Dans chaque entreprise se cache au moins un employé qui se distingue tant par son efficacité que par l’appui qu’il offre à ses collègues ou l’appréciation des clients. La Presse vous a demandé d’identifier cet employé dans votre entourage. Nous vous présenterons leur histoire.

Tous les matins, des patients arrivent au 2étage de l’Institut de cardiologie de Montréal (ICM) et attendent leur opération avec un mélange d’espoir et de peur. Un stress que Rawad Rmeily a vu des milliers de fois depuis son premier patient critique en danger de mort il y a 21 ans lorsqu’il était tout jeune infirmier militaire au Liban.

M. Rmeily, 45 ans, est arrivé au Canada en 2005 avec sa femme, Charlie, elle aussi infirmière. Tous deux sont entrés à l’ICM en 2006 après des stages de mise à niveau. Après avoir œuvré aux soins intensifs, M. Rmeily est maintenant coordinateur adjoint du bloc opératoire, qui comprend sept salles d’opération, où les chirurgiens sont entourés d’une petite armée d’inhalothérapeutes, d’infirmières, de perfusionnistes et d’autres personnels.

« Depuis plus de 10 ans, chaque jour, il m’aide à coordonner les activités entourant l’organisation des interventions chirurgicales cardiaques », dit sa patronne, Julie Richard, coordonnatrice du bloc opératoire, qui a écrit à La Presse à son sujet. « Il a le sang-froid et la capacité organisationnelle d’un contrôleur aérien dans un environnement de travail où il y a beaucoup de pièces mobiles », ajoute Mme Richard. Elle estime que ses qualités innées ont aussi été accentuées par son expérience d’infirmier militaire. Elle souligne aussi que son adjoint a le don de mettre en confiance des gens qui vont se faire opérer.

Chaque matin, il est à mes côtés pour accueillir les patients avec sourire, empathie et calme pour diminuer leur stress.

Julie Richard, coordonnatrice du bloc opératoire

Né près de Zahlé, une ville à majorité chrétienne, M. Rmeily se souvient de l’évènement qui a mis fin à son enfance : « J’avais 12 ou 13 ans, mon frère et moi étions dans un camp scout. Il y a eu un bombardement près de l’école où on était. On a couru entre les blessés pour rentrer à la maison. »

Peu après, M. Rmeily s’est joint au programme pour les jeunes de la Croix-Rouge libanaise et a intégré une équipe opérationnelle à 19 ans.

PHOTO FOURNIE PAR RAWAD RMEILY

Rawad Rmeily (troisième à partir de la gauche) a intégré une équipe de la Croix-Rouge libanaise à 19 ans avant de faire son service militaire.

Après ses études à l’université et une année comme infirmier à l’hôpital Riyak, dans sa région natale, il a été appelé pour faire son service militaire d’un an dans l’armée libanaise. « C’est une expérience qui donne de la maturité qu’on n’a pas normalement à 22, 23 ans », dit M. Rmeily. Une perspective qu’il conserve dans son travail actuel à l’ICM, dont il parle avec enthousiasme, un poste dans un environnement à haute intensité qui le place « proche des patients et proche du personnel ».

Mais en septembre 2001, il était à bord d’une ambulance dépêchée dans l’est du Liban, près de la frontière syrienne, pour secourir deux soldats blessés par des narcotrafiquants. L’un avait des balles dans les jambes, l’autre, une balle logée tout près du cœur.

« Dans la région, l’hôpital n’était pas équipé pour ça. […] On a roulé vers Beyrouth et l’hôpital militaire. »

M. Rmeily s’est retrouvé, à 23 ans, à soigner un soldat de son âge, avec une balle logée dans une artère du cœur. « Malheureusement, on n’était pas bien équipés, on l’a intubé dans l’ambulance, puis on n’avait pas de sang, juste du soluté. Et il saignait beaucoup. »

Le blessé aux jambes a survécu, mais pas le blessé thoracique.

« S’il avait été amené à temps dans un hôpital moderne, je suis certain qu’il aurait survécu. Mais ce soir-là, on n’est pas capable de fournir les meilleurs soins. On n’a pas ce qu’il faut. […] Moi, je manque d’expérience. Le médecin aussi, il a 26 ans, il sort de l’université. Ce garçon a été malchanceux. »

« Ici, c’est extraordinaire »

C’est tout le contraire des conditions dans lesquelles il accueille aujourd’hui les patients de l’ICM, qui ont tout ce que la médecine moderne peut offrir.

Et si ce souvenir demeure vif, il n’a en rien émoussé son optimisme, dit M. Rmeily.

« Ce que j’ai fait en arrivant, c’est prendre mon expérience et donner des soins en étant humain avec les gens. Les gens sont très stressés en arrivant en salle d’op et ils me voient en arrivant. J’ai une approche que j’ai acquise avec le temps qui me permet de ramener de la sécurité, de la confiance, qu’on est là comme de la famille, qu’on est là pour vous. Donc après ça je vois le patient décrocher un petit peu, il a confiance. Il commence à me parler d’autre chose, de sa famille, de ses enfants. » Et c’est très bien, dit M. Rmeily.

« Ici, c’est extraordinaire par rapport à ce qu’on a vécu au Liban. Je dis aux patients qu’ils sont bien entourés. “Tout le monde est spécialisé au max. La technologie est là, donc les chances sont de votre côté.” »