Hydro-Québec devrait vendre son électricité au coût de production actuel aux enteprises qui songent à s'établir ici, suggère l'auteur du rapport L’état de l’énergie 2024

Hydro-Québec devrait vendre son kilowatt au coût de production d’aujourd’hui aux entreprises qui veulent s’établir en territoire québécois pour profiter d’une source d’énergie fiable et verte, estime l'auteur de L'état de l'énergie au Québec.

C’est assurément une avenue à envisager, selon Pierre-Olivier Pineau, titulaire de la Chaire en énergie de HEC Montréal, qui publie pour la dixième fois son rapport annuel ce jeudi.

L’annonce d’Hydro-Québec d’investir de 150 à 180 milliards pour doubler sa production d’électricité est un des évènements marquants de l’année dans le monde de l’énergie, selon lui.

Le Québec est déjà un champion mondial de la consommation d’électricité et il risque de conserver ce titre encore longtemps en voulant attirer les entreprises qui veulent se décarboner avec ses bas tarifs d’électricité. « On a toujours fait du développement économique avec l’électricité au Québec et on peut certainement devenir les fournisseurs du monde pour certains produits, mais je préférerais qu’on travaille par ailleurs à améliorer la performance énergétique », dit le professeur, ce qui passe notamment par une augmentation du prix de l’électricité qui inciterait à mieux l’utiliser.

La plupart des entreprises qui veulent investir au Québec sont attirées par le tarif industriel d’Hydro-Québec (5,3 cents le kilowattheure), beaucoup plus bas que la nouvelle production prévue par Hydro-Québec pour les approvisionner (environ 11 cents le kilowattheure), ce qui est possible en raison du coût de production très bas des plus anciennes installations hydroélectriques.

Selon le professeur, Hydro-Québec devrait idéalement facturer l’électricité au coût de production d’aujourd’hui, soit son coût marginal, à tous ses clients pour assurer une utilisation efficace de la ressource.

Étant donné que les entreprises se bousculent pour s’installer au Québec, ce serait certainement une possibilité dans le secteur industriel, selon lui. Les entreprises qui veulent produire leur propre électricité, comme TES Canada, sont déjà prêtes à payer le coût de production d’aujourd’hui, soit le double du tarif industriel d’Hydro-Québec, dit-il.

La dernière version de L’état de l’énergie au Québec constate encore une fois que tout est à faire pour améliorer l’utilisation de l’énergie au Canada et au Québec, dit Pierre-Olivier Pineau.

« Non seulement on a la plus faible productivité énergétique [soit la richesse créée par unité d’énergie consommée] parmi les pays du monde auxquels on aime se comparer, comme l’Allemagne ou la Norvège, mais on est celui qui a le moins progressé », déplore-t-il.

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

La consommation énergétique par habitant au Québec reste l’une des plus élevées au monde, selon le rapport.

Pas de progrès

L’état de l’énergie au Québec, qui trace le portrait de l’énergie produite et consommée sur le territoire québécois, en est à sa dixième édition. Même si le secteur de l’énergie évolue lentement, Pierre-Olivier Pineau est déçu de l’absence de progrès. La consommation énergétique par habitant reste l’une des plus élevées au monde, constate-t-il. La part des produits pétroliers dans le total de l’énergie consommée est restée la même et le gaz naturel a maintenu sa part et le parc automobile continue d’augmenter. « J’aurais aimé voir les émissions de gaz à effet de serre diminuer, comme on l’avait prévu dans la politique énergétique de 2015, mais clairement, on n’en est pas là », dit le professeur.

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La voiture continue de reculer face aux véhicules utilitaires sport et aux camions légers, constate L’état de l’énergie.

Place aux VUS

La voiture continue de reculer face aux véhicules utilitaires sport (VUS) et aux camions légers, constate encore L’état de l’énergie. « Le déclin des ventes de voitures a débuté en 2008 et, si la tendance se maintient, la dernière voiture à combustion devrait se vendre en 2028. » « Le même phénomène affecte les véhicules électriques : les ventes de camions électriques dépassent désormais celles des voitures électriques. Ce déclin de la voiture au profit de véhicules plus gros et plus lourds est problématique à plusieurs égards : les consommateurs achètent des véhicules qui coûtent davantage et consomment plus d’énergie que des alternatives disponibles. »

IMAGE FOURNIE PAR TES CANADA

Un projet d'hydrogène vert qu’ambitionne de construire TES Canada à Shawinigan.

Pluie de projets d’hydrogène

Si le secteur de l’énergie a peu changé au Québec depuis dix ans, le discours public a évolué. La Chaire en énergie de HEC Montréal note qu’il n’est plus question de pipelines ou d’exploitation d’hydrocarbures. Les projets d’hydrogène vert, en revanche, émergent un peu partout sur le territoire. Le document en recense une douzaine, la plupart en attente d’obtenir de l’électricité d’Hydro-Québec pour se réaliser. En plus de nécessiter énormément d’électricité, la production d’hydrogène vert coûte trois fois plus cher que l’hydrogène traditionnel qui est déjà produit au Québec à partir de reformage du méthane.

PHOTO IVANOH DEMERS, ARCHIVES LA PRESSE

Les ménages québécois consacrent 17 % de leur budget à l’énergie sous toutes ses formes.

L’énergie : 17 % du budget des ménages

Les ménages québécois consacrent 17 % de leur budget à l’énergie sous toutes ses formes. Les dépenses directes en électricité, gaz naturel et essence totalisent annuellement 14,4 milliards de dollars. Plus de la moitié de cette somme est consacrée à l’achat d’essence, et le reste à l’électricité. La consommation d’énergie dans les foyers augmente avec le revenu. La facture moyenne d’un ménage dont les revenus ne dépassent pas 40 000 $ est de 1 085 $. Les ménages dont les revenus sont de 150 000 $ paient plus du double, soit 2114 $ par année.