Les amateurs de vin et spiritueux mettront bientôt davantage la main dans leur poche lorsqu’ils achèteront bon nombre de produits vendus à la Société des alcools du Québec (SAQ). Celle-ci se prendra d’ici le mois de mai une plus grande marge brute sur toutes ses bouteilles dont le prix est supérieur à 15 $.

Ce qu’il faut savoir

La SAQ augmentera la marge brute – qu’elle appelle sa « majoration » – qu’elle prend sur chacune des bouteilles vendues, à l’exception des vins à 15 $ ou moins.

En moyenne, l’augmentation de la majoration sera de 1,7 %, ce qui aura une incidence à la hausse sur le prix des produits vendus en succursale ou en ligne.

Cette hausse pourrait s’ajouter à celle demandée par les fournisseurs à la SAQ deux fois par année.

L’augmentation moyenne de 1,7 % de la majoration – qui touchera environ 75 % des produits vendus sur les tablettes – entrera en vigueur en même temps que la hausse des prix fixés à la suite de négociations avec les fournisseurs. C’est à ce moment que les consommateurs connaîtront les véritables augmentations auxquelles ils feront face au moment de passer à la caisse.

« Il y a plusieurs éléments qui se traduisent par une augmentation à la fin pour le consommateur », a expliqué le président et chef de la direction de la SAQ, Jacques Farcy, au cours d’un point de presse tenu lundi au siège social de la société d’État. « Le premier élément, c’est le coût d’achat d’un produit par la SAQ. Ce coût-là, on le négocie avec l’industrie, on le négocie avec les fournisseurs. Et il y a un deuxième élément qui s’ajoute, c’est la marge que la SAQ peut prendre une fois que le produit a été acheté. Cette marge-là, c’est la majoration. »

« Cette majoration nous permet de rééquilibrer une partie de nos coûts », a-t-il expliqué, ajoutant dans la foulée que la SAQ souhaitait dégager 10 millions de dollars supplémentaires. Son bénéfice net atteignait 1,4 milliard au cours de l’exercice 2022-2023.

Au mois de mai, une bouteille de vin qui coûte actuellement 25 $ sera affichée à 25,15 $, a donné en exemple M. Farcy. L’augmentation de la majoration dans ce cas-ci est de 1,6 % et correspond à une hausse du prix sur la tablette de 0,6 %. Une bouteille de spiritueux affichée à 45 $ coûtera 45,27 $. La majoration – donc la marge brute que la SAQ se prend sur chaque vin, cidre et autres prêts-à-boire – peut varier.

Elle est déterminée selon un calcul effectué à partir du prix coûtant, soit le montant payé par la SAQ à ses fournisseurs. En moyenne, la majoration pourrait connaître une hausse de 1,7 %.

Les vins vendus à 15 $ ou moins ne subiront pas les effets de l’augmentation de la majoration. « Il y a, en revanche, une décision claire de la part de la SAQ qui est de s’assurer qu’on protège les vins les moins chers, de manière à s’assurer que, malgré la situation économique, les clients qui souhaitent avoir accès à des produits plus abordables en termes de prix n’aient pas à assumer une hausse de majoration. »

« La dernière fois que la SAQ a annoncé un mouvement sur sa majoration, c’était en 2017, souligne M. Farcy. Nous avions [alors] réduit notre majoration au bénéfice des consommateurs, ce qui représentait environ 1,40 $ de remise sur toutes les bouteilles de vin courant. »

Le contexte économique actuel a forcé la SAQ à refaire ses calculs. « En 2024, il est nécessaire pour nous d’ajuster notre majoration. »

Cette décision n’est pas étrangère à la baisse des ventes aux premier et deuxième trimestres de l’exercice 2023-2024, reconnaît le grand patron de la société d’État. « Effectivement, on voit que nos volumes ne sont pas en croissance. On est en légère, très légère diminution. Ça, c’est un facteur nouveau. Mais effectivement nos coûts augmentent depuis 2017, il est nécessaire de revoir la majoration cette année. »

Décisions d’affaires et convention collective

Alors que les conférences de presse organisées par la SAQ se sont faites plutôt rares depuis les 20 dernières années, Jacques Farcy a profité de sa rencontre avec les journalistes pour revenir sur les décisions prises depuis le début de son mandat, il y a huit mois.

Après avoir fait subir un régime minceur aux rabais accordés à son enseigne Dépôt, la SAQ a décidé de fermer sa succursale du CF Carrefour Laval, de réduire les heures d’ouverture de certains magasins et de supprimer 64 postes.

Dans la foulée de toutes ces « décisions d’affaires », M. Farcy a assuré que l’enseigne SAQ Dépôt – qui compte 10 succursales – ne disparaîtrait pas du paysage. « La bannière SAQ Dépôt est une bannière importante. On est l’un des rares détaillants au Canada dans notre industrie à offrir un rabais toute l’année. On souhaite que ça se poursuive. »

M. Farcy a par ailleurs tenu à préciser que les différents changements apportés au cours des derniers mois n’étaient pas liés aux négociations en cours avec le Syndicat des employés de magasins et de bureaux de la Société des alcools du Québec (SEMB-SAQ-CSN), sans convention collective depuis le 31 mars 2023.

« Je vais être très clair, ces annonces n’ont rien à voir avec la négociation qui est en cours. Il n’y a pas de lien. On est très mobilisés, on a envie que les choses avancent. »

Concernant un possible vote de grève à la fin du mois de février, il a simplement répondu que c’est une décision qui « appartient aux employés ».

Sépultures

Jacques Farcy a également été questionné à propos de la possible présence de sépultures anonymes d’enfants orphelins et autochtones dans un ancien cimetière situé sur une portion des terrains actuels de la SAQ. Celles-ci pourraient affecter et allonger la durée des travaux de 300 millions de dollars prévus pour l’agrandissement du centre de distribution. Ces travaux sont suspendus depuis le début du mois de janvier.

À la demande du Comité des orphelins et orphelines institutionnalisés de Duplessis et de Kanien’keha : ka Kahnistensera, un groupe de militants autochtones communément appelé les « Mères mohawks », la SAQ n’a pas entrepris les travaux d’excavation qu’elle s’apprêtait à faire. Les activités sur le chantier ont été interrompues. C’est que les deux groupes signataires d’une lettre soupçonnent la présence de restes humains.

« On veut évidemment bien faire les choses, assure M. Farcy. On est en train de développer un plan d’action. On est en discussion avec plusieurs parties prenantes. »

Bien que la SAQ assure vouloir s’entretenir avec les deux groupes, aucune date de rencontre n’a encore été fixée, a confirmé lundi l’anthropologue Philippe Blouin, qui travaille étroitement avec les Mères mohawks et qui agit à titre d’interprète francophone. Il accompagnait d’ailleurs lundi midi une poignée de manifestants ainsi que des représentants du Comité des orphelins de Duplessis aux abords du terrain où se feront les travaux d’agrandissement du centre de distribution. L’objectif était notamment d’accentuer la pression afin qu’un protocole soit mis en place le plus rapidement possible.

Qu’est-ce que la majoration ?

« La majoration, c’est le pourcentage de marge que la SAQ se prend sur le coût des produits », a expliqué Édith Filion, vice-présidente et chef de la direction financière, au cours d’un point de presse lundi. « Le coût des produits, ça inclut le prix d’achat auprès de nos fournisseurs, le coût des transports, la taxe d’accise du gouvernement fédéral. Tous ces éléments-là sont additionnés et ça devient le coûtant d’une bouteille. » Actuellement, sur une bouteille de vin vendue 15 $, la majoration est de 40,9 %. La SAQ se prend donc une marge brute de 6,14 $.

Hausse de prix

En plus de la majoration qui augmentera, les consommateurs pourraient payer pour les hausses demandées par les fournisseurs. Ces « ajustements de prix » ont lieu deux fois par année, en mai et en novembre. Or, dorénavant, des demandes d’augmentation pourront être déposées en mai et à un autre moment au choix du fournisseur : en août, novembre ou février. Les hausses restent toutefois limitées à deux fois par année.