Cette semaine, l’auteur américain Justin Menkes, expert en leadership pour la firme internationale DHR Global, a répondu à nos questions lors de son passage à Montréal dans le cadre de l’évènement sur le leadership à l’Espace CDPQ

Depuis que vous avez obtenu votre doctorat en psychologie industrielle et organisationnelle il y a plus de 20 ans, trouvez-vous que la définition même du leadership a changé ?

Non. La définition du leadership est de réaliser le plein potentiel de soi-même et de ses collaborateurs. Je pense que cette définition est cohérente, quelle que soit l’époque. Les meilleurs dirigeants savent tout ce qu’ils peuvent réaliser avec leurs collaborateurs et leurs équipes. Ils sont extrêmement positifs, parce qu’ils connaissent cette vérité indéniable, à savoir que chacun de nous est capable de faire des efforts extraordinaires dans le contexte approprié. Un bon leader fait simplement ressortir le meilleur des autres.

Qu’est-ce qu’un leadership moderne ? À quoi s’attend-on en 2023 d’un dirigeant, d’un haut cadre et d’un gestionnaire ?

Le leadership moderne n’a jamais été aussi complexe et exigeant. Mais la tâche consistant à motiver la main-d’œuvre du XXIe siècle n’a pas changé. Il s’agit de faire ressortir le plein potentiel de vos employés et de vous-même grâce à trois éléments : un optimisme réaliste, en se consacrant à un objectif et en recherchant de l’ordre dans le chaos. L’optimisme réaliste consiste à reconnaître les risques qui menacent la survie de votre organisation tout en ayant confiance en sa capacité à avoir un impact. Le deuxième élément, c’est le dévouement à poursuivre une noble cause et à gagner l’engagement de votre équipe envers cette cause. Le troisième, c’est de trouver de la clarté parmi les nombreuses variables affectant votre entreprise et d’en tirer les conclusions qui comptent le plus pour l’entreprise.

Quel est le summum du leadership, celui qu’on veut atteindre ?

Celui qui fait en sorte que les gens donnent le meilleur d’eux-mêmes au travail. N’importe qui est capable d’être travailleur ou paresseux. Pour les motiver correctement, il faut le grand leadership décrit ci-dessus. Par exemple, si vous pouvez expliquer de quelle façon la tâche d’un employé apporte une noble contribution à la société, vous trouverez des personnes prêtes à faire de leur mieux plus fréquemment que si elles voulaient faire simplement un travail.

Il n’y a pas de dieux dans les affaires ou dans tout autre domaine. C’est quelque chose que nous savons peut-être rationnellement, mais nous devons changer cette tendance à catégoriser les gens comme des héros ou des perdants, des dieux ou des charlatans.

Et nous devons surtout éliminer notre penchant à catégoriser et à simplifier à l’excès les grands dirigeants. Ils ne réussissent pas chaque fois, mais beaucoup plus souvent que leurs concurrents et sur une période beaucoup plus longue.

Est-ce qu’on naît avec les qualités d’un leader de haut niveau ou bien ça s’apprend, selon votre expérience et les centaines de leaders que vous avez interviewés ?

Le leadership s’apprend, absolument. Tous les grands leaders que j’ai interviewés ont cité plusieurs mentors qui ont eu une influence sur eux. Et les grands leaders ont tendance à avoir une profonde influence sur ceux qui travaillent pour eux. C’est pourquoi les grands dirigeants sont si souvent entourés d’artistes vedettes. Chaque membre de l’équipe fait ressortir le meilleur de chacun. Et à leur tour, les subordonnés directs des grands leaders apprennent par l’expérience comment devenir eux-mêmes de grands leaders.

Dans l’un de vos livres, vous parlez de l’une des plus grandes erreurs en entreprise au sujet de l’embauche et des promotions. Quelle est-elle ?

Privilégier le charisme au détriment du fond. Il faut vérifier concrètement si les grands leaders peuvent articuler ce qui doit être fait et la meilleure façon de le faire. Or, ces caractéristiques sont rarement testées dans les décisions d’embauche ou de promotion. Il est préférable de demander au futur leader de faire une simulation en direct qui imite le travail et la résolution des problèmes qu’il devra résoudre une fois en poste. Ainsi, il pourra démontrer qu’il possède les caractéristiques essentielles pour s’épanouir dans le poste en question. Je ne parle pas d’utiliser des tests de QI. Ceux-ci testent des compétences académiques, comme les mathématiques ou la géométrie. Je fais référence à l’utilisation d’une évaluation qui teste les compétences exécutives, comme la reconnaissance des réactions émotionnelles probables d’autres personnes et la reconnaissance des hypothèses sous-jacentes. Ce sont les compétences que les dirigeants doivent posséder pour être efficaces au travail.