Un cadre national permettant aux petits fournisseurs d’accès internet d’offrir des services à leurs clients en utilisant les réseaux de fibre optique de leurs concurrents offrirait aux résidents de régions éloignées des options plus abordables, s’est fait dire mardi le CRTC.

Rizwan Jamal, président-directeur général de Xplore, établie au Nouveau-Brunswick, a déclaré que même si son entreprise cherche à étendre son propre réseau de fibre optique dans les zones rurales et éloignées, elle est désavantagée par rapport aux opérateurs œuvrant à plus grande échelle.

« Si nous voulons être en mesure d’être compétitifs avec les opérateurs historiques en matière d’innovation, en matière de prix, au fil du temps, il est absolument essentiel que nous gagnions de l’ampleur », a déclaré M. Jamal devant un comité de commissaires du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC).

« L’accès en gros nous permettra de prendre de l’ampleur, particulièrement dans les régions rurales et éloignées du Canada. »

Le régulateur fédéral des télécommunications passera la semaine à entendre plus de 20 groupes, dont des fournisseurs d’accès internet, des défenseurs et d’autres parties prenantes, dans le cadre de son examen de la concurrence sur l’internet au Canada.

L’audience de cinq jours se concentre sur des questions telles que l’efficacité actuelle des marchés des services internet, les changements potentiels nécessaires pour stimuler la concurrence et la manière dont le CRTC peut inciter les entreprises à investir dans des services de haute qualité.

Le CRTC a annoncé en novembre dernier qu’il obligerait temporairement les grandes compagnies de téléphone, notamment Bell Canada et Telus Corp., à fournir à leurs concurrents un accès à leurs réseaux de fibre optique jusqu’au domicile en Ontario et au Québec dans un délai de six mois.

La décision visait à stimuler la concurrence pour les services internet dans ces provinces, où il a été constaté que les petits fournisseurs ont été de plus en plus rachetés par de plus grandes entreprises ces dernières années.

L’audience de cette semaine pourrait avoir une incidence sur la décision du CRTC de rendre cette directive permanente et de l’appliquer à d’autres provinces.

Le réseau internet fibre de Xplore dessert actuellement environ 65 000 foyers, un chiffre que l’entreprise espère porter à plus de 400 000.

M. Jamal a affirmé que l’entreprise peut se permettre de développer son réseau dans des communautés plus densément peuplées avec le soutien de subventions fédérales et provinciales, mais dans les zones moins denses, il peut être difficile d’obtenir un rendement sur l’investissement.

Des règles de gros élargies pourraient aider à combler ces lacunes dans les services, a-t-il avancé.

« Avoir cet accès obligatoire dans les communautés proches ou adjacentes aux communautés que nous construisons nous donnera de l’ampleur dans ces communautés, a ajouté M. Jamal. La plupart des communautés que nous desservons sont petites et nous avons besoin de techniciens locaux. S’ils peuvent desservir de plus grandes poches de foyers, cela améliorera notre retour sur investissement… tout en offrant des prix compétitifs. »

Pas de « concurrence durable »

Mais si l’accès de gros à l’internet haut débit n’est pas obligatoire dans les zones rurales, Rizwan Jamal estime que des résidents seront à la traîne.

« Avec le temps, nous n’aurons pas de concurrence durable, a-t-il déclaré. Dans ces secteurs, ils seraient privés des avantages associés à l’accès fourni dans les zones urbaines et suburbaines, qui accorderait à ces ménages particuliers un choix supplémentaire, une concurrence accrue et des prix plus abordables. »

D’autres opérateurs, comme Bell, ont passé les jours précédant l’audience à s’opposer à l’élargissement des règles d’accès de gros à la fibre optique. Bell a déclaré que les règles temporaires, contre lesquelles la société fait appel, diminuent déjà l’analyse de rentabilisation de son investissement.

L’opérateur Eastlink, établi à Halifax, a également critiqué cette vision des choses lors de la comparution de l’entreprise mardi.

Le vice-président exécutif, Lee Bragg, a déclaré que si le CRTC donne la priorité à l’augmentation du choix dans l’accès à internet pour les consommateurs tout en rendant moins attrayant pour les entreprises de dépenser de l’argent pour construire des réseaux, le résultat sera « une concurrence réduite et des réseaux de moindre qualité, en particulier dans les petites communautés rurales et éloignées ».

« Sans un cadre global qui priorise les investissements […] Eastlink sera obligé de reconsidérer notre présence dans certaines de nos communautés rurales où l’analyse de rentabilisation pour continuer à investir n’existe plus », a prévenu M. Bragg.

Il a souligné qu’au cours des dernières années, Eastlink a cessé d’offrir des services dans 62 communautés où elle ne pouvait plus justifier les coûts.

« Dans les communautés rurales et éloignées, l’analyse de rentabilisation pour fournir un service est déjà extrêmement difficile, a expliqué M. Bragg. Ces défis peuvent devenir insurmontables lorsqu’il est nécessaire de fournir immédiatement un accès internet de gros, en particulier à des tarifs qui ne couvrent pas adéquatement le coût de fourniture du service. »

Le CRTC devrait entendre les représentants de Telus et de Bell mercredi.