L’ultime tentative de Réal Bouclin pour s’accrocher aux restes de Groupe Sélection a échoué. Corev Immobilier a décidé de ne pas s’associer avec l’homme d’affaires, qui avait pourtant affirmé le contraire à ses employés – licenciés abruptement le mois dernier.

Du jour au lendemain, environ 25 personnes qui occupaient des fonctions de comptabilité, de gestion de projet et de services informatiques, notamment, ont appris avec étonnement qu’elles perdaient leur gagne-pain, le 14 décembre dernier.

La raison ? L’échec des discussions entre Sélection et Corev – repreneur du dernier bloc d’actifs de l’entreprise insolvable – visant à sceller un partenariat axé sur la gestion de résidences pour aînés (RPA) et le développement immobilier. À l’interne, M. Bouclin et son équipe laissaient plutôt croire que c’était le contraire qui était en train de se produire.

« Ce rendez-vous a pour but de souligner votre travail acharné des derniers temps et notre nouveau partenariat avec Corev, sans qui cette relance n’aurait pas été possible », écrit l’homme d’affaires déchu, dans une note interne datée du 20 novembre dernier dans laquelle il convie ses employés à un « cocktail » prévu le lendemain (21 novembre).

Au terme d’enchères qui se déroulaient en vertu de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC), Corev a raflé, l’automne dernier, les actifs restants de Sélection. Il s’agit de quatre RPA, trois projets immobiliers en construction et 13 autres en « développement ».

Scénario avorté

Selon des notes internes envoyées par Sélection à ses employés restants – que La Presse a pu consulter –, on leur avait confirmé, le 3 novembre dernier, qu’ils se retrouveraient sous l’égide d’une nouvelle entité : SEC Corev Gestion immobilière. Une semaine plus tard, le chef de la direction financière, Robert Laplante, leur annonçait une association avec Corev en leur laissant entendre que des jours meilleurs étaient à venir.

« Nous sommes ravis de vous informer que les ententes et conventions relatives à notre nouveau partenariat avec Corev ont été officiellement signées, écrit-il. La signature de ces documents était une étape cruciale avant de pouvoir vous transmettre vos nouveaux contrats de travail. »

Ce scénario ne s’est jamais concrétisé.

Il n’a pas été possible d’obtenir tous les détails à l’origine de l’échec des pourparlers. Au cours d’un entretien téléphonique avec La Presse, le président de Corev, Daniel Revah, ne s’est pas avancé sur le sujet.

« Les conditions qu’ils [chez Sélection] voulaient ne marchaient pas pour nous, tout simplement, a-t-il dit, sans offrir plus de détails. C’était financier et sur leurs responsabilités. Nous sommes en train de finaliser le transfert d’information [chez nous]. »

M. Revah a indiqué ne pas avoir acquis les droits sur le nom « Groupe Sélection ».

M. Bouclin s’est personnellement placé sous la protection de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité en août dernier. Il traînait des créances de 160 millions. L’homme d’affaires n’était visiblement pas en mesure de contribuer financièrement à un nouveau partenariat d’affaires. Cela s’ajoute à la débâcle financière de Sélection, qui s’est tournée vers la LACC le 14 novembre 2022.

« Depuis octobre, des discussions ont eu lieu sur différents scénarios de collaboration avec Corev, a indiqué par courriel un porte-parole de Sélection, Victor Hernandez. Certains scénarios ont été abandonnés, entraînant des choix difficiles, mais des discussions se poursuivent. »

Celui-ci n’a pas précisé la nature des « discussions », mais à écouter M. Revah, il s’agit de simples échanges pour officialiser le transfert des derniers actifs rachetés par Corev.

Sortie complète

L’entreprise fondée par M. Bouclin n’est plus présente dans le créneau des RPA. Au moment de se placer à l’abri de ses créanciers, elle s’assurait de la gestion de 48 complexes pour aînés. Elle a aussi perdu ce qui était considéré comme son joyau : sa participation dans le district des brasseurs (l’ancienne brasserie Molson), situé dans le quartier stratégique du Vieux-Montréal.

Ce géant déchu a également été écarté d’Espace Montmorency, complexe multiusage de quelque 450 millions comprenant un hôtel, des commerces, des tours résidentielles ainsi qu’un stationnement souterrain.

Selon le plus récent rapport de PwC, qui supervise le redressement financier de Sélection, on ne devrait conserver qu’une poignée des employés de l’entreprise pour « terminer les tâches administratives restantes qui se résument au service de paie » et « certaines tâches liées à la transition avec divers partenaires ».

D’après l’échéancier du plus récent rapport du contrôleur, on prévoit finaliser des négociations « post-clôture » d’ici la fin du mois, et la « cessation et disposition des filiales et activités de construction » de Sélection devrait avoir lieu vers le mois de mars. Ces actifs devraient être vendus à la direction de Sélection – la famille Bouclin – ou liquidés.

En savoir plus
  • 272 millions
    Montant du prêt que devait rembourser Groupe Sélection à ses banquiers
    Source : pwc
    14 novembre 2022
    Date à laquelle Sélection s’est placée sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies.
    Source : groupe sélection