré ces acrobaties, l’accusé définissait son approche du risque comme « neutre », selon Caroline Ellison.