Dans une décision qui crée un précédent, le comité de discipline de l’OACIQ a conclu que la courtière immobilière Christine Girouard, vedette de l’émission Numéros 1 à Casa, et son conjoint également courtier Jonathan Dauphinais-Fortin ont bel et bien orchestré un stratagème de promesses d’achat bidon pour créer de la surenchère.

Le comité de discipline de l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec (OACIQ) n’a pas cru la version des faits des deux courtiers, et a relevé de « nombreuses contradictions ou imprécisions dans leurs témoignages ».

Après avoir fait l’analyse des documents, des faits et des témoignages entendus en septembre et en octobre 2023, le comité statue que la preuve est « claire » et « éloquente », indique la décision.

Christine Girouard est coupable de tous les chefs d’accusation sur quatre immeubles et Jonathan Dauphinais-Fortin, de tous les chefs d’accusation sur deux immeubles.

C’est à la suite de la publication de l’enquête de La Presse sur les promesses d’achat bidon en mai 2023 que l’OACIQ a entamé des procédures contre les deux courtiers immobiliers fautifs.

Offres bidon avec l’aide de proches

En pleine surenchère immobilière durant la pandémie, Christine Girouard et Jonathan Dauphinais-Fortin ont utilisé le même stratagème frauduleux lors de la vente de deux propriétés à Repentigny que Mme Girouard avait sous contrat.

Dans le premier cas mentionné devant le comité, Jonathan Dauphinais-Fortin a présenté une promesse d’achat bidon au nom de sa petite amie de l’époque, et dans un deuxième cas, au nom d’« un ami de longue date ». Ces deux promesses d’achat bidon n’ont jamais été remises à son agence RE/MAX D’ICI, comme l’oblige la procédure.

La « Décision sur culpabilité » précise que ces promesses bidon n’avaient « aucune chance d’être acceptées par les vendeurs » à cause du bas prix offert en raison de l’effervescence du marché immobilier, de l’absence de visite de ladite propriété, de la date de prise de possession de l’acheteur différente de celle prévue au contrat et de l’absence de préautorisation bancaire.

Le comité s’appuie notamment sur le témoignage de l’ex-copine du courtier, qui dit regretter son geste, pour déterminer que celui-ci savait que son offre était bidon. « Malgré beaucoup d’hésitation, elle a finalement décidé de signer la promesse d’achat, parce que M. Fortin lui représentait que son offre n’aurait aucune chance d’être acceptée et pour acheter la paix avec lui. »

Longuement discuté lors des audiences à l’automne 2023, le terme « bidon » est défini dans le document du comité de discipline, qui explique que « la promesse d’achat en est une dite “bidon” en ce qu’elle n’est faite que pour créer une illusion de concurrence ».

« Dans les faits, cette offre “bidon” a atteint son objectif puisque les acheteurs ont bonifié leur promesse d’achat en raison de l’existence de cette dernière », précise le comité. Ils savaient qu’une autre offre avait été présentée, mais en ignorait le prix, comme le prévoit la loi.

Dans les deux cas présentés lors des audiences, les acheteurs ont bonifié leur offre. Pour la première propriété, l’acheteur a dû payer sa maison 40 000 $ plus cher. Pour la deuxième, les vendeurs ont refusé l’offre bonifiée.

Le comité a tranché : un courtier ne peut pas mentir

Pour tenter de vendre l’une des propriétés qu’elle avait sous contrat, Christine Girouard a non seulement utilisé une promesse d’achat bidon, mais aussi le mensonge, enfreignant la Loi sur le courtage immobilier.

Après avoir reçu une offre de 607 000 $ pour une maison affichée à 549 700 $, Christine Girouard « a tenté par ses propos mensongers d’obtenir une bonification de leur offre en leur représentant avoir reçu plusieurs promesses d’achat dont une, faite par un courtier de Montréal, comportant un prix plus élevé que la leur ».

Christine Girouard va même jusqu’à dire à la courtière qu’elle préférerait faire affaire avec elle, parce qu’elle est du secteur.

« Or, il appert que cette “soi-disant” meilleure offre n’existe pas et que la promesse d’achat déposée par les clients du courtier […] au montant de 607 000 $ était déjà la meilleure offre qu’elle avait reçue pour cette propriété », indique le document du comité de discipline.

Dans un troisième cas révélé par La Presse en mai 2023, Christine Girouard s’était endormie lors d’une négociation et n’avait pas envoyé à temps un document signé par ses acheteurs pour fixer un prix d’achat à 692 500 $. Plutôt que d’avouer la situation à ses clients, elle leur a fait croire que les vendeurs voulaient plus d’argent et ils ont dû payer 7500 $. C’est lors de l’inspection que les clients de Mme Girouard ont été mis au fait de la situation. La courtière les a finalement remboursés en leur faisant signer un document de non-divulgation.

« Ce n’est pas l’erreur de l’intimée d’outrepasser le délai pour le retour du document qui est en cause, mais plutôt les propos mensongers de l’intimée à ses clients quant à la véritable raison de cette augmentation de prix », précise la décision.

Dans une quatrième transaction examinée par le comité de discipline, Christine Girouard a été reconnue coupable d’avoir tenté de faire exclure la garantie légale de qualité après l’acceptation d’une promesse d’achat et d’avoir menacé le courtier des acheteurs que son client ne se rendrait pas chez le notaire pour signer l’acte de vente si la garantie légale de qualité n’était pas exclue.

Les audiences visant à déterminer les sanctions se tiendront à une date qui n’a pas encore été publiée. Christine Girouard et Jonathan Dauphinais-Fortin risquent des amendes pouvant aller jusqu’à 50 000 $ par chef d’accusation, la suspension ou encore la révocation de leurs permis.