Cette semaine, Louis-Jacques Filion, professeur émérite à HEC Montréal et auteur du livre Cirque du Soleil : complicités innovantes – Des joyeux lurons créent une multinationale du divertissement, répond à nos questions sur le leadership.

Vous racontez que les créateurs du Cirque du Soleil n’ont suivi aucune des règles habituellement enseignées. Lorsqu’on se lance en affaires, est-il préférable de suivre ces fameuses règles ?

Les règles ne sont pas toutes écrites noir sur blanc. Sur les bancs d’école, on enseigne celles de base, comme apprendre rapidement à connaître son marché, décider à qui l’on s’adresse et déterminer le prix. Mais les règles changent très vite dans tous les secteurs, et beaucoup d’entrepreneurs réussissent justement parce qu’ils ne suivent pas les règles. C’est drôle qu’un professeur vous dise ça, hein ? Pour devenir entrepreneur, il y a des règles de base, mais c’est toujours en mouvement, comme dans n’importe quoi. Les habitudes de vie des gens changent, les habitudes de loisirs et d’alimentation aussi. Il faut rester aux aguets, s’ajuster continuellement à l’évolution des marchés et être à l’écoute de ce qui se passe autour de soi.

Pour quelles raisons bon nombre d’entreprises ne survivent-elles pas à long terme ?

À cause du manque de ténacité et de solidarité. Les partenaires du Cirque du Soleil avaient une passion commune qu’ils partageaient. Il y avait une solidarité inébranlable entre eux. Dans les premières années de création d’une entreprise, on est souvent dans des secteurs émergents. On est en train de faire des choses qui n’ont jamais été faites. Il faut se faire confiance entre nous. Il faut faire attention pour maintenir un esprit de soutien à la créativité plutôt que d’avoir la critique facile. On doit éviter de dire à son partenaire qui expose ses idées : « Bien ton affaire, ça ne marchera ! » On ne veut pas entendre ça. On veut connaître les conseils des partenaires qui vont contribuer de façon créative à la réussite du projet. Il y a des gens qui créent des entreprises avec des partenaires et qui n’hésitent pas à démolir leurs idées. Cette attitude éloigne du succès.

Vous suggérez de miser sur la polycréativité. Qu’est-ce que c’est ?

C’est un concept que doivent maîtriser les créateurs d’entreprise, parce qu’aujourd’hui, en Amérique du Nord, on a plus de 75 % des entreprises qui sont créées par des équipes. Un entrepreneur comme Elon Musk, par exemple, doit tout de suite constituer une équipe s’il n’a pas de partenaire financier. Avoir une équipe, c’est majeur. Et le soutien à la polycréativité est primordial. La polycréativité, c’est de respecter et de soutenir positivement la créativité de chacun des membres de l’équipe dans le but de réussir à créer des choses qui n’existent pas encore. Ça implique un esprit très polyvalent, très créatif et très axé sur les soutiens à la créativité. Beaucoup de gens ont de la difficulté à le faire et n’ont pas la flexibilité mentale suffisante pour aller dans cette direction.

Quelles sont les principales leçons de leadership qu’il faut tirer du parcours des créateurs du Cirque ?

Diminuer son anxiété en réfléchissant beaucoup, en regardant autour de soi, en utilisant le web comme source d’information pour aller chercher toutes sortes de dimensions qui vont nous permettre de continuer à cheminer dans toutes les dimensions de nouveautés qu’on veut intégrer. La clé, c’est d’être à l’écoute autour de soi et de regarder comment ça se passe. Guy Laliberté, par exemple, a été près d’un an en France comme un itinérant à jouer de l’accordéon. Il m’a dit : « Tu apprends très vite les endroits où jouer ta musique si tu veux manger et tu apprends aussi très vite les sortes de musique qui vont te permettre de mieux manger. » Très jeune, il avait cet instinct de trouver ce qui va marcher.

Cirque du Soleil : complicités innovantes : des joyeux lurons créent une multinationale du divertissement

Cirque du Soleil : complicités innovantes : des joyeux lurons créent une multinationale du divertissement

Éditions JFD

232 pages